Déficit en capacités d'accueil, en marketing, en savoir-faire dans l'hôtellerie et la restauration, d'un côté, image séduisante et reluisante d'un potentiel touristique encore vierge sur l'ensemble des régions, de l'autre, tel est le paradoxe relevé par de nombreux animateurs du secteur du tourisme en Algérie. Ce qui expliquerait, selon eux, la place de bon dernier qu'occupe notre pays sur le tableau des destinations touristiques dans le Maghreb et sur le continent. Dans le public comme dans le privé, les travailleurs du tourisme ont estimé que les responsables algériens ont tardé à réagir face aux mutations des marchés du tourisme avec l'émergence des pays de l'Est, aux mutations des techniques de prise en charge de ce secteur et à la réactualisation de notre législation. « Ces mutations et législations ont été les grands bouleversements qu'a connus le secteur du tourisme à travers le monde. Chez nous, on continue à parler de tourisme standardisé. Nos responsables savent-ils que la tendance mondiale de ces dernières années est au tourisme personnalisé ? Nous estimons incontournable l'élaboration d'un programme de travail à même de permettre de définir les actions à engager aux niveaux national, régional et local », explique Ali A., secrétaire général du syndicat de l'entreprise de gestion touristique de Annaba. Il ajoutera : « Une plus grande implication des professionnels dans les instances d'animation de ce créneau économique d'importance est nécessaire. Elle permettrait une meilleure coordination des actions à l'échelle régionale et locale. L'Algérie n'a-t-elle pas acquis la réputation de réserver un très mauvais accueil aux touristes ? » Cadres gestionnaires et syndicalistes du secteur soulignent la nécessité de créer une structure d'accueil et de développer la formation ainsi que les collaborations et les partenariats avec les structures liées au tourisme. Le dossier des infrastructures hôtelières fait partie du lot des préoccupations des premiers et des seconds. Ces dernières pourraient avoir été prises en charge dans le cadre de la mise en route en 2002 de la stratégie nationale de développement du tourisme. Une stratégie qui paraît être une réforme en douceur de la gestion du tourisme en Algérie entamée en 1988 puis gelée. Celle-ci porterait sur des investissements de 75 milliards de dinars. Elle s'étale jusqu'à 2010. Quelques-uns des aspects de cette stratégie, qui a été reprise en 2002, ont déjà été révélés. Notamment l'identification de 174 zones d'extension touristique d'une superficie globale de 47 073 ha. Plus des 3/4 de cette superficie concernent 140 ZET de 14 wilayas du littoral. Le reste est partagé entre les 13 ZET des wilayas de l'intérieur et les hautes plaines (3480 ha) et les 20 ZET de 8 wilayas du Sud et du grand Sud (9501 ha). Un autre aspect porte sur les wilayas classées prioritaires en matière d'investissements. Annaba figure en bonne place avec la réalisation d'établissements hôteliers classés d'une capacité moyenne de 250 lits. C'est dans ce cadre qu'a été retenu le groupe français Accor, intéressé par des investissements du genre sur toute l'étendue du littoral algérien. Ce choix a été qualifié de pertinent par les spécialistes qui classent la région de Annaba, avec Guelma, Souk Ahras et El Tarf, comme étant un important pôle de développement du tourisme en Algérie. Ce qui lui a valu, courant décembre 2004, une visite de prospection et de travail d'une délégation d'hommes d'affaires saoudiens. Ceux-ci ont exprimé leur volonté d'y réaliser un village touristique. De par l'existence d'un important potentiel de communication, infrastructures aéroportuaires, portuaires et ferroviaires, sa proximité frontalière avec d'autres pays, Annaba est considérée comme une wilaya pilote. Les trois importantes ZET, Oued Bekrat, Chetaïbi et une corniche longue de 12 km, avec une superficie de 2059 ha sont d'autres atouts qu'un bureau d'études espagnol a été chargé d'étudier, particulièrement à Chetaïbi. 4 établissements opérationnels en 2005 Ces trois sites avaient été visités courant décembre 2004 par le groupe saoudien Sidar. Interrogé sur cette visite, Mohamed Sekfali, directeur du tourisme à Annaba, a affirmé : « Les Saoudiens du groupe Sidar ont été ravis par la beauté du site de Oued Bekrat. D'où les négociations que nous avons entamées avec eux. Nous précisons que ce groupe est présent dans notre pays où il a réalisé une tour d'affaires à Chéraga et des projets immobiliers à Mohammadia. Lors de leur visite à Sidi Salem et à la plage La Caroube, les Saoudiens ont été révoltés à la vue du massacre urbanistique de ces deux sites. » Dans l'élaboration de leur stratégie de développement touristique, les responsables algériens ont cerné avec précision notre potentiel national. Ils ont également pris en considération tout ce qui se dit et s'écrit sur ce potentiel dans le domaine du tourisme côtier, de plein air et de montagne, saharien, chasse et pêche, archéologique et surtout thermal. Ils ont fait l'inventaire des 202 sources thermales sur l'ensemble du territoire réputées pour leurs caractéristiques physico-chimiques. Dans leurs démarches, les mêmes responsables semblent s'être attardés sur le tourisme religieux à Annaba et Souk Ahras. Leur intéressement à ce créneau touristique s'est matérialisé par une étude sur 17 projets portant réalisation d'établissements hôteliers d'une capacité de 2691 lits pour un montant global de près de 3 milliards de dinars. En voie d'achèvement, 4 de ces établissements pourraient être opérationnels courant 2005. Leur mise en exploitation atténuerait quelque peu le déficit en capacités d'accueil de la wilaya de Annaba qui ne compte que 3 hôtels classés sur les 37 existants. C'est dans la même perspective que bonne note a été prise des 175 demandes d'investissement pour la réalisation d'hôtels d'une capacité prévisionnelle de 1187 lits. Ces demandes sont actuellement étudiées minutieusement, faux investisseurs obligent, par l'Agence nationale pour le développement de l'investissement (ANDI). « De prétendus investisseurs ont bénéficié d'avantages dont des terrains sur des places de choix. Ils se sont limités à réaliser un café ou un bar et rien de plus, alors qu'ils s'étaient engagés à réaliser un hôtel », a indiqué le directeur du tourisme. Interrogé sur les réelles opportunités qu'offre le tourisme religieux et les difficultés auxquelles sont confrontées les agences de tourisme en Algérie, M. Sekfali a précisé : « Nous avons réuni les représentants des 18 agences de voyages de Annaba. Tous ont émis le vœu de voir programmer un vol Annaba-Rome pour le transport des touristes intéressés par un pèlerinage à Souk Ahras, la ville natale de saint Augustin, et Annaba, sa ville d'adoption et sa basilique. Nous leur avons proposé de s'organiser en association pour pouvoir discuter avec Air Algérie sur la programmation de vols charters. Je dois reconnaître qu'ajouté au déficit en capacités d'accueil hôtelières, le transport est un sérieux handicap. » Pour ces professionnels, la stratégie nationale de développement du tourisme se propose d'asseoir une politique d'Etat basée sur l'adhésion de l'ensemble des institutions directement ou indirectement impliquées dans le développement des activités et produits touristiques. Un point de vue que reprend dans un certain sens M. Sekfali quand il affirme : « L'Algérie bénéficie d'un bon réseau routier de 104 000 km, de 35 aéroports, dont 13 aux normes internationales, de 13 ports et d'un réseau ferroviaire de 4500 km avec 200 gares commerciales déjà opérationnelles. N'est pas anodin l'intérêt qu'accordent au marché hôtelier algérien des chaînes et leaders mondiaux de l'hôtellerie comme Accor, Hilton, Sheraton et Méridien. L'élan que connaît le secteur du tourisme dans notre pays depuis 2002 est consolidé par le projet du groupe Accor de réaliser 34 établissements hôteliers. »