Les assises nationales et internationales qui s'ouvrent aujourd'hui à Alger se veulent être un moment fort pour la mise en tourisme de l'Algérie à l'horizon 2025. Cherif Rahmani, ministre de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et du Tourisme, avait prévenu dès l'installation du comité de préparation de ces assises qu'il fallait « s'affranchir de la routine administrative afin de ne pas s'enliser dans une démarche bureaucratique qui nous a menés là où nous sommes », et ne pas se perdre dans les polémiques d'école ou se gargariser de mots « pour ne pas faire de ces assisses des assisses alibis ». Le constat est fait depuis longtemps : le secteur n'a jamais constitué une priorité malgré les discours politiques qui voulaient plus être dans l'air du temps que de développer une démarche d'avenir. Passé la liesse de l'indépendance, l'Etat a préféré investir dans l'industrie lourde au détriment d'une industrie de transformation et de services. Aujourd'hui, les choses semblent avoir changé. Le ministre parle même « d'un autre contexte mondial. Le pétrole est appelé à connaître une régression dans les prochaines décennies. Il faut absolument développer des ressources alternatives comme le tourisme ». Le secteur est désormais perçu comme créateur de richesses et d'emplois et un substitut aux hydrocarbures. Des potentialités énormes ont été recensées et des forces existent pour sa mise en œuvre. La reconnaissance politique est réelle, mais suffira-t-elle à faire bouger les choses et faire prendre conscience que le tourisme est désormais un secteur économique à part entière ? Le ministère a sollicité des experts internationaux et le Centre national d'études et d'analyses pour la population et le développement (Ceneap) pour faire une expertise sans complaisance de la situation actuelle et mieux connaître le marché national et international ainsi que les attentes des touristes. Une base de données a été largement actualisée et un schéma directeur d'aménagement touristique (SDAT 2025) a été soumis à réflexion et enrichissement durant les assises régionales. L'objectif de l'Algérie est de passer du statut de pays émetteur à celui de pays récepteur. Le challenge est aussi de savoir comment développer l'image de marque de la destination Algérie. Le pays souffre aujourd'hui de son image dégradée sur le plan international : certaines représentations mentales négatives très exagérées (image de désordre, d'insécurité, de pays fermé, de traditionalisme excessif) et son absence d'image et de notoriété touristique. Dans ce cadre, il est urgent de créer la « Maison Algérie » et un portail unique et fédérateur du tourisme algérien. Cette institution aura un rôle de premier plan dans la promotion et la visibilité de notre pays au niveau national et international. Elle aura pour rôle de distribuer de l'information, assurer une mission de relation presse et relations publiques, organiser la participation des professionnels mais surtout organiser une veille de l'évolution des marchés tant de l'investissement touristique (relations avec les grands opérateurs) que des motivations, des habitudes de consommation et des comportements d'achat des touristes. Notre participation aux salons spécialisés étrangers, certes nécessaire, doit être aussi repensée. Il ne suffit pas de planter le décor d'un stand, de distribuer quelques brochures et faire un speech pour avoir la faiblesse de croire que le message est passé. L'appel aux nouvelles techniques de promotion et de marketing, l'utilisation intense, multiple et variée d'internet conjugués aux modifications structurelles qui portent sur la méthode de conception et de gestion des destinations nouvelles sont également autant de facteurs de transformation de la demande touristique et des indicateurs significatifs pour la définition des stratégies de conquête de marchés. Les NTIC et internet sont utilisés fortement dans le domaine de la réservation et il est ainsi indispensable que nos hôtels y recourent de manière systématique. Il est absolument indispensable d'investir dans l'immatériel, la qualité et la prestation. Il faut aussi valoriser la formation. Sur la base d'un benchmarking et d'études comparatives des marchés, il a été mis en exergue que « la Tunisie, le Maroc et la Libye sont des concurrents directs de l'Algérie ». A l'horizon 2010, la Tunisie, le Maroc et l'Egypte tablent chacun sur un flux de 10 millions de touristes. A l'horizon 2015, les pays du Maghreb offriront aux visiteurs internationaux les mêmes produits et thèmes touristiques : tourisme d'affaires, mer, soleil, désert, thalassothérapie, pèlerinage, histoire, culture, sport et écologie. L'Algérie se doit de s'intégrer dans cette dynamique internationale. Il faut savoir aussi que les 21 pays du bassin méditerranéen restent la principale destination touristique mondiale avec 34% des arrivées de touristes internationaux (260 millions), ce qui en fait la principale région touristique du monde et 30% des recettes générées par le tourisme international. L'ensemble des pays riverains de la Méditerranée recevrait, selon les projections de l'OMT, près de 400 millions de touristes en 2020. LA QUALITE LAISSE À DESIRER Deuxième facteur important : la qualité qui ne signifie pas transformer l'espace touristique algérien en une succession d'aménagements haut de gamme réservés uniquement à une clientèle à très fort pouvoir d'achat. Il s'agit au contraire de concevoir la qualité comme une parfaite adaptation de l'offre touristique algérienne aux attentes des différents segments de marché y compris les plus populaires. Le tourisme n'est pas un produit de consommation classique. Il s'agit d'une expérimentation liée à une sensation, une émotion particulière, une rencontre, une qualité d'organisation, d'hébergement, d'accueil et une fluidité des services en général. Le marketing touristique devient dans ce cadre primordial. Ce processus de management permet aux entreprises et organisations touristiques d'identifier leur clientèle, actuelle et potentielle, de communiquer avec elle pour cerner ses besoins et influencer ses désirs et motivations au niveau local, régional, national ou international afin de formuler et adapter leurs produits en vue d'optimiser la satisfaction touristique et maximiser leurs objectifs organisationnels. Les investisseurs doivent aussi bénéficier de facilités. Cherif Rahmani se félicite de leur engagement et affirme qu'une quinzaine d'investisseurs étrangers ainsi qu'une quinzaine d'investisseurs nationaux « sont en train d'élaborer leur plan d'aménagement et mobilisent leur financement. Nous pensons que d'ici quelques mois, nous allons amorcer la réalisation d'un certain nombre de villages touristiques d'excellence ». L'Algérie est en construction touristique. Notre pays tente d'avoir une place au soleil dans le marché mondial au regard de ses atouts et potentialités.Quel type de tourisme est prioritaire ? Selon le département de Rahmani, aucun n'est à négliger. Il y a le balnéaire, le tourisme d'affaires et de ville, de soins et de santé très recherché par les nationaux et le culturel. Le produit d'appel est le tourisme saharien. « On n'a pas à choisir. Il faut un mix car l'Algérie est diverse », souligne Cherif Rahmani. La synthèse des actes des assises régionales du tourisme sera présentée. L'Algérie veut s'inspirer des expériences réussies : la portugaise dans le domaine du tourisme balnéaire, la sud-africaine dans la construction de l'image de la destination, l'allemande dans le domaine du tourisme écologique et l'expérience jordanienne dans le domaine du tourisme culturel. Une méga-exposition des projets des investisseurs nationaux et internationaux inaugurera cet événement. Nous sommes au début d'un processus que l'Algérie devra mener à terme . Les 11 handicaps du secteur Le produit touristique national demeure remarquable par des atouts indéniables, mais insuffisants pour le développement touristique du pays, au regard de 11 handicaps qui ont été recensés et confortés par les visites d'imprégnation sur le tourisme. Il s'agit de : absence de lisibilité des produits du tourisme algérien sous-capacité de l'hébergement et de l'hôtellerie, mauvaise qualité de l'hébergement et de l'hôtellerie, manque de professionnalisme des voyagistes, manque de qualification et de performance des personnels, faible qualité du produit et des prestations du tourisme algérien, faible pénétration des technologies de l'information et de la communication dans le tourisme, transport et accessibilité de faible qualité, banques et services financiers inadaptés, sécurité, gouvernance et organisation inadaptées au tourisme moderne déficit du marketing de la destination Algérie.