Le conservatoire de musique de Béjaïa, dont l'aura est bien établie au-delà même de nos frontières, a du mal à rayonner sur son propre gîte, la très culturelle capitale des Hammadites. Non pas par dédain pour les mélomanes béjaouis au goût avéré pour le kabyle, la chaâbi et l'andalou, mais par « oubli des autorités locales », déplore cheikh Kamel Stambouli, président de Ahbab cheikh Saddek El Bjaoui, l'association drivant l'école et qui a donné les Djamel Allam, El Ghazi, Mohamed Raïs... L'école de musique, lancée en 1963 par feu cheikh Saddek, de son vrai nom Bouyahia, demeure à ce jour confinée dans l'exiguïté des locaux du conservatoire mitoyen du théâtre municipal. Sa capacité d'accueil est exploitée au maximum. Pour les quatre années de scolarité, ce sont 70 élèves répartis sur les trois cursus, mandoline, violon, luth et guitare. Au bout de la formation, les élèves sont intégrés dans l'orchestre préparatoire et, selon leurs résultats et leur choix, dans l'option kabyle, chaâbie ou andalouse. Après affirmation, les lauréats joueront dans l'orchestre compétitif qui est une fidèle perpétuation de l'orchestre radiophonique de Béjaïa, monté par cheikh Saddek en 1948. L'atelier piano a dû cette année, remettre les clés, le noble instrument faisant défaut. « Nous n'avons pas les moyens de nous payer une vingtaine de pianos », explique M. Stambouli pour qui « une dotation de quatre pianos permettra au moins de rouvrir l'atelier ». Les autres ateliers pourraient également subir le même sort, les instruments datent pour la plupart des années 1960. Seules les deux matières, solfège et chant, ne risquent pas de disparaître, car ne nécessitant pas un grand support matériel. Aux insuffisances matérielles s'ajoute la difficulté de rétribuer les professeurs. Ces derniers perçoivent à peine 150 DA pour une séance de deux heures. Quant au bureau, dont la présence permanente est requise, c'est carrément le bénévolat. « Notre amour pour la musique, l'éthique et la sauvegarde du patrimoine lyrique de la ville valent le sacrifice d'une paie », lâche cheikh Stambouli. Les autorités sont interpellées par le staff de l'école « ne serait-ce que pour honorer de leur présence nos soirées », suggère M. Bouyahia, fils du grand maître de l'andalou. Côté subvention, si l'APC met un peu la main à la poche, concédant une modique participation de 20 millions de centimes, « l'APW, depuis 1997, n'a pas lâché un rond », fera remarquer notre interlocuteur qui souligne que « les besoins sont de plus en plus volumineux. La salle de répétition - orchestre -a été aménagée avec les primes perçues lors de nos distinctions dans les festivals », nous apprend-il en estimant que « ce n'est pas dans la culture de l'association de forcer la main aux autorités ». « La radio Soummam est étriquée au passage pour le peu de promotion accordé aux activités de l'école et à sa production. » « Nous passons beaucoup plus à la Radio Bahdja et à la Chaîne III », précisera un autre artiste. « Le comité des fêtes de la ville de Béjaïa est, lui, attendu pour faire participer l'école dans l'élaboration de son programme comme cela se faisait naguère. » Les ambitions, Ahbab cheikh Saddek El Bjaoui n'en manque pas : donner de l'envergure à l'école et en faire un véritable institut avec des annexes dans les quartiers périphériques tels Iheddaden et Sidi Ahmed. « Plus de capacité pour initier même des adultes » est l'autre vœu affiché. Le parcours jalonné depuis 1965 de médailles et de premiers prix reçus en Algérie et à l'étranger est édifiant sur l'aura de l'école. Le palmarès peut encore être étoffé de plus grandes distinctions. « Cela dépend de tout le monde », c'est l'appel lancé par l'association.