Parqués souvent dans des banlieues lointaines et fermées, ils échappent aux statistiques et aux enquêtes politiques et économiques. Les raisons sont multiples : interdiction par la loi des statistiques ethniques et manque d'intérêt des pouvoirs publics vis-à-vis de cette population. Mais à en croire Slimane Bendali, directeur de Solis, un cabinet d'études et de marketing spécialisé dans la grande distribution et la grande consommation, cette situation va changer grâce à la vaste enquête de consommation que conduit actuellement son institut auprès de la population française d'origine étrangère. « Notre objectif est de connaître les modes de consommation de cette population (halal ou pas), ses préférences alimentaires, les endroits où elle s'approvisionne, sa sensibilité vis-à-vis des messages publicitaires des grands groupes de distribution et ce qu'elle regarde comme télévisions (chaînes françaises ou celles du pays d'origine). » Autant dire un travail de défrichage social titanesque, rendu tout de même possible grâce à une ancienne étude de l'histoire de la famille, réalisée en 1979 par l'Institut national des études démographiques (INED) et l'Institut national des statistiques et des études économiques (INSEE). Depuis quelques jours, douze personnes écument les lieux de flux (gares, marchés, universités...) dans l'île de France (Paris et sa banlieue). Elles mènent des enquêtes de face-à-face, à travers un questionnaire composé de plusieurs questions relatives à leur mode de consommation alimentaire et médiatique. Prévus pour début avril, les résultats seront vendus à France Télévision et à un opérateur de téléphonie, deux organismes qui semblent intéressés par les modes de consommation alimentaire et médiatique de cette population. Mais pour France Télévision, l'enjeu est surtout de savoir si cette population est sensible ou pas aux messages publicitaires qu'elle diffuse à longueur de journée sur ses différentes chaînes. 10% de la population est d'origine étrangère Mais, au-delà de ces objectifs ponctuels, l'enquête de Solis ouvre en France un nouveau chantier dans le domaine des études sociales et économiques communautaires. Elle marque indirectement la fin (pas encore assumée, le débat est en cours, rouvert par Yazid Sabeg) de l'interdiction des statistiques ethniques. Pour M. Bendali, le chemin est tout tracé pour conduire des enquêtes d'opinion et politiques, à condition que les pouvoirs publics les demandent. « J'aurais bien voulu mener un sondage auprès de la population maghrébine sur l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, ou encore sur sa déclaration de nettoyer les cités au karcher », ajoute-t-il. En France, 10% de la population est d'origine étrangère et constitue un véritable marché pour l'industrie agroalimentaire et les établissements halal (marchandise licite destinée aux musulmans). C'est pour cette raison que Solis veut se placer comme leader dans le domaine des enquêtes économiques à espace communautaire. Il veut aussi mener des enquêtes similaires en Algérie où les besoins semblent de plus en plus importants et croissants.