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Coopérations commerciales, institutionnelles et économiques
Publié dans El Watan le 20 - 02 - 2006

L'organisation économique mondiale présente aujourd'hui de manière de plus en plus marquée une configuration multipolaire et réticulaire. Tout laisser d'ailleurs à croire que les blocs régionaux (ALENA, APEC…) vont se consolider.
En ce sens, le partenariat euroméditerranéen va bien au-delà de la simple reconnaissance mutuelle d'une proximité géographique. La coopération donne un cadre formel et structuré aux relations internationales, qui doit à terme, permettre :
– l'émergence, d'une part, d'une zone de libre-échange, d'un «bloc régional», amenée d'ici 2010, à tenir un rôle décisif dans le commerce mondial.
– de repenser, d'autre part, l'affectation des ressources afin de favoriser la convergence des niveaux de bien-être (exprimée par des indicateurs aussi variés que le produit par habitant, le niveau de chômage, le taux d'alphabétisation ou encore l'espérance de vie) entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci.
S'interroger sur le succès de la coopération euroméditerranéenne amène naturellement à se questionner sur sa pérennité et par conséquent sur son efficacité. L'impact du rapprochement euroméditerranéen s'inscrit dans le long terme, voire le très long terme. Aussi il est difficile de qualifier son efficacité, qui suppose un suivi permanent d'indicateurs de compétitivité et de rendement des investissements.
La mise en œuvre du partenariat euroméditerranéen ne va pas sans poser certains problèmes dans la définition des politiques économiques nationales.
La perspective d'une zone de libre-échange implique une redéfinition de la politique budgétaire, en particulier pour les pays du sud et de l'est de la Méditerranée (PSEM), plus généralement du MENA (Moyen Orient et Afrique du Nord). En effet, l'Union européenne (UE) représente un partenaire privilégié pour ces pays : elle représente jusqu'à 70% du commerce extérieur de l'ensemble du Maghreb, alors que ce dernier ne constitue que 2% des échanges avec l'Europe. Par conséquent, la perspective de libéralisation des échanges entre les deux blocs induit une forte réduction des recettes nationales dans les PSEM liée à la perte des droits de douanes dans la zone euroméditerranéenne. La libéralisation des échanges devrait conduire à une concertation géographique et une localisation préférentielle des activités afin de rendre les unités de production plus complétives, grâce à la diminution des coûts de transports (économies de proximité) et l'exploitation d'économies d'échelle. En conséquence, les politiques publiques doivent donc contribuer à l'adaptabilité des structures productives et à la qualité des spécialisations dans les échanges. Le partenariat euroméditerranéen induit une redéfinition globale de la politique budgétaire et des outils à mettre en œuvre, en raison de la baisse du montant des droits de douane, d'une part, et de l'accroissement nécessaire des dépenses publiques, nécessaires aux réformes et aux investissements appropriés, d'autre part. Cette contrainte qui pèse sur l'ensemble des économies, de part et d'autre de la Méditerranée, est plus ou moins vive, suivant les pays.
Fiscalité
D'un côté, les pays du Sud semblent plus particulièrement visés, compte tenu de la part représentée par les droits de douane dans le montant total des recettes publiques et du retard de développement par rapport à leurs partenaires européens. d'un autre côté, le déroulement de l'intégration européenne impose à ses pays membres un contrôle sévère des niveaux de leurs déficits budgétaires (moins de 3% du PIB) et de leur dette (inférieure à 60% du PIB).
L'ampleur de la fiscalité qui frappe le travail en Europe ne laisse augurer aucune hausse crédible pour ce facteur. En effet, l'accroissement de la fiscalité risquait fortement d'être improductive puisque les taux moyens d'imposition atteignent déjà leur niveau maximum sur la courbe de l'AFFER
Par conséquent, toute augmentation du taux d'imposition se traduirait par l'effet inverse de celui recherché, c'est-à-dire par une diminution des recettes fiscales.
Néanmoins, le problème des pays européens n'apparaît pas insurmontable. En effet, compte tenu de la faible contribution des PSEM aux échanges européens, la perte en droits de douane qui lui équivaut ne devrait pas être préjudiciable. Par conséquent, le principal levier d'action pour les pays européens reste donc la politique budgétaire ; la contraction des recettes publiques induit un déficit trop important pour certains pays, les Etats européens concernés devront alors geler temporairement leurs dépenses publiques.
En ce qui concerne les pays du Sud, le problème est plus ardu, du fait du poids prédominant des échanges avec l'UE. On constate aujourd'hui que la plupart des pays ont instauré un système général de taxe sur la valeur ajoutée ou sur les ventes, afin de soutenir la mise en place de la zone de libre-échange euro-méditerranéenne.
Cependant, cette méthode de compensation des recettes fiscales se heurte à un problème majeur : le relèvement des prélèvements fiscaux induit un effet négatif sur l'activité et donc sur le niveau futur des recettes fiscales.
Par conséquent, l'accroissement du déséquilibre budgétaire nécessite une diversification de l'assiette fiscale.
«La réforme de la fiscalité conduira à asseoir les recettes sur la valeur ajoutée interne. Au-delà de ces effets d'efficience économique, il en résultera une transformation des structures sociales et de bases du pouvoir économique qui peut réduire le poids de l'économie de rente», Hugon 1999.
Un fait encourageant, les pays du Sud (à l'exception de la Turquie) ont par ailleurs su mettre en place des politiques monétaires mieux contrôlées, passant progressivement du financement de la croissance par l'inflation à un financement par l'épargne et le crédit. Ainsi, les taux d'inflation ont connu une diminution conséquente. Néanmoins le rythme de la croissance autour du bassin méditerranéen. D'après le FEMISE (1999) «la croissance (…) dans les pays méditerranéens n'a pas augmenté significativement en 1998, alors qu'un taux de croissance d'environ 7% serait nécessaire pour améliorer sensiblement la situation.»
Aussi le soutien de la croissance passe par la mise en œuvre d'un vaste programme d'investissements :
* Le développement d'infrastructures de communication doit favoriser la diffusion de l'information à l'intérieur de réseaux formels et informels, et stimuler l'approfondissement et la multiplication des connaissances, dont toutes les entreprises inter-reliées bénéficieront par un «effet boule de neige».
* L'information devient ainsi un facteur de production prépondérant et gratuit qui, par la propagation d'un savoir-faire et de nouvelles techniques va encourager l'activité des secteurs recherche-développement générant à leur tour de nouvelles connaissances utiles à tout le réseau. Il incombera donc à l'Etat, d'une part, de mettre en œuvre des moyens de financement avantageux pour les activités de recherche-développement, et d'autre part de facilité la protection juridique des innovations (notamment pour des brevets).
* Enfin, les pouvoirs publics auront en charge d'accroître les investissements en capital humain, puisque ce dernier constitue «la compétence nationale». Il agit comme une externalité favorisant in fine la mise en place d'un flux d'information de qualité. L'accroissement du stock de capital humain ne bénéficie pas seulement à celui qui détient ce stock, mais à la collectivité. L'action sur le capital humain passe d'abord par l'instauration de politiques d'éducation et de formation des jeunes, afin d'accumuler le maximum de «capital humain général». Elle repose également sur un engagement de firmes dans la formation de leurs employés, dans le but de leur offrir des compétences plus pointues, et par conséquent d'accélérer l'accumulation de «capital humain spécifique».
Enfin le rapprochement euroméditerranéen suppose que les stocks nationaux de capital humain tendent à se converger. Ce facteur de production étant indissociable à la personne, la convergence peut être accélérer par une forte mobilité internationale des travailleurs les plus qualifiés, des pays les mieux dotés vers ceux qui le sont le moins. La mise en œuvre de ces politiques mettent l'accent sur un problème déjà souligné, celui de leur financement.
Investissements
Il faut souligner que l'arrivée attendue d'investissements directs étrangers (IDE) qui devait constituer une source de financement décisive pour les investissements s'avère finalement insuffisante.
Comme le souligne le FEMISE (1999), «ceci montre que les investissements n'ont pas encore trouvé dans la plupart des économies méditerranéennes l'équilibre du couple rendement/risque qui pourrait les inciter à y investir massivement. Par conséquent, le financement des investissements repose en premier lieu sur l'aide accordée à ces pays.
Si l'aide apparaît décisive, le partenariat euroméditerranéen doit s'affirmer, en offrant les moyens de réaliser les investissements les plus lourds, qui permettront de forger une cohésion nouvelle autour du bassin méditerranéen. Par conséquent, il incombe à l'UE de définir un cadre d'action réaliste et précis à l'égard des pays du sud et de l'est de la Méditerranée.
Cependant l'impact de ces aides est difficile à quantifier dans le cadre du partenariat euro-méditerranéen, puisque :
– d'une part, les fonds alloués, au travers des différents programmes européens (Programme MEDA et politique méditerranéenne rénovée), répondent uniquement à des critères qualitatifs (promotion de la démocratie, appui à la mise en œuvre des réformes structurelles, consolidation des relations de coopération, aménagement du territoire (zones rurales, exploitation des ressources naturelles, développement des infrastructures…), soutien à l'éducation et la formation),
– et d'autre part, les effets attendus, sur les investissements en infrastructures et en formation notamment, ne peuvent être évalués qu'à long terme.
L'IDE aux pays méditerranéens joue un rôle considérable dans la mise en œuvre des mutations économiques au sud de la Méditerranée. Néanmoins, l'apport européen ne s'entend pas dans une logique d'assistance, il ne vient pas se substituer aux insuffisances des financements internes, mais il accompagne simplement les investissements qui favorisent l'émergence d'un pôle euro-méditerranéen compétitif à l'échelle mondiale.
En conclusion, il faut noter que le Bassin méditerranéen constitue pour des raisons historiques et culturelles un espace stratégique pou l'Europe (UE), de la même manière que l'UE constitue le principal partenaire commercial des pays du Sud.
Pourtant l'efficacité du partenariat euro-méditerranéen et de la future zone de libre-échange n'est pas manifeste. Or, il apparaît aujourd'hui que la viabilité de la zone euro-méditerranéenne de libre-échange repose, de manière primordiale, sur la mise en place d'importantes réformes économiques et sociales, visant principalement à stimuler la compétitivité, la croissance et la cohésion sociale, en particulier pour les pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée. Ces profondes réformes nécessaires à la dynamisation des PSEM sont fortement conditionnées par les possibilités de financement dont disposent ces pays. C'est pourquoi, l'instauration d'un programme cohérent d'assistance technique et financière, entre l'UE et les PSEM, renforcerait la crédibilité, à l'échelle mondiale, de la future zone de libre-échange.
Références :
– Benhayoung, «L'Europe et la Méditerranéen : intégration économique et libre échange.
– Bensidouni, Europe-Méditerranéen : le pari de l'ouverture.
– FEMISE, 1999, Le partenariat euro-méditerranéen-analyse et prépositions du Forum euro-méditerranéen des instituts économiques (FEMISE)
– Hugon P, 1999, Les accords de libre-échange avec les pays du sud et de l'est de la Méditerranée entre la régionalisation et la mondialisation


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