La discipline interne semble être le cadet des soucis des membres du gouvernement. Un ministre dit une chose, un autre vient clamer son contraire. Au centre de ce désordre au sommet du pouvoir, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Confortablement installé dans son fauteuil d'« organisateur en chef » de la prochaine présidentielle, Ouyahia, le chef de l'Exécutif, a tout l'air de ce félin décidé à marquer son espace. Du coup, il prend pour cibles ses « collègues » au sein du gouvernement, sans les citer nommément. Relance économique, lutte contre le terrorisme, boycottage du scrutin du 9 avril, etc., il n'y est pas allé avec le dos de la cuillère, et pousse la critique allusive en allant parfois jusqu'à afficher son plein désaccord sur des questions d'importance particulière pour la cohésion de l'équipe gouvernementale. Déterrant sa hache de guerre, le Premier ministre n'a pas hésité à qualifier de « pipeau » la stratégie industrielle, présentée par Abdelhamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements à l'époque où Abdelaziz Belkhadem occupait le poste de chef de gouvernement. « Chaque équipe a son style et je n'ai pas pour style de faire de la propagande », a-t-il relevé samedi dernier sur les ondes des trois chaînes de la Radio nationale. Allusion faite au coup médiatique dont ont bénéficié les assises de l'industrie tenues en 2007. « La stratégie industrielle a fait beaucoup plus l'objet de communication que d'actions et n'a jamais été adoptée en Conseil des ministres », a lancé le Premier ministre en s'assurant que le message est bien passé. Après un retour en fanfare en juin 2008 à la tête de l'Exécutif, Ahmed Ouyahia montre « ses biceps ». Noureddine Yazid Zerhouni parle du renforcement du dispositif de sécurité en ce temps de campagne pour la présidentielle. « Nous allons renforcer la présence des services de sécurité au niveau des bureaux de vote et des lieux de meetings qui, d'habitude, ne bénéficient pas d'une protection particulière », a affirmé le ministre de l'Intérieur dans un point de presse. Là aussi, Ahmed Ouyahia n'est pas d'accord et ne manque surtout pas de le faire savoir : « Je m'inscris en faux contre les déclarations selon lesquelles le dispositif a été renforcé. La vie humaine est aussi importante en dehors des périodes électorales... » Sans le dire, le Premier ministre suggère pourtant par sa réponse qu'il s'agissait d'une démesure à réparer. Serait-ce vraiment le cas ? Interrogé par la presse, M. Zerhouni commente : « Je ne pense pas qu'entre nous, il existe une quelconque divergence dans les positions ou dans l'analyse du dossier sécuritaire. Il s'agirait peut-être d'un problème de substance et de sémantique. » Alors simple malentendu ou crise larvée ? Difficile d'y répondre. Sauf que le ministre de l'Intérieur ne manquera pas de prendre à contrepied Ahmed Ouyahia sur le sujet du boycott. « Le boycott ne s'inscrit pas dans la culture démocratique », selon M. Ouyahia. Mais M. Zerhouni le considère comme une expression politique respectable. « Vous aurez remarqué comme moi que les "boycotteurs" ont entamé déjà leur campagne. Nous ne les empêcherons pas », a-t-il souligné. La litanie d'attaques frontales et d'échanges de « politesses » entre membres de l'Exécutif est longue. Ces contradictions et désaccords entre les membres de l'Exécutif mettent en avant le manque de cohésion et d'harmonie dans l'action gouvernementale.