Pour les plus avertis, la profession a connu un véritable bradage durant ces quinze dernières années, même si un nombre réduit d'avocats continue de préserver les règles de l'intégrité. Pour les citoyens qui ont eu affaire un jour à des avocats qualifiés ou «peu scrupuleux» ou ceux qui ont eu l'occasion d'assister aux débats houleux des assemblées électives du bâtonnat de la région de Constantine, l'image reçue n'est pas vraiment belle à décrire. Par ailleurs et pour les jeunes candidats qui auront à porter un jour la toge noire, c'est un monde où il faut s'attendre à toutes les embûches mais surtout aux mauvaises surprises qui surgissent souvent dans les virages décisifs. Le cursus universitaire, où les étudiants cumulent les notions théoriques durant quatre ans pour décrocher une licence en droit, s'avère très insuffisant pour des raisons que les connaisseurs attribuent au nombre impressionnant des postulants. Impossible d'assurer un enseignement de qualité pour quatre sections regroupant parfois plus de mille étudiants. La promiscuité et l'exiguïté des salles de cours encouragent beaucoup plus la désertion, alors que les séances de travaux dirigés se font dans une anarchie indescriptible. «On a réussi à limiter l'accès aux différentes facultés par des critères de plus en plus rigoureux, mais on n'a jamais pu maîtriser les flots des étudiants parfois orientés contre leur gré vers les études de droit», nous diront certains étudiants. Malgré une grande déperdition suite aux échecs, souvent prévisibles, le nombre de diplômés après quatre ans d'études dépassera largement les capacités d'encadrement durant la cinquième année qui sera sanctionnée par le précieux Certificat d'aptitude professionnelle d'avocat (CAPA). Un passage obligé pour mieux s'imprégner du métier, maîtriser les procédures, se familiariser avec les notions de déontologie et d'éthique et surtout tracer ses repères pour ne pas perdre le nord. Le sésame tant espéré par les heureux élus n'est qu'un petit pas dans un milieu inconnu et parfois hostile. Le nombre des titulaires du CAPA, qui accuse au fil des ans un cumul difficile à gérer, a été considéré comme un lourd héritage légué par l'université au barreau de Constantine. Ce dernier qui, pour faire face à une situation insolite, n'hésitera pas à recourir à des mesures jugées restrictives pour l'ouverture des stages d'avocat. Il s'agit de la fameuse «carte du F4» exigée en 2001 aux candidats stagiaires pour décrocher une place sur la dernière ligne droite. «Difficile de dénicher en ces temps de disette un bureau d'avocat à quatre pièces qui puisse vous accueillir pour effectuer votre stage», nous affirment des jeunes avocats de cette promotion de l'année 2001 et qui ont bataillé dur pour le retrait de la décision du bâtonnât. Les sit-in et les actions de protestation organisés devant le siège de la cour de Constantine ont fini par aboutir, puisque la mesure sera finalement suspendue juste le temps de faire passer les élections du bâtonnat. L'enjeu était de taille surtout que le nombre important des voix des avocats stagiaires, ayant déjà prêté serment, aura finalement basculé la balance du bâtonnier. Un dénouement qui n'aura pas duré longtemps, puisque la même mesure considérée comme une véritable épée de Damoclès sera reconduite pour les futures générations de stagiaires. Parmi ceux qui ont réussi à passer ce cap en 2001, le choc de la réalité et de la pratique sera différemment consommé. La moitié abandonnera déjà en cours de route, faute de moyens financiers, alors que d'autres choisiront de changer la destinée. Les cas les plus marquants demeurent ceux des femmes dont le nombre se réduit considérablement. «Ce n'est pas facile d'être femme dans un métier qui exige souvent la force morale pour affronter plusieurs parties dans une salle d'audience», nous confiera une jeune avocate.