En raison de sa position isolée en bout de Saoura et de l'immensité des espaces déserts formés d'ergs et du Tanezrouft qui l'entourent en son sud, le Touat ne fut réellement connu que grâce aux récits relativement tardifs de voyageurs et géographes comme Ibn Batouta, Ibn Khaldoun et Al Ayyachi. Les plus anciennes mentions relevées à son sujet datent du VIIe siècle de l'ère chrétienne, à l'époque où ces lointains territoires aux confins ouest de la Maurétanie dépendaient des gouverneurs byzantins établis à l'époque à Carthage. C'était encore le cas du temps du dernier d'entre eux à savoir le Patrice Grégoire qui avait brutalement récusé l'autorité de Byzance et s'était hâtivement replié sur Sbeïtla (la Sufetula romaine en Tunisie) pour s'y faire proclamer empereur. Il n'y resta guère plus d'un an avant d'être tué en 647 ap. J.-C, lors du siège de la cité par Abdulhah Ibnou Saâd venu à la tête de colonnes arabes s'en emparer et du coup élargir le champ pour une conquête totale de tout le Maghreb. A cette époque-là, les quelques milliers d'habitants berbères du Touat pratiquaient pour ainsi dire la religion des Byzantins, maîtres d'une bonne partie de la Numidie et d'une autre de la Maurétanie. Ces chrétiens du Touat coexistaient d'ailleurs avec d'autres de leurs congénères, ceux-là animistes ou judaïsés depuis des lustres. A mesure que l'Islam progressera vers l'ouest et le sud du Maghreb, les habitants des oasis du Sahara, inclus ceux du Touat, embrasseront la nouvelle religion. Quant aux Chrétiens et juifs qui ne s'y étaient point résolus, ils durent s'exiler pour aller s'établir ailleurs, sous des cieux plus amènes. De cette époque-là, subsistent des noms de fractions de tribus tardivement islamisées comme les Oulad Daoud ou Oulad Yahia mais aussi quelques vestiges, en particulier des pierres tombales comme celles que l'on voit exposées au «musée» de Tamantit. A même le grès de cette stèle, sont gravés des caractères hébreux mentionnant la date de décès d'un certain Meymoun fils de Shmouël et petit-fils d'Abraham Ben Kobbi, mort en l'an 5140 du calendrier hébraïque, correspondant à l'année 1390 de l'ère chrétienne. Le lieu de sa mort y est également mentionné comme étant «t aman tit» ou «source d'eau» en zenatiya d'où finalement le nom de Tamantit elle-même. Au fil des siècles, le Touat sera évidemment mieux connu en raison des mouvements de pèlerins venant du Tafilalet et du Draâ marocains, en partance ou de retour de La Mecque. Comme pour une bonne partie du Maghreb, les habitants Zénètes du Touat pratiquèrent au départ l'islam kharédjite fort répandu alors. Celui-ci était connu pour être rigoriste puisque sofrite. Il dura deux siècles, c'est-à-dire du IXe au XIe siècle avant que les Sanhadja almoravides ne surgissent des confins entre Mauritanie et Sahara-Occidental, pour s'emparer d'une large partie du Maghreb central et de l'Andalousie et y introduire le sunnisme qui se substituera presque totalement au kharédjisme dans pratiquement tout le Maghreb et s'y perpétuera jusqu'à nos jours. Les premières mosquées du Touat datent du premier siècle de l'islam comme en témoigne la datation de 106 de l'hégire gravée sur le mihrab de celle de Tamantit. Vertus et inconvénients de l'isolement A propos justement de la pratique de l'Islam au Touat, il y a lieu de faire remarquer qu'elle a cette particularité d'être à la fois fraternelle, d'une grande tolérance et aussi sociale parce que fortement imprégnée des us et coutumes de la région. On est loin là-bas des horreurs, de l'agitation et des violences commises un temps dans le nord du pays au nom d'un islam bien étrange. Cette tolérance et cette solidarité des habitants du Touat viennent d'abord de l'Islam lui-même tel qu'il est véritablement, mais elles traduisent aussi un état d'esprit et un comportement propres à ces populations profondément marquées par l'isolement et l'âpreté de la nature où ils vivent.. On constatera facilement d'ailleurs qu'ils y font face grâce à leur attachement et à une pratique intelligente du communautarisme dans tous les domaines et actes importants de leur vie ; qu'il s'agisse de travaux à entreprendre en commun, de fêtes ou d'anniversaires religieux à célébrer, de pèlerinages, circoncisions, mariages, décès, etc. Les écoles coraniques et zaouïas sont nombreuses dans toute la région. Elles contribuent à maintenir et à entretenir ces liens de solidarité et à faire régner l'harmonie au sein de la population. Il n'y a pas de région en Algérie où la générosité est aussi naturelle que spontanée. Rien de surprenant par conséquent que ces berbères Zénètes aient réussi à établir très tôt et à développer des relations de confiance avec les peuples noirs, avec lesquels ils commercèrent et parmi lesquels ils propagèrent l'Islam. Les caravanes qui partaient du Touat emmenaient avec elles vers l'Afrique noire des armes, dattes, tissus et henné entre autres, qu'elles troquaient contre de la poudre d'or et de l'ivoire en général. En dehors de ce négoce mutuellement avantageux et qui se pratiquait de façon cyclique en mobilisant d'imposantes caravanes de centaines de chameaux, les oasiens du Touat vivaient le reste du temps repliés sur eux-mêmes, autour et dans leurs ksours. L'aridité des sols et la sévérité du climat, ajoutés à l'éloignement des agglomérations urbaines du nord et des zones habitées du Sahara et de l'Afrique noire, les poussèrent à se doter d'un système économique et social adapté, propre à eux. Ni la symbolique présence des autorités administratives et militaires coloniales de l'époque, ni les incertains lendemains d'indépendance du pays, n'ont réussi à altérer leurs traditions et coutumes préservées jusqu'alors par une forme de relative autarcie, porteuse d'avantages et de quelques inconvénients. Accrochés aux bords de sebkhas asséchées depuis des siècles, les ksours, dont on ne compte pas moins de cent vingt-six avec leurs palmeraies autour d'Adrar, s'étirent tel un chapelet de verdure sur plus de cent vingts kilomètres. Bâties en forme de forteresses, tours et maisons s'y trouvent surélevées et surplombent les jardins situés en contrebas. Plus loin dans la daïra de Timimoun, on en dénombre à peu près une cinquantaine tandis que l'on en compte environ une vingtaine dans le Tidikelt autour d'Aoulef. Ces précautions architecturales, adoptées par les ksouriens pour leur défense, visaient à contenir et à résister aux attaques lancées de temps à autre par les nomades venant principalement du côté d'Oued Namous (zones au sud de Naâma et de Aïn Sefra). En dépit des rivalités mineures qui pouvaient troubler les rapports entre habitants de ces ksour, ceux-ci ont presque toujours réussi à les taire et à faire preuve de solidarité lorsqu'il fallait faire front aux raids et pillages. Une semblable solidarité entre habitants d'un même ksar ou entre ksouriens se manifeste aussi à chaque fois qu'il s'agit de se mobiliser pour lutter contre les fléaux et calamités naturelles, ou lorsqu'il a fallu durant des années creuser et entretenir ces fameux canaux d'eau ou foggaras indispensables à l'amenée d'eau destinée à l'irrigation des jardins et palmeraies. Dans toute la wilaya d'Adrar, le nombre de ces ouvrages a dépassé les sept cent, qui, pour la plupart, fonctionnent toujours actuellement. On estime que la longueur totale des galeries creusées pour la réalisation de ces foggaras du Touat dépasse largement les mille kilomètres. Dans les jardins des ksour, au pied des palmiers, sont cultivés légumes et condiments dont ont besoin les oasiens pour leur quotidien, mais aussi du blé et de l'orge, de quoi couvrir en partie leurs besoins en céréales. Suite au désenclavement opéré les années 1970, qui a vu le Touat érigé en wilaya à part entière avec Adrar comme chef-lieu, les choses ont quelque peu changé. Des programmes spéciaux s'y sont succédé y compris les années 1990 pour la doter de routes, d'écoles, d'université et d'hôpitaux, avec une attention particulière accordée au développement de l'agriculture hors zone oasienne. Les autorités ont, en effet, poussé à une culture intensive de la tomate, accompagnée par l'installation à Reggane d'une unité industrielle destinée à sa mise en conserve. Elle n'a jamais réussi à traiter plus de 4000 t annuellement. Quant à la culture des céréales sous pivot, on est certes passé, en quelques années, de 1400 à 8000 ha mis en valeur mais cela a exigé de gros moyens en vérité disproportionnés par rapport aux résultats espérés et ceux obtenus. Il s'est avéré que cette zone ne possède pas le fort potentiel supposé pour dégager d'énormes surplus susceptibles d'alléger ou de sensiblement réduire les importations de céréales. Cette culture du blé en irrigué et de la tomate industrielle ont par contre nécessité des forages et de gros pompages sur la nappe albienne, ce qui aurait, semble-t-il, contribué à faire baisser le niveau de cette eau combien vitale pour les oasiens qui ne la doivent eux qu'à leurs foggaras essentiellement. Les conséquences pourraient à terme se traduire par une remontée progressive des sels et provoquer du coup l'exode des ksouriens vers un chef-lieu de wilaya déjà surpeuplé par de précédents arrivants des ksour qui s'y sont installés et auxquels sont venus s'ajouter des arrivants venus d'autres régions du nord du pays. Quels avenir et développement pour le Touat et par extension des régions sahariennes ? Malgré les remarques formulées ci-dessus sur les limites des potentialités réelles du Touat, celui-ci possède tout de même des capacités y compris agricoles, en mesure de permettre à ses populations, même augmentées, de vivre correctement tout en préservant au maximum leurs réserves et nappes d'eau vitales pour leur survie. Comme on vient de le constater également, le Touat possède une histoire riche, des traditions nobles, un cachet propre, des sites touristiques qui gagneraient tellement à être mis en valeur. Le gouvernement a d'ailleurs prévu d'y déployer un programme de restauration des ksour délabrés afin de leur redonner leur aspect d'antan et de faire en sorte que leurs occupants ne les désertent pas. Ces ksour représentent déjà à eux seuls une attraction, une curiosité et dans leur ensemble des sites remarquables pour les visites touristiques. S'agissant des palmeraies et oasis, on devrait pouvoir, à travers des aides opportunément dispensées et un soutien approprié, en favoriser l'extension en encourageant surtout la plantation de palmiers, puisque l'on sait aujourd'hui qu'on peut extraire des dattes de sous-produits dont le bioéthanol n'est pas des moindres. Plus que tout cela encore, le Touat, avec ses centaines d'oasis des pourtours d'Adrar, de Timimoun, d'Aoulef et d'In Salah, possède là des atouts incontestables pour espérer y voir déployer une politique sérieuse de tourisme. Avec cette région-là, mais aussi avec d'autres zones du Sud algérien comme les Ziban, le Souf, la Saoura, le M'zab, le Hoggar, le Tassili, l'Algérie possède un inestimable capital et des possibilités énormes pour la création future d'emplois pour les jeunes de ces contrées, un marché pour l'écoulement de leurs produits agricoles et de l'artisanat, de quoi les encourager à rester dans leurs ksour et oasis au lieu d'aller grossir les rangs de chômeurs dans des centres urbains encombrés. Cette politique de tourisme gagnerait à être menée avec beaucoup de réalisme et de pragmatisme en recourant à des investissements extérieurs, à une gestion et à une exploitation assurée par des professionnels étrangers en mesure de pérenniser cette industrie. Tout laisse penser que le ministère du Tourisme est conscient qu'il faille d'abord réunir et avant toute chose les conditions suffisantes pour un lancement réussi d'une telle politique. Celle-ci devrait être entreprise sur la base d'un solide cahier des charges destiné aux investisseurs intéressés par ce marché et par la réalisation de capacités d'accueil conséquentes. Ce même cahier des charges devrait bien entendu prévoir la prise en charge des mesures d'accompagnement telles que la formation des jeunes à recruter dans ces régions mêmes et non ramenés d'ailleurs, le transport des touristes, l'organisation des visites, la sécurité… Il reste aux autorités nationales et locales à veiller sur l'environnement dans cette partie du territoire et à préserver le cachet et l'architecture sahariens de ces villes et ksour qui courent le risque latent d'être défigurés par les constructions anarchiques comme c'est déjà le cas dans pas mal de cités ailleurs dans le pays.