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Tamantit, la cité perdue du désert
Un village au sud d'Adrar jadis point de rencontre des caravanes
Publié dans Liberté le 22 - 01 - 2006

Le programme spécial Sud annoncé en grande pompe pourra sans nul doute dans ce contexte donner un coup de fouet autant au tourisme, à la réhabilitation du patrimoine culturel et artistique de la région ainsi qu'à l'agriculture. Mais encore faut-il que les gens chargés du chantier soient animés de la volonté nécessaire. Or, tel n'est souvent pas le cas, à se fier à certaines voix ici.
Face à ce qui fait office de l'un des rares cafés du coin, cinq jeunes gens, dont l'âge ne dépasse pas la trentaine, s'égarent dans des palabres interminables. L'air jovial, mi-amusés, mi-distraits, ils parlent de tout et de rien. Ni le lourd fardeau de “ne rien faire” ni le temps qui s'écoule à l'horloge bretonne ne semblent les indisposer. Il faut dire qu'ici, on ne compte pas le temps. On le subit et c'est tout. Il y en a même à revendre. En quantité.
À Tamantit, qui signifie en berbère quelque chose comme le “couvert des yeux”, autrement dit les cils des yeux, bien qu'une autre version soutienne que c'est “l'eau de la source”, selon le parler local, le zénète, un petit village à un peu moins d'une quinzaine de kilomètres au sud d'Adrar (1 500 km au sud d'Alger), le temps est comme suspendu.
Un silence abyssal qu'entrecoupent de rares incursions de véhicules ou le braiment des ânes, enveloppe cette cité non loin du pays de la soif : le Tanezrouft. Un pays redouté et redoutable des caravaniers qui y transitaient dans la nuit des temps. Dissimulée derrière une vaste palmeraie, comme du reste toutes les cités du Grand-Sud, Tamantit n'a pas trop de choses à offrir à ses enfants. Un océan de dunes à perte de vue, un horizon insaisissable, de l'ennui et un soleil en permanence. Tandis que les bambins, sous un soleil éclatant, s'amusaient à taper sur un ballon en chiffon au milieu de la poussière des dédales du vieux ksar, presque en ruine, les plus grands, eux, comme ces jeunes se fendent en conversations,
qui assis à même le sol sur le sable, qui debout des heures durant à échanger des boutades. “On ne fait rien. Mais certains travaillent dans les foggaras”, explique Miloud, vingt-huit ou vingt-neuf balais au compteur.
Les foggaras, ce sont ces anciennes conduites d'eau souterraines destinées à irriguer la palmeraie. Même si l'expression distille quelques réserves, Miloud, au physique frêle, peut se targuer pourtant d'être gâté, contrairement à ses amis. Il veille sur ce qui constitue un peu la mémoire de cette cité millénaire : un centre de l'artisanat.
Sis à flanc de l'unique route qui ceinture le vieux ksar, à proximité du saint, le centre recèle des éléments de vestige et des pièces artisanales atypiques qui témoignent du génie des habitants de la région. Des pièces de vaisselle en céramique, divers objets d'orfèvrerie et enfin des éléments de poterie ornent une grande salle du centre. “Y a trois filles qui viennent apprendre ici”, affirme Miloud, comme pour suggérer qu'il y a la relève. L'essentiel de leur apprentissage est la fabrication de pots en argile cherchée dans les environs et qu'on teint, caractéristique du métier, en couleur noire. Mais la plus grande curiosité de ce qui tient place aussi de “musée” est cette pierre écrite en caractères hébraïques.
Retrouvée en 1969 à la maison de Hadj Soudi Ahmed, dans le ksar de Ouled Daoud Ben Amar (il y a près de 366 ksour, selon des témoignages, autant de foggaras et de mosquées), cette pierre recouvrait un puits. Un objet sans doute rare mais qui témoigne indiscutablement de la présence juive dans la région. L'unique certitude cependant : Tamantit était jadis un endroit de rencontre de caravanes qui venaient de Tunis, de Béjaïa… pour aller vers l'Afrique noire en passant par le terrifiant Tanezrouft. Elle fut également un lieu de savoir et ksar de l'artisanat, de la poterie et de l'orfèvrerie.
Le grand cheikh de la zaouïa Kadiria, Mohamed Belkebir, décédé il y a quelques années et dont la réputation a dépassé la région d'Adrar et même les frontières du pays, et que le président Bouteflika avait rencontré, y avait fait ses études.
À quelques mètres du centre, en plusieurs points du ksar, au détour de ses couloirs sablonneux, on peut retrouver des artisans de toutes sortes. Des orfèvres au nombre de cinq, des potiers, un tanneur et des ferronniers. On y fabrique avec des mains agiles et un flegme dont seule la région connaît le secret toutes sortes d'objets : des tagherbit, un nom à consonance berbère, ces grandes assiettes pour les dattes, des zelafa, des zir également en forme d'assiettes et le tassefsif, un bocal. Bref, l'artisanat constitue l'une des activités majeures de la région. À la question de savoir d'où ils tenaient ces métiers, ils répondent presque à l'unisson : “De nos aïeux.” Mais on ignore, et personne ne confirme ni infirme, si l'origine de ces métiers est hébraïque.
Hennou, la source de vie
Autre caractéristique de cette région à l'histoire extraordinaire, ses foggaras. Elles sont les seules qui sont orientées dans le sens sud-nord, contrairement aux autres qui essaiment la région du Touat (Adrar et ses environs), le Gourara (Timimoun et ses environs) et le Tidikelt (In Salah, Aoulef et Reggane).
La plus célèbre d'entre toutes reste la foggara Hennou, laquelle est non seulement alimentée par une source et non par la nappe, mais passe sous le ksar de Tamantit à une très grande profondeur. Sur les 800 encore fonctionnelles à travers toute la wilaya d'Adrar, elle est la plus connue. Ouvrage hydraulique pour réduire au maximum l'évaporation, les foggaras, dont le creusement a été l'œuvre d'esclaves, utilisent un système de galeries souterraines permettant de drainer l'eau du sous-sol et de l'amener par gravité à partir d'une succession de puits d'aération jusqu'à ce qu'elle émerge à la surface du sol sous forme d'une grande séguia, redistribuée ensuite par un distributeur de pierre (kesria) vers de petites séguias.
Le partage de l'eau est matérialisé par des “peignes” répartiteurs en pierre, placés en travers des canaux d'irrigation qui assurent toutes les divisions et subdivisons. Le fonctionnement, quant à lui, est contrôlé par un kial, lequel détermine la quantité d'eau en fonction du montant de l'écot versé par le demandeur. Une trouvaille extraordinaire qui continue d'émerveiller à ce jour et dont la réalisation est attribuée par les historiens à la communauté juive établie ici il y a plusieurs siècles mais aujourd'hui disparue. “C'est la plus grande foggara !” se vante Miloud dans un accès de fierté en montrant le livre d'or signé par les visiteurs. Mais il n'y a pas que Tamantit qui jouit d'un passé glorieux. Toute la région d'Adrar dispose, en effet, d'un riche patrimoine. Un véritable trésor, en somme. Ses trois composantes ethniques (arabe, berbère et soudanaise) ont incontestablement contribué à la formation d'une grande diversité culturelle qui s'exprime autant à travers le chant, la danse que l'architecture. On répertorie aujourd'hui près d'une quinzaine d'expressions musicales, poétiques et chorégraphiques : le tbal, appelé également chellali, du nom d'un grand poète de la région, le baroud, la hadra, la rakbia, la barzana, l'ahellil — et dont un livre lui a été consacré par le grand écrivain, le défunt Mouloud Mammeri —, le karkabou, l'ichou, sara, touiza, dbidba et achour. Il y a également la multitude des ksour et des kasbet à travers le chapelet d'oasis s'étalant de Timimoun, cité la plus connue au Nord, jusqu'au plateau de Tidikelt et même plus au Sud à la frontière, dans la région de Bordj Badji-Mokhtar ou Timyaouine, et qui continuent à défier le temps mais dont une bonne partie, malheureusement, est en ruine. Il y a également les produits artisanaux et 7 000 manuscrits très anciens dans les 32 bibliothèques traditionnelles appelées khizanate. Témoin d'un passé civilisationnel prestigieux, ce patrimoine doit être toutefois sauvegardé et réhabilité. Un impératif, une nécessité. Mais, au siège de la Direction du tourisme de la wilaya, on semble partager ce souci. Installé dans son bureau à un jet de pierre du siège de la zaouïa Kadiria, en plein cœur de la ville, M. Bourad, directeur du tourisme, affirme que la réhabilitation, notamment des ksour constitue l'une des priorités de son organisme. “Notre rôle, dit-il, est de contrôler l'activité touristique, le suivi des associations, la promotion et l'encouragement de l'investissement privé”, mais “nous avons aussi un programme de réhabilitation des vieux ksour, la grotte d'Ighzer”, à la périphérie de Timimoun, “le balisage du circuit touristique de cette oasis”, très prisée par les touristes amateurs d'exotisme, et la “réhabilitation des sites d'Aoulef et de Reggane”.
La face cachée du cliché
Ceci dit, si l'aspect culturel reste l'une des plus grandes curiosités de ce pays de l'extrême, confiné uniquement aux initiés, l'agriculture a été jusque-là la facette la plus connue d'Adrar. Qui ne connaît pas, en effet, la tomate d'Adrar ? Une fête annuelle lui est même consacrée. Mais, revers de la médaille, à l'image des ksour qui tombent en ruine, l'agriculture subit elle aussi de plein fouet les contrecoups de la privatisation.
Ainsi, l'usine de Reggane qui produisait du jus de tomate, des boîtes de conserve a été mise à la vente, et les fellahs, en raison de l'éloignement, du problème de transport et de l'absence de chambre froide, ont désormais de sérieux problèmes d'écoulement de leur marchandise. “On produit de la tomate, du concombre et de la betterave, notamment à Zouia Kunta, Reggane et Aoulef, alors que le blé est produit à Fenoughil” — une autre ville à consonance juive —, explique B. Salem, président de la Chambre d'agriculture. “Mais le problème des fellahs (environ 23 000) reste l'écoulement de la production, le transport et les chambres froides”, affirme-t-il, non sans rappeler avec quelque fierté que, durant les années 1980, des avions venaient de Francfort, de Marseille et de Bruxelles pour prendre la tomate depuis Reggane.
Aujourd'hui, il lance donc un “appel au secours” pour sauver l'agriculture du Touat. “Nous souhaitons de l'aide de la part de l'Etat”. Le programme spécial Sud, annoncé en grande pompe, pourra sans nul doute dans ce contexte donner un coup de fouet autant au tourisme, à la réhabilitation du patrimoine culturel et artistique de la région qu'à l'agriculture. Mais encore faut-il que les personnes chargées du chantier soient animées de la volonté nécessaire. Or, tel n'est souvent pas le cas, à se fier à certaines voix ici. “Si je ne peux commenter l'action de l'actuel wali qui n'est là que depuis deux ou trois mois, l'ancien en revanche n'a rien fait”, peste Rezzoug Lahcène, ancien P/APC (1997-2002), qui égrène un chapelet de griefs contre celui qui fut le premier responsable de la wilaya aujourd'hui désigné à la tête de Khenchela. Seule une “gestion rigoureuse pourra, à titre d'exemple, endiguer le chômage dont le taux est important”, dit-il. Un autre défi aussi, il est vrai, pour Adrar. Celui-là même qui pourra permettre à Miloud et ses copains d'envisager l'avenir avec sérénité. Un avenir qui rendra le coucher du soleil plus merveilleux encore sur Tamantit…
K. K.


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