D'emblée, le chef d'Etat affirme que c'est un devoir que de prendre part à ce rendez-vous pour célébrer l'un des «génies» de l'humanité dont la Muqaddima (Prolégomènes) constitue une œuvre «immortelle» dans l'histoire et la sociologie. M. Bouteflika n'a pas manqué de rappeler, non sans fierté, que la Muqaddima, ce patrimoine universel, avait vu le jour en Algérie. Pour le président de la République, en dépit d'un travail remarquable accompli par des philosophes et des historiens pour éclairer la pensée khaldûnienne, celle-ci suscite davantage d'intérêt et demeure un trésor inépuisable. Situant Ibn Khaldûn dans un cycle contemporain à travers les siècles, M. Bouteflika souligne que ce penseur, né en 1332, a effectué une «rupture» avec le mode de pensée qui régnait au XIVe siècle. Dans une ère marquée par la chute de Grenade en Andalousie et l'hégémonie des Mongoles au Machreq, Ibn Khaldûn relate la vie quotidienne avec «rigueur et analyse». Le penseur Ibn Khaldûn, ajoute le président de la République, avait emprunté des sentiers non battus en faisant fi des restrictions dogmatiques de cette époque-là. Les concepts d'El Imrane et El Açabia, élaborés par Ibn Khaldûn, sont devenus des outils essentiels pour analyser les dynamiques sociales. Sylvestre de Sassi, De Slane, Quatremère, Franz Rosenthal, Gaston Bouthoul… n'ont pu, explique M. Bouteflika, se passer de la contribution du patrimoine maghrébin pour des études comparatives. Réaffirmant qu'Ibn Khaldûn a «dépassé» son époque, le chef d'Etat souligne que grâce à ce penseur, l'objectivité et la relativité avaient été réhabilitées comme méthode de pensée. Revenant sur la relation d'Ibn Khaldûn avec le Maghreb, M. Bouteflika indique que le penseur s'était installé à Béjaïa, où il occupait le poste de premier ministre et premier imam de la mosquée de La Casbah. Ibn Khaldûn se déplaçait entre Béjaïa et Tlemcen avec des visites à Tébessa et à Biskra, où il a vécu pendant 7 ans. Le chef d'Etat ajoute, également, qu'Ibn Khaldûn s'installa entre 776 et 780 hégires à Frenda (Tiaret) où il élabora la première partie du Kitab El Ibar. En tout, Ibn Khaldûn avait vécu 52 ans au Maghreb et en Andalousie, avant de se diriger vers l'Egypte où il rendit l'âme en 1406. A l'instar de tous les génies, Ibn Khaldûn, découvert par l'Occident au XIXe siècle, avait vécu dans la solitude. M. Bouteflika appelle, d'ailleurs, à la vigilance concernant l'approche des occidentalistes qui comparent Ibn Khaldûn avec Machiavel, Vico, Montesquieu, Comte, Hegel et Marx. «En dépit de la grandeur de ces hommes, nous sommes contre cette comparaison qui véhicule des velléités de manipulation et de récupération», a-t-il averti. Pour M. Bouteflika, les recherches et les questionnements élaborés par Ibn Khaldûn demeurent au «cœur» de la pensée arabe contemporaine. «La Muqaddima a besoin d'incessantes lectures pour appréhender notre histoire et notre civilisation», recommande le président de la République. Par ailleurs, la ministre de la Culture, Khalida Toumi, a annoncé la création, à Tiaret, d'un centre spécialisé dans les études khaldûniennes.