Les Algérois sont extrêmement friands de sobriquets. Ils prennent plaisir à coller un surnom à une personne dès son plus jeune âge. Rares sont ceux qui parviennent à échapper à ce « cadeau » qu'on porte jusqu'à la mort. Ce goût immodéré pour la manipulation du langage, ce penchant intarissable à vouloir affubler autrui bon gré, malgré, peuvent étonner, surprendre ou irriter. C'est selon. Cette quête frénétique du surnom demeure incontestablement un fait de société très répandu à Alger. Sa veine populaire est loin de se tarir. Peu s'en faut. On traîne ce sobriquet l'âme en peine ou au contraire on s'en enorgueillit comme d'un trophée. C'est le rocher de Sisyphe ou la toison d'or. Expression d'une ironie mordante, d'un trait de caractère, voire de la pure fantaisie, le sobriquet s'acquiert comme par enchantement. On s'en accommode. Il y en a même qui sont gravés dans la mémoire : Ali la Pointe, Petit Omar, Momo le chantre de La Casbah, El Anka, El Ankis, El Baz et la liste est longue. La pratique du sobriquet à Alger ne date pas d'hier. Beaucoup d'Algérois portent des surnoms hérités depuis longtemps. Ils sont le reflet d'une époque, d'une période donnée à jamais disparue. Ce sont des reliquats, des vestiges qui continuent encore à survivre. La très riche nomenclature des sobriquets est certainement utile à examiner et à étudier. Elle peut servir à comprendre la mentalité des habitants d'Alger. D'autant que cet acte de création langagier renseigne sur une capacité avérée d'imagination, sur une pratique sociale vive et féconde. Le sobriquet aussi naïf soit-il, aussi tenace, parfois dur à porter, a ses règles, ses codes. Il singularise et identifie l'individu, car il est « indispensable qu'on puisse immédiatement savoir de qui l'on parle et à qui l'on a affaire ». Alger, capitale du sobriquet, terreau inextinguible du surnom. Voilà bien un titre de gloire incontesté. Et c'est tant mieux.