Reportage de Mohamed Gemmill Les vendeurs du porte-à-porte sont de retour. Ils écoulent désormais leurs marchandises dans les quartiers populaires, les marchés et dans la rue. D'autres, plus hardis, viennent frapper aux portes pour proposer leurs marchandises fraîchement débarquées de Turquie, de Tunisie et de Syrie. «Marchandises, made in à bon prix, profitez de l'occasion. Tout le monde y trouve son compte. Ne manquez pas cette occasion. Cela n`arrive pas tous les jours…» C'est sur ces mots que Rachid Etorki, sobriquet collé en raison de ses incessants déplacements en Turquie pour s'approvisionner en marchandises made in), la trentaine, vendeur ambulant, père de 5 enfants déjà à cet âge, attire sa clientèle, criant dans un bigophone. Non loin du marché de Boumati, plusieurs autres vendeurs à la criée, en service dans un des magasins chinois qui pullulent en Algérie, s'activent avec le même entrain. Ils interpellent les passants à tout-va, proposant, comme ils le font croire, des prix défiant toute concurrence. Des paires de lunettes de soleil, des kimonos chinois pour femmes, des pyjamas, des ensembles et des robes de soirée en satin, en soie et en frou-frou qui laissent apparaître les belles formes féminines. Depuis presque une décennie, le commerce des «valises» est ainsi, pratiquement devenu un phénomène très courant en Algérie. Il est en train de prendre une dimension alarmante et les préposés y trouvent leur compte. Certains se sont même permis le luxe d'acheter des voitures coûteuses et ont ouvert des magasins. Ce marché fait des émules, ainsi, vieilles, vieux, jeunes, moins jeunes, filles et garçons, hauts diplômés, médecins et ingénieurs se sont transformés en vendeurs de porte-à-porte ou en djounoud ou kbeches (surnoms donnés aux passeurs de marchandises). Ces derniers, qui proposent leurs services, sont totalement pris en charge durant le séjour à l'étranger ; ils bénéficient même d'une petite somme pour s'offrir quelques denrées rares en Algérie. Il est, en effet, difficile de faire un pas dans le centre-ville sans apercevoir un étalage de «valises» ou de cabas devant un centre commercial ; ou, mieux, un «attaquant» qui les transporte carrément sur la tête ! En bordure de route, devant les magasins et même de porte à porte, pour les vendeurs, tous les moyens semblent bons pour «liquider» la marchandise. En cette période de vacances d'été, beaucoup de jeunes se livrent à ce business. Fini la table de cigarettes ! Certains, à l`instar de Rachid l'invisible (il se fait rarement piquer par la police), élève en classe de seconde au lycée Hamia de Kouba, disent vendre pour le compte d`une tierce personne. «C`est mon oncle travaillant dans un magasin de Chinois qui m'a parlé de ce commerce ; il m'a fait comprendre que son employeur recherchait des jeunes pour faire du porte-à-porte dans les quartiers, avec des articles chinois. Cela m'a intéressé et j`ai informé certains de mes amis avec qui je travaille maintenant», raconte-t-il. Battre le pavé toute une journée n'est pas chose aisée Faire dix immeubles, quelque 200 logements pour exhiber la marchandise n'est nullement une mince affaire. Il n'est, en effet, pas toujours évident de battre le pavé à longueur de journée, avec deux ou trois valises en main. Surtout en ces périodes où il faut souvent braver la forte chaleur. Mais, jeunes vacanciers pour la plupart, les vendeurs ambulants de «valises» le font pour gagner un peu d'argent qui, expliquent-ils, leur permettra plus tard d'aider leurs parents, pauvres, à payer les frais de scolarité au moment de la rentrée. Ces jeunes, âgés de 17 à 20 ans et même plus, exercent donc généralement ce métier de manière temporaire. Quelques jeunes ne jugent pourtant pas très nécessaire de vendre en valise. Certains disent préférer un sac de voyage ou un cabas de sport, qui, expliquent-ils, est «plus relax et plus discret». «Une valise, pour en faire quoi ? Que contient–elle, se demanderont, certainement, les «remplisseurs de bouteilles»- les curieux pour parler un langage plus compréhensible. Ceux qui veulent assouvir leur soif de curiosité, ceux qui crèvent d'envie de connaître le contenu des valises ou le gain journalier. Karim, un jeune de 30 ans, est à Alger depuis 6 mois. Il rencontre Hamdi, un autre jeune de 35 ans, venu comme lui tout droit de Jijel depuis 1 an et demi. Tout deux se sont rencontrés par pure coïncidence dans ce café du centre-ville de la capitale, réservé aux gens de l'Est algérien. Alors qu'abordent différents sujets au cours de leur discussion à bâtons rompus, une fois le sujet du travail entamé, on aurait dit une porte d'armoire qu'on ouvre. Et là, tout se déballe. Tous deux ont fui la misère des hautes montagnes de Taher ou de Balouta où ils vivotaient depuis leur tendre enfance. Les deux jeunes gens ont postulé pour des emplois bien en deçà de leurs qualifications, juste pour se faire une place au soleil. Peine perdue : toutes les portes sont restées fermées. Le chemin était encore plus rude qu'ils ne le croyaient. Hamdi demanda quand même à Karim s'il était intéressé par un simple travail de journalier comme vendeur du porte-à-porte... «Sûrement que oui», répliqua Karim pour qui l'essentiel est de travailler. Peu importe tant que cela permettra de gagner de l'argent à la sueur de sont front. Une activité légale non déclarée Mais Hamdi lui faisait savoir que c'est un job un peu spécial, non de drogue ou de quelques substances illicites, mais plutôt «une activité légale non déclarée». Une petite discussion s'enchaîna, où chacun défendait l'idée, mais Karim décida quand même de s'aventurer, puisque tout est nouveau pour lui dans ce nouveau monde. Après tout, n'est-il pas partisan de l'adage «qui ne tente rien n'a rien» ? Le lendemain, il se réveilla tôt, tout content et comme toute personne qui travaille, prit le bus et rencontra son ami qui l'attendait. Tels deux vieux compères, chemin faisant, ils se retrouvent devant un magasin de gros à Gué-de-Constantine. Un homme, la quarantaine bien entamée, avec une grosse moustache qui lui barrait le visage, une bedaine qui gênait son évolution, s'effaça pour leur céder le passage menant au magasin. Il les invita à prendre place dans des fauteuils souples et moelleux, prêts pour la sieste à tout moment. Il entama la discussion en allumant un gros cigare : «Mes enfants, je vous ai fait venir ici pour vous proposer un bon boulot, certes fatigant pour vos frêles épaules mais qui rapporte gros, croyez-moi ! Vous devez déambuler chaque jour avec une “valise” chacun ; vous êtes libres de choisir le quartier ou le marché qui vous semble juteux. C'est de la marchandise qui vient tout droit de Turquie, du Japon et de Syrie. Je vous laisse le soin de l'écouler en deux jours maximum. Et si vous travaillez bien, vous serez promus. Je vous enverrai à l'étranger acheter vous-mêmes la marchandise. A vous de voir donc !» Les deux jeunes étaient quand même stupéfaits de la manière avec laquelle ils étaient engagés, par la souplesse du patron et sa fermeté dans le ton. Tombés sur une meilleure période d'embauche, les deux amis sont devenus eux-mêmes des patrons, fréquentant les salons calfeutrés des gros patrons pour discuter affaires et gros sous. Le marché à la «valise» semble avoir beaucoup d'adeptes Le marché des valises semble, cependant, avoir ses partisans. Les personnes qui viennent ici acheter, recherchent d`abord la marque, synonyme de qualité, mais à des prix abordables. Généralement, ce sont ceux ou celles préparant leurs noces qui viennent rechercher la marque. «Tous achètent automatiquement, même s'ils ne sont pas toujours d'accord sur les prix pratiqués», témoigne Kader, ce jeune Algérois, gérant d`un magasin au marché chic à la place du 1er Mai appelé communément «Le Bazar». Ici, les prix des fringues varient selon la marque du fabricant, la matière de fabrication, et la grosseur de la marchandise, ou du pays de provenance. Les jeans américains, italiens ou français coûtent entre 6 000 et 8 000 dinars, ceux venus du Maroc, de Tunisie ou de la Turquie sont proposés entre 1 200 et 1 500 dinars et les «survêts made in» Sergio Tacchini ou Lacoste (el griffa) reviennent à plus de 10 000 dinars. A propos des bénéfices, le commerce à la «valise» rapporte toujours gros. Pendant la période estivale, période des mariages, par exemple, on s'attend souvent à avoir une nombreuse clientèle qui dépense sans compter pour avoir la meilleure marque ou le dernier cri (akher sayha). Beaucoup de voyageurs préfèrent acheter le «made in» à des prix forts, plutôt que d'acheter le produit local qu'ils ne trouvent pas «très chic ou classe, ou parfois trop cher», affirme une jeune mariée venue préparer sa dot de mariage. Pour les jeunes lycéens ou lycéennes qui y activent, c'est «un produit de luxe», il faut donc y mettre le prix. Chacun va à la recherche du meilleur produit. Des choses allant des trainings de marqueà 10 000 dinars aux savates à 2 000 dinars. De l'objet le plus insignifiant aux pièces de rechange, en passant par la friperie, tout se revend dans les marchés de la «khorda» (marché aux puces) ou aux «vieux trucs». Quelque 20 magasins à Alger, dont 7 au Ruisseau à lui seul, s'adonnant à ce commerce fructueux dont dépendent de nombreux petits métiers. Brocante, «el khorda» à Oued Kniss Chaque matin, une charrette ou une camionnette s'arrête. Gros acheteurs et petits brocanteurs, en quête de grosses affaires, se ruent pour connaître la nature de son chargement. Aujourd'hui, le véhicule qui vient de stationner porte une charge intéressante. Sans attendre, les employés de Si Rabah, de véritables armoires, bien bâtis et tout en muscles, commencent à alléger le camion de son fardeau. Deux réfrigérateurs, un salon, deux cuisinières, deux chauffages, quelques chaises, deux fourneaux à gaz sont vite parqués dans le magasin. Les dellalines ou smasrias fréquentent quotidiennement cette petite ruelle à usage de marché, inondent cette place de vente d'objets hétéroclites, «khorda ou bricoula», selon le jargon du métier. Et, là, commence le vrai marchandage. «Je t'offre 5 000 dinars pour cette marchandise», murmure un dellal à l'oreille du soi-disant commissaire-priseur. «Pour le lot ?», demande le propriétaire du magasin. «Vous n'êtes pas acheteur vu la somme que vous m'avez offerte», lance-t-il en mettant en avant son corps musclé pour impressionner l'assistance et faire grimper les prix. La transaction prend un autre ton, et le meilleur moyen de maîtriser la vente et d'augmenter les enchères est de parler beaucoup et d'user de beaucoup de tact et de malice pour que la vente se termine finalement comme prévu. Le lot de vieilleries est vite liquidé à des prix modiques, les deux contradicteurs se frottent les mains pour avoir réussi une bonne affaire. Dans ce commerce, le principe de base est de se faire de l'argent par n'importe quel moyen. La chose la plus insignifiante pour une personne pourrait être très utile pour une autre. Dans le domaine du troc , il faut être un bon ara Misère oblige, d'autres métiers ont vu le jour chez les chômeurs. Le dellal ou le vendeur ambulant vous propose un tas de vaisselles pour un effet vestimentaire. C'est lui aussi qui organise la vente en vous proposant sa marchandise. Les plus jeunes, souvent des gamins, commencent le métier par un troc de petits objets alors que d'autres se sont spécialisés dans les échanges des objets selon la qualité et l'intérêt. Nombreux sont ceux qui parmi eux rêvent de devenir un jour un grand patron, pour suivre l'exemple de ceux qui ont commencé à partir de rien et qui ont amassé des fortunes. Un destin qui dépend de l'habileté du gamin. Ce dernier doit faire face aux entraves de ce métier qui demande la manie du verbe. «Nous vivons dans l'insécurité totale, nous n'avons pas de protection, pas d'assurance sociale pour nous couvrir», lance le jeune Saïd, ancien camelot reconverti en troker, qui rêve d'épouser sa cousine. Il n'existe pas de syndicat pour nous défendre. Pas de CNAS pour nous rembourser. On vit au jour le jour et on ne compte que sur notre verbe, la bonne parole est notre seule richesse. Comment voulez-vous fonder un foyer ? Le troc a toujours compensé l'absence d'une monnaie commune. Le troc jalonne l'histoire proche et lointaine des peuples du monde entier. S'il a longtemps été le seul moyen d'échange entre les gens et entre les peuples pauvres, le troc s'est progressivement affiné en prenant objet ou récolte comme pièces d'échange. Il est redevenu source de revenus pour les démunis ; même les plus aisés s'exercent à ce métier en échangeant voitures, récoltes, poteries, ustensiles, verroteries ou animaux. Ce mode d'échange a, en effet, commencé dès qu'un être suffisamment intelligent a pu comprendre qu'il pouvait échanger un silex contre une peau de bison sans devoir aller chasser ce dernier lui-même... Un apprenti qui commence dans le domaine de trocs doit être un bon ara, car il est appelé à négocier avec diverses personnes, dont les vieilles surtout qui sont difficiles à manipuler. Échanges d'objets d'art ou d'histoire ou d'antiquités Vous pouvez aussi vouloir échanger un objet quelconque contre quelque chose que vous aimeriez avoir mais que vous n'avez pas les moyens de vous payer, ou pour laquele vous ne souhaitez pas payer pour ça, ou alors parce que vous n'avez pas eu la chance de trouver ce que vous cherchez. Il existe des marchands pour cet échange, à Bab El Oued : ammi Rabah qui possède un petit magasin où il empile pêle-mêle de vieux livres, des cassettes vidéo, des CD de musique, des DVD, des jeux, de l'ameublement maison, de vieux objets en argent ou en cuivre, une collection de quelque chose, bref n'importe quoi. Il peut vous vendre l'objet comme il peut vous l'échanger contre un autre de moindre valeur. Il existe aussi des antiquaires qui ont une veitable passion des objets d'antan. Mais n'est pas antiquaire qui veut. Etre antiquaire est un métier qui reste traditionnel. Souvent, il est transmis de père en fils. On peut tout de même postuler en tant qu'assistant auprès d'un antiquaire pour apprendre le métier. Il n'existe pas de diplôme officiel, mais il faut acquérir un savoir sur l'histoire de l'art et un savoir-faire pour dénicher des objets rares ayant de la valeur. Si vous aussi êtes intéressé par les objets anciens, il existe quelques galeries à Alger, mais les plus réputées et fréquentées sont celle du Ruisseau, appelée Caverne Ali Baba ou celle des Beaux-Arts au Telemly. Leurs propriétaires vous diront ce qu'il faut savoir sur les ficelles et les objets de valeur de ce métier. On peut également acheter, échanger et vendre des objets neufs ou d'occasion ou une collection aux enchères ou à des prix fixes en insérant. On peut faire de bonnes affaires à travers le Net sur des produits neufs et d'occasion ou objets de collection. Acheter ou vendre : aux enchères, à prix fixes, prix à négocier, par annonces, boutiques -les passionnés, les collectionneurs, les commerçants peuvent monter leur boutique en un seul coup de clic.