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Malgré les appels de la communauté internationale pour un cessez-le-feu
Publié dans El Watan le 12 - 08 - 2006

«Après le discours de Nasrallah (mercredi soir sur Al Manar) et ses assertions précises, les Israéliens vont nous faire notre fête ce soir», a prévu un commerçant beyrouthin. Jeudi en fin de matinée, un avant-goût des frappes attendues a été servi par un hélicoptère israélien : le vieux phare sur la façade maritime d'Araouché, qui sert de relais radio, a été endommagé par une roquette, créant une panique au centre-ville. Panique nourrie notamment par la certitude ici à Beyrouth, autant dans la rue que chez les analystes, que Beyrouth-centre sera la prochaine cible de l'escalade israélienne, surtout suite à la décision israélienne, le 9 août dernier, concernant «l'élargissement de l'offensive». «Israël n'arrive pas à gagner la bataille terrestre ni à atteindre ses objectifs politiques. On craint la réaction féroce de la bête blessée», confie un journaliste libanais qui peine à se concentrer sur son travail, alors que le siège de son journal est à peine à un kilomètre de la banlieue sud. Selon un sondage publié par le quotidien israélien Haaretz, seuls 48% des Israéliens interrogés se disent satisfaits de la conduite de la guerre par le Premier ministre Ehud Olmert contre 40% de mécontents et 12% sans
opinion.
Près d'un Israélien sur deux (45%) estime que l'armée ne mène pas bien la guerre, contre 48% de l'avis contraire, selon un autre sondage publié par le quotidien Yédiot Aharonot. Il y a une semaine, près de 75% des personnes interrogées estimaient qu'au bout du compte Israël l'emporterait. «Notre armée se bat à Bint Jbeil depuis un mois ! C'est inadmissible», s'est exclamé un expert militaire israélien sur la chaîne publique israélienne jeudi.
Le remplacement du chef d'état-major israélien et du commandant en chef de l'armée du Nord – Oudi Adam a été écarté pour avoir mis en garde le Premier ministre contre les risques de l'intervention militaire, selon Yédiot Aharonot -, les divergences entre Olmert et son ministre de la Défense, le choc psychologique en Israël quant au mythe brisé d'une armée réputée invincible, autant d'éléments qui font craindre le pire à Beyrouth. Hier à l'aube et en début d'après-midi, la banlieue sud a été lourdement ciblée par l'aviation et la marine israéliennes. Quelques heures après ces frappes, des tracts ont été lâchés sur Beyrouth demandant à la population de se retourner contre «la bande à Hassan», alors que les navires de guerre au large continuent de pirater les ondes de Sawt achaâb, la radio du parti communiste libanais, émettant des messages automatiques en arabe appelant les Beyrouthins à «dénoncer les hommes de Hassan qui cachent des batteries de roquettes près des habitations». «C'est pathétique», commente un chauffeur de taxi : «cela veut dire qu'ils sont vraiment dans un sale pétrin, ils sont acculés à nous bombarder aussi avec des tracts sans comprendre que la bataille n'est pas seulement celle du Hezbollah, mais celle de tous les Libanais». Et la bataille s'annonce de plus en plus sanglante. L'ambassadeur d'Israël à l'ONU, Dan Gillerman, a rejeté hier le projet de résolution russe visant à observer une trêve humanitaire de 72h dans les combats alors que les organisations humanitaires sonnent l'alarme de la crise. Israël coupe le pays en morceaux – détruisant 150 km2 par jour selon des sources ministérielles à Beyrouth – empêchant l'acheminement des aides humanitaires. 60% des hôpitaux du Liban s'arrêteront tout simplement de fonctionner si dans moins d'une semaine l'approvisionnement en fioul, seul moyen de faire fonctionner les générateurs, n'arrive pas. Situation plus dramatique dans le Liban-Sud où les agences humanitaires ne peuvent se rendre depuis trois jours, Israël ayant interdit tout déplacement au sud du Litani. La pénurie de fioul coïncide avec le durcissement des combats dans la région, qui provoque un afflux de blessés dans les hôpitaux. Le Programme alimentaire mondial a lancé un appel pour une cessation des hostilités afin de permettre à l'aide de parvenir à ceux qui en ont besoin. Des villages entiers sont isolés dans le Sud. A Beyrouth même, la course en taxi a augmenté de 50% et les queues devant les pompes à essence peuvent durer une journée et les pannes électriques deviennent de plus en plus fréquentes. Le quotidien des Beyrouthins est ainsi décidé : on négocie le piratage des lignes électriques, on fait la course derrière la moindre goutte d'essence quitte à se rabattre sur le mauvais carburant syrien de contrebande, prendre des nouvelles des amis ou parents bloqués dans ce Sud fatal, annuler des mariages ou «narguer tout simplement la brutalité de la guerre en sortant le soir ou en travaillant le plus normalement possible», comme le dit Caroline, documentariste.
MANIFESTATIONs AUJOURD'HUI
«Samidoun», «résistants», crie la jeunesse libanaise qui, après la mobilisation de l'après-assassinat de Hariri, reprend un nouveau souffle, défiant l'agression et les schismes confessionnaux.
En l'absence d'une réelle prise en charge étatique de la situation humanitaire catastrophique, des associations de jeunes, telle que Samidoun, composée d'étudiants de différentes confessions et courants politiques, s'acharnent à combattre la fatalité auprès des milliers de réfugiés dans les jardins et les écoles de Beyrouth. Samedi 12 août, un mois après le déclenchement de l'agression israélienne, un conglomérat d'associations et d'intellectuels, d'étudiants et de volontaires français, américains, égyptiens, tunisiens, etc., ont décidé d'organiser une caravane de solidarité en direction de la ville assiégée de Tyr. «Le 12 août marquera le début de la campagne de la résistance civile», ont annoncé les jeunes promoteurs de l'initiative lors d'une réunion jeudi soir au Masrah Al Madina, un théâtre militant rue Al Hamra. «Il nous faut défier l'interdiction israélienne faite aux voitures de circuler au sud du fleuve Litani et apporter notre soutien aux populations qui résistent dans leurs villages assiégés», a déclaré Howeyda, rentrée des Etats-Unis où elle poursuit ses études pour se joindre au mouvement de la «résistance civile». «Beyrouth est devenu la capitale de la résistance, notre dernière chance de rester la tête haute», dit une volontaire égyptienne qui a épuisé la totalité de ses économies pour rejoindre une ONG libanaise. Aujourd'hui, des manifestations sont prévues dans les grandes capitales occidentales dénonçant l'agression israélienne.


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