Rien ne semble arrêter la violence, aussi bien en Afghanistan qu'au Pakistan voisin. Certes, le président américain a bien annoncé son intention de développer une nouvelle stratégie, mais ce n'est là qu'un effet d'annonce en attendant les vraies négociations, puisque c'est de cela qu'il s'agit. Et bien entendu, chaque partie au conflit entend y aller en position de force. C'est notamment le cas en Afghanistan, alors que la lisibilité est moindre au Pakistan happé quant à lui ou tout simplement piégé par la violence. C'est ainsi qu'au moins vingt personnes ont été tuées dans une spectaculaire attaque menée, hier, contre un centre d'entraînement de la police près de Lahore, à l'est de ce pays, rappelant celle qui a visé, le 3 mars, l'équipe de cricket du Sri Lanka dans la même ville. Selon la police, un commando d'une dizaine d'hommes, armés de fusils et de grenades et portant des sacs à dos, s'est emparé par surprise du centre situé à Manawan, près de Lahore, déclenchant une bataille acharnée avec les renforts arrivés sur place. Le nombre d'assaillants, leur équipement, leur organisation et la stratégie de l'attaque rappellent celle du 3 mars qui avait fait huit morts, avant que le commando ne prenne la fuite, ce qui avait valu au gouvernement pakistanais de vives critiques pour son échec à lutter contre le terrorisme. Le Pakistan, ébranlé depuis deux ans par une vague d'attentats imputés à des groupes islamistes, a été placé par le président américain Barack Obama au centre de son dispositif anti-terroriste annoncé vendredi. Hier matin, d'importants renforts de troupes paramilitaires portant des gilets pare-balles et des casques étaient déployées près du centre d'entraînement, un grand bâtiment entouré d'espaces verts et de murs, d'où ils ouvraient le feu en direction des assaillants retranchés à l'intérieur. Un couvre-feu a été décrété aux abords du centre, a annoncé le gouverneur de la province du Pendjab, Salman Naseer. Les télévisions montraient des corps de policiers gisant au sol, tandis que la fusillade se poursuivait. Les médias ont fait état d'otages à l'intérieur du bâtiment, mais ces informations n'ont pas été confirmées. « Il y a eu au moins 20 morts », a déclaré sur place un responsable de la police, Amjad Ahmad. D'autres responsables ont affirmé que ce bilan pourrait être plus lourd en raison de la violence de la fusillade. Selon Amjad Ahmad, dix à douze « terroristes » ont mené cette attaque, dont la moitié étaient déguisés en policiers, tandis que d'autres portaient des vêtements civils et tué plusieurs gardiens en faction. Cette attaque, un mois après celle du 3 mars restée totalement inexpliquée, met une nouvelle fois en lumière la fragilité du Pakistan et son gouvernement civil au pouvoir, depuis un an, face au terrorisme. Environ 1700 personnes ont été tuées à travers le pays dans une vague d'attentats imputés aux talibans et combattants du réseau Al Qaïda, qui a débuté en juillet 2007, après l'assaut donné par l'armée contre la Mosquée Rouge, un repaire d'islamistes à Islamabad. Il s'agit le plus souvent d'attentats suicide, dont le dernier, commis par un kamikaze à l'heure de la prière, a fait, vendredi, une cinquantaine de morts dans une mosquée du nord-ouest du pays, quelques heures avant l'annonce par Barack Obama de sa nouvelle stratégie en Afghanistan. Ce qui serait incomplet puisque l'administration américaine exerce des pressions, surtout sur les puissants services de renseignements du pays. Le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, a exhorté, dimanche, ces derniers à rompre tout lien avec les talibans et les membres d'Al Qaïda réfugiés à la frontière avec l'Afghanistan. Les services secrets pakistanais (ISI) ont des liens avec des extrémistes « de longue date pour se couvrir, selon les événements en Afghanistan, au cas où nous partirions », a-t-il déclaré. Certains membres du renseignement pakistanais soutiennent les talibans et Al Qaïda réfugiés à la frontière avec l'Afghanistan, avait déjà affirmé, vendredi, le chef d'état-major interarmées américain, Michael Mullen. C'est ce qui rend plus complexe et même délicate, la tâche des dirigeants pakistanais. Nouvel attentat à Kandaha Trois civils et cinq policiers ont été tués dans un attentat suicide commis hier dans l'enceinte d'un bâtiment des autorités locales du sud de l'Afghanistan, a indiqué la police. L'attentat suicide, qui n'a pas été revendiqué dans l'immédiat, s'est produit dans le district de Dand (bien Dand), dans la province de Kandahar, ancien fief du régime des talibans (1996-2001), où les insurgés bénéficient aujourd'hui de nombreux soutiens. « Le kamikaze, à pied, est entré dans le département des registres civils et s'est fait exploser », a indiqué le chef de la police du sud de l'Afghanistan, le général Ghulam Ali Wahdat. Cinq policiers et trois civils ont été tués, a-t-il ajouté, alors qu'un bilan initial, fourni par les autorités locales, faisait état de six civils et de deux policiers tués. Six autres personnes ont été blessées, dont le chef de la police du district, a indiqué le porte-parole des autorités de la province de Kandahar, Zalmai Ayobi. Le site visé abrite le quartier général du district de Dand, situé au sud de la ville de Kandahar, dont l'administration et la police. Délicate mission pour Richard Holbrooke L'émissaire des Etats-Unis en Afghanistan et au Pakistan, Richard Holbrooke, se rendra la semaine prochaine en Inde pour discuter de la nouvelle stratégie américaine pour combattre le réseau Al Qaïda dans laquelle le Pakistan, voisin de l'Inde, occupe une place centrale. M. Holbrooke, qui avait déjà effectué une tournée dans les trois pays d'Asie du sud en février, sera à New Delhi les 7 et 8 avril prochain, a indiqué un responsable gouvernemental indien. Dans le cadre de la nouvelle stratégie américaine pour la région, le président américain, Barack Obama, a promis vendredi de « désorganiser, démanteler et vaincre Al Qaïda au Pakistan et en Afghanistan et empêcher (son) retour dans l'un ou l'autre de ces pays ». Selon New Delhi, le Pakistan est devenu « l'épicentre du terrorisme » dans la région et héberge sur son sol des groupes islamistes comme le Lashkar-e-Taiba, considéré comme responsable des attaques sanglantes de novembre à Bombay, dans lesquelles 165 personnes avaient été tuées ainsi que neuf des dix terroristes.