Tout avait commencé le 23 mars dernier. A 15 h, le téléphone de la victime, O. B., sonne. C'est un appel en provenance de Londres, la capitale anglaise. Une femme se disant Nigérienne, âgée de 56 ans, prénommée Meriem, est au bout du fil. C'est le premier contact. Elle rappellera encore deux fois et finira par faire une proposition de partenariat à son interlocuteur, vendredi à 20h. « Mes deux enfants, Moussa et Aïssa, embarquent ce soir à minuit de Londres à destination d'Alger. Ils vous appelleront demain », annonce-t-elle. Vendredi à 8h05, Moussa appelle avec un numéro de l'opérateur Nedjma. « Nous sommes descendus au Mercure », dit-il en fixant un rendez-vous à O. B. à la cafétéria faisant face à l'hôtel. Vers 10 h, O. B., en compagnie d'un ami, rencontre Moussa et Aïssa, des hommes de couleur âgés respectivement de 35 et 32 ans. « Maman m'a dit beaucoup de bien de vous. Je sais que je peux compter sur vous », dira Moussa à son interlocuteur algérien. « J'ai trois millions d'euros à investir dans l'élevage ou les travaux publics, explique-t-il. Seulement voilà, la valise contenant cette somme se trouve actuellement à l'ambassade d'Afrique du Sud, à Alger. » Et joignant le geste à la parole, Moussa sort de sous son slip des documents attestant que Meriem, sa mère, a payé 5000 euros à Londres pour l'embarquement de la valise, que lui a payé 4750 euros à l'ambassade et qu'il lui reste encore à verser 4200 euros pour récupérer la valise. O. B., qui n'est pas tombé de la dernière pluie, comprend très vite qu'il est devant des escrocs. Faisant alors semblant de marcher dans l'affaire, il suggère de payer la somme en dinars et repart avec son ami, non pas chez lui mais au commissariat le plus proche, en l'occurrence celui du 5 Juillet, à Dar El Beïda. Là, la victime, son ami devenu témoin dans l'affaire et les policiers échafaudent un plan. Dimanche 29 mars à 13h30, un rendez-vous est pris à la même cafétéria. O. B. et son ami arrivent avec la somme (des coupures de papiers 21/27). Moussa remet les documents (des faux) à la victime qui remet à son tour le paquet au Nigérien, qui s'avérera être un Malien, et appelle en catimini les policiers. Ces derniers, en civil, interviennent avec célérité, ne laissant aucune chance aux escrocs de prendre la poudre d'escampette. Mardi et mercredi derniers, les deux escrocs ont été présentés au procureur près le tribunal d'El Harrach qui les a placés sous mandat de dépôt, non sans féliciter la victime et le témoin. Demain donc seront jugés les deux Maliens, mais sans la présence de la victime et son témoin. « Je crois avoir fait l'essentiel », nous dira O. B., qui n'ira pas au tribunal pour des raisons de sécurité. « Je crains, avoue-t-il, que quelqu'un du réseau vienne au tribunal pour me reconnaître avant de programmer ma liquidation physique. » C'est pour cette raison d'ailleurs que beaucoup d'autres citoyens, approchés par ce réseau, n'osent pas franchir le pas de la dénonciation.