C'est une chimère de la géographie, inventée par l'Occident parce qu'aucun pays de la région ne veut jouer avec l'envahisseur et parce que l'on veut à tout prix faire d'Israël un pays «normal, comme les autres». Si demain Israël est introduit dans l'OIF, ce sera vraiment la fin de la politique africaine et arabe de la France. Celle-ci sera définitivement alignée sur les USA et l'OTAN. Tout cela paraît compliqué, mais en fait tout est simple. Profitant de la disparition de l'URSS et de la fin de la guerre froide, il fallait profiter de la suprématie américaine, remettre tout le problème à plat et remembrer le Moyen-Orient dans une nouvelle optique : éliminer ou restructurer tous les Etats de la région qui s'opposent encore à la politique occidentale. D'où les agressions contre l'Irak. On sait que ces manigances n'ont mené à aucun résultat tangible pour un coût financier et humain qui commence à devenir intolérable. D'où aussi les pressions ascendantes et les menaces ouvertes contre l'Iran. D'où les manœuvres contre la Syrie. A force de pressions, l'Organisation de la libération de la Palestine, après l'assassinat par empoisonnement de son chef charismatique, Yasser Arafat, les Occidentaux étaient presque arrivés à faire accepter officiellement l'existence d'Israël et aussi d'un Etat palestinien en forme de bantoustan sud-africain : un Etat miniature, caviardé par d'immenses colonies sionistes armées ayant un statut d'extraterritorialité. C'est alors qu'un coup de tonnerre déchira le ciel des certitudes des sionistes et de leurs parrains américains et européens : le peuple palestinien a démocratiquement élu une force propre intellectuellement, politiquement et financièrement : le Hamas. Celui-ci revient sur toutes les concessions sans contrepartie de l'OLP, y compris sur la reconnaissance d'Israël. L'Iran, l'Irak, la Syrie, le Hezbollah au Liban, le Hamas en Palestine, ce faisceau de situations locales avait une signification claire pour les USA et pour Israël : la carte du Moyen-Orient, dessinée au début du XXe siècle, corrigée au milieu du XXe siècle avec la création de la chimère politique nommée «Israël» avait été un échec. En effet, après 60 ans de guerre, Israël n'a toujours pas réussi à s'intégrer dans une vie régionale pacifique et les intérêts occidentaux restent à la merci du dernier mouvement nationaliste qu'il soit marxiste, panarabe ou islamiste. Il fallait dans le cadre d'un grand remembrement du Moyen-Orient créer des mini-Etats encore plus petits que ceux qui existent, sur la base de contradictions confessionnelles, culturelles et autres, avec au milieu Israël, un Etat puissant et dominateur. Il est connu que la France a tout fait aux côtés des USA pour obtenir de l'ONU une résolution obtenant le départ des troupes syriennes du Liban. Et l'on sait que sitôt ces troupes parties, Israël a envahi le Liban… comme s'il s'agissait de deux opérations coordonnées. On peut même y voir quatre opérations coordonnées : instrumentalisation de l'ONU contre la Syrie, instrumentalisation de l'ONU contre l'Iran, attaque d'Israël contre le Hamas en Palestine et attaque d'Israël contre le Hezbollah au Liban. Le tout sur fond de «pacification» en Irak… les Algériens connaissent très bien le sens du mot «pacification». C'est dans le contexte de ce plan d'ensemble des USA, du Royaume-Uni, de la France et des nouvelles ambitions diplomatiques (devenir membre du Conseil de sécurité de l'ONU) et militaires (l'Allemagne intervient désormais en Afghanistan, elle collabore avec les USA en Irak par le biais de ses services secrets, etc.) internationales de l'Allemagne que nous (Farid Daoudi et Abdellah Ouahhabi) avons décidé de vérifier le résultat de cette politique sur les populations concernées : les Libanais. Une sorte de radioscopie de chacune des principales communautés libanaises. Comment la société libanaise et ses différentes communautés allaient résister aux forces centrifuges auxquelles elles étaient exposées ? Le Liban allait-il s'incliner devant les injonctions de l'Occident pour se mettre contre la Syrie, contre l'Iran, conter les Palestiniens, contre la cause arabe ? Au plus fort de l'intervention israélienne, nous avons trouvé sur le site internet Libanvision.com un texte «Le Liban restera souverain et uni» signé par Vénus Khoury Ghata. Celle-ci est une écrivaine francophone. Ancienne collaboratrice du Figaro, elle est installée à Paris depuis très longtemps. Elle est maronite. Son point de vue était donc intéressant dans la mesure où il émanait d'une communauté que l'agression israélienne visait à détacher de ses compatriotes chiites plus massivement engagés dans la guerre contre Israël. Le texte paru dans les colonnes de Libanvision.com ne contenait aucune information exclusive nouvelle sur le conflit en cours ou sur son origine. Son intérêt venait de ce qu'il exprimait la prise de position d'une communauté donnée. Nous avons donc tenté de joindre Mme Vénus Khoury Ghata ou M. Druart, le directeur de publication du site Libanvision.com pour nous faire confirmer la source du texte et afin d'obtenir l'accord de l'auteure pour être nommément citée. Mais cela ne fut pas aisé et prit du temps. Les événements chauds se succédant à une vitesse folle, Farid Daoudi a décidé de faire publier immédiatement le contenu du texte sous ses initiales en attendant les éclaircissements à venir : il s'agissait bien d'une compilation de faits connus comme certaines résolutions de l'ONU. Cet article devait être le premier d'une série représentant les points de vue des principales communautés libanaises. Ce texte fut bientôt repris par le Figaro (10 août 2006). A la rédaction d'El Moudjahid où Farid avait fait publier le texte «lsraël ne veut pas d'un Liban souverain et uni» (15 août 2006), l'affaire fut à tort considérée comme un plagiat. Cela était faux… En effet, Farid Daoudi avait bien fait de ne pas mentionner le nom de l'auteur avant vérification : le Figaro publia bientôt un correctif (12 août 2006, p.17) : le texte n'avait pas pour auteur Mme Vénus Khoury Ghata, mais le docteur Pierre Salem. Mais, El Moudjahid évoque un incident diplomatique franco-algérien lié à la publication de cet article… Le tout pour justifier l'interruption de la série de reportages et d'interviews sur la solidité de la société libanaise et sur la force des liens du Liban avec la cause arabe. Nous reprenons ici la suite de cette étude par conscience professionnelle : il faut finir un travail d'explication en direction du lectorat algérien et francophone, de la situation complexe qui prévaut au liban. Nous ne pouvions pas nous rendre au Liban, mais Paris est un petit Liban où toutes les tendances sont représentées. Nous avons fini par trouver Mme Vénus Khoury Ghata et le docteur Pierre Salem et nous les avons interviewé en exclusivité. Nous avons rencontré des personnalités proches du parti chiite El Amal de Nabih Berri, un allié du Hezbollah. Nous avons interviewé aussi un représentant de la communauté sunnite du Liban. Bien sûr, le Hezbollah étant classé «organisation terroriste» en France, il n'a pas été possible de trouver un Libanais acceptant de s'exposer judiciairement en parlant en son nom. Pour l'opinion de son parti, nous nous référerons à l'interview de son chef, Hassan Nasrallah par Talal Salman, le rédacteur en chef du journal libanais As Safir (cette interview a été traduite par Marcel Charbonnier pour le très riche site voltairenet.org). Voici donc ces différents points de vue. Mais, avant, quelques rappels pour mettre les événements en perspective. Le Liban n'a jamais signé de traité de paix avec Israël jusqu'à ce jour. Le principe retenu par tous les hommes politiques libanais depuis cette époque est que «le Liban sera le dernier pays arabe à signer la paix et à reconnaître Israël». Dès lors, la bienveillance des puissances coloniales était partagée entre leurs séides locaux (rois et princes directement sortis du Moyen-Age, dont le pouvoir dépendait de l'appui militaire de l'Occident) et le nouvel Etat gendarme créé… avec beaucoup de contradictions et d'incompatibilités. Mais bon an, mal an, le système tenait : les pays de la région étaient «définitivement» divisés, leurs richesses naturelles étaient exploitées par l'Occident à vil prix. Quand un pays de la région tentait un mouvement d'émancipation, il était soit déstabilisé par un coup d'Etat favorable aux métropoles européennes (Mossadegh, etc.) ou aux USA, soit attaqué militairement avec la participation plus ou moins directe d'Israël (invasion de l'Egypte en 1956). Cette construction laborieuse ne résista pas au temps. L'existence d'Israël ne justifia pas les espoirs de ses fabricants : 1. Le «foyer national juif» n'a jamais vu le jour : la majorité des juifs boude Israël et continue à vivre à l'étranger ; la plus grande ville juive du monde, c'est New York et non Tel Aviv. En face, la démographie des Palestiniens, des Libanais, des Syriens, des Jordaniens et des Egyptiens, tous des voisins immédiats d'Israël, est galopante. Or, à long terme, l'histoire finit toujours par rejoindre le parti de la masse démographique… 2. Il y a aussi des obstacles de géographie physique qui se dressent contre l'immigration en Israël de tous les juifs du monde — à supposer qu'ils veuillent ou qu'on les force à y aller —, il s'agit du manque d'eau ! La quantité d'eau disponible dans cette région ne peut pas assurer un mode de vie occidental à plus de monde que ceux qui y vivent actuellement. Israël est donc poussé sans cesse à des guerres pour élargir son périmètre de nappes phréatiques en repoussant les Arabes toujours plus loin dans le désert, pour occuper leur territoire. D'où des guerres incessantes au coût de plus en plus élevé. 3. Après 60 ans d'existence, l'Etat sioniste n'est toujours pas rentable économiquement : malgré un transfert technologique inouï, sans un apport financier massif et régulier, il ferait banqueroute en une seule année ; facteur aggravant : la corruption se développe, les scandales financiers se succèdent dans les arcanes du pouvoir. 4. En 60 ans d'existence, les pays de la région n'ont encore jamais accepté cette verrue. Même quand «un accord de paix» a été imposé à un pays en passant par une classe dirigeante soucieuse de sauvegarder son statut, les peuples n'ont pas accepté. Des touristes israéliens sont assassinés régulièrement. Les sportifs du Moyen-Orient ne veulent pas jouer avec les joueurs d'Israël si bien que ce pays a été intégré dans les équipes d'Europe. Régulièrement, à l'occasion d'événements spectaculaires (la guerre d'Irak, l'attaque contre les Twin Towers, etc.), la rue s'exprime spontanément et elle condamne l'existence d'Israël. Enfin, chaque fois que la population peut s'exprimer démocratiquement dans la région (Iran, Liban, Palestine), elle élit des formations politiques qui contestent l'existence d'Israël. Cela signifie que l'on ne voit pas la fin de la guerre commencée sous la houlette des puissances coloniales pour imposer Israël ; c'est la plus longue guerre de l'histoire moderne et contemporaine. On peut supposer que même si un gouvernement acculé ou acheté a reconnu le droit à l'existence d'Israël sur des terres arabes, cette reconnaissance sera de toute façon remise en cause par le peuple concerné. Tôt ou tard. 5. Israël a été créé pour réparer les fautes de racisme anti-juif des métropoles coloniales sur le dos du peuple palestinien assujetti. Il va de soi que ce pauvre peuple palestinien n'était pour rien dans les crimes historiques commis contre les juifs : pogroms, holocauste du peuple juif, etc. Mais le résultat de 60 ans d'existence d'Israël est que l'«antisémitisme», c'est-à-dire le racisme anti-juif n'a pas disparu d'Europe. Il n'existait pratiquement pas dans le Moyen-Orient musulman (depuis des siècles, dans des sociétés médiévales aux classes et compagnonnages très prononcés, les pays musulmans ont toujours abrité des minorités chrétiennes et juives ; il y eut de hauts fonctionnaires juifs, des ministres juifs… et cela continue aujourd'hui encore). Mais l'existence d'Israël tend à créer, à développer et à fixer dans le Moyen-Orient un racisme anti-juif alimenté par les abus militaires et de l'administration raciste israélienne contre les populations arabes. La création de l'Etat d'Israël n'a atteint aucun des buts antiracistes recherchés. 6. Israël a été créé dans le cadre d'un projet néocolonial de contrôle du Moyen-Orient pour faire du bénéfice en installant à demeure Israël, un gendarme susceptible de garantir militairement l'accès aux hydrocarbures de la région à vil prix lorsque les mécanismes contrôlés du marché sont mis en échec, comme par exemple après la création par l'Algérie de l'OPEP. Or le prix de revient de l'existence d'Israël atteint un tel niveau qu'il devient une opération déficitaire pour ses promoteurs européens et américains : le prix se compte désormais en vies humaines, en argent donné, en argent non perçu (exemption de droits de douane) et en instabilité internationale, voire en résultats économiques négatifs (les prix du pétrole sont dépendants de la situation dans la région). Le décompte des vies humaines donne des chiffres très importants en pertes directes : Israël, emporté par son élan guerrier, a tué à plusieurs reprises des membres de l'ONU européens ou américains. A cela, il faut ajouter toutes les victimes des réactions désespérées et excédées des populations arabes qui sont passées à l'action terroriste («guerre du faible contre le fort»). Dans ce chapitre, il faut compter aussi bien les victimes du 11 septembre que des dizaines d'attentats au Moyen-Orient et à travers le monde. Il faut aussi compter les victimes juives des guerres du Moyen-Orient. En fait, même s'ils ont été volontaires à titre individuel, ce sont bien des citoyens européens ou américains, juifs émigrés en Palestine ; ils ont perdu la vie dans le cadre d'un vaste plan néo-colonial qui n'a pas obtenu les résultats escomptés. Les pertes indirectes alourdissent ces pertes humaines. Pour tenter de faire cesser le carnage, les pays créateurs d'Israël ont été amenés à s'engager dans des guerres locales (l'occupation de l'Egypte en 1956, les interventions contre l'Iran, la guerre contre l'Irak : on y compte pas loin de 3000 morts). Tous ces chiffres n'existeraient pas sans l'abcès de la Palestine. Cela a généré des pertes financières considérables et beaucoup de pertes humaines. Bref, depuis la création d'Israël, le nombre de victimes européennes et américaines doit dépasser les 100 000 personnes ! Et je ne compte pas les centaines de milliers de victimes arabes et musulmanes ! Je ne compte pas les millions de déplacés ayant quitté temporairement leurs foyers pour fuir les cruautés israéliennes. Ces populations sont parquées dans le plus grand camp de concentration du monde, Ghaza (la densité de la population y est la plus élevée qui se puisse mesurer dans le reste de la planète). La communauté internationale paie pour leur subsistance à la place de l'agresseur, Israël, depuis des dizaines et des dizaines d'années. 7. Enfin, il faut savoir que des personnes qui en Europe avaient dix ans au début de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, sont âgées aujourd'hui de 77 ans ! Ce ne sont plus des personnes en activité professionnelle ; elles ne gagnent plus d'argent, elles sont à la charge de la société, des jeunes générations. Cela veut dire que même si elles ont été antisémites (et tous les Européens ne furent pas des racistes, loin de là !), il n'y a aucune légitimité à faire payer le crime des racistes anti-juifs des années 1930 par les générations qui sont actuellement productives. La victimologie de l'holocauste passe de plus en plus mal. Les abus de celle-ci, ajoutés au prix de revient économique et en vies humaines d'Israël pour un résultat quasi nul, font que même le contrôle des médias par des lobbys associés aux forces néocoloniales et sionistes ne suffit plus à faire passer la pilule aux populations européenne et américaine. Un ras-le-bol envers Israël s'installe au plus profond de la population européenne et va se renforçant : d'où le succès politique de formations qui font semblant de s'attaquer aux «immigrés» et dont le vrai but inavoué est de s'attaquer à une autre partie de la population européenne. Lors d'un débat politique, Le Pen avait demandé à un ministre du Travail s'il avait la nationalité israélienne — celui-ci l'avait — ; Le Pen a alors laissé entendre que c'était un «mauvais Français» ou du moins qu'il n'avait pas la légitimité pour parler au nom de la France. Dans pas très longtemps, si ça continue, nous serons témoins de graves mouvements de rejet massif. Ce résultat catastrophique de l'idée sioniste a été prévu par beaucoup de penseurs, notamment par des penseurs juifs venus d'horizons divers : Marx, Trotsky, Freud, Einstein, des rabbins célèbres, etc. qui ont tous condamné et condamnent encore le sionisme. (A suivre)