Alors que le réseau national des registres du cancer prévoit une augmentation du nombre de cas de cancer du poumon en Algérie à 4450 nouveaux cas en 2025, les actions de prévention contre ce type de cancer à travers la lutte anti tabac se font toujours attendre. Les associations des patients ne cessent de multiplier des appels pour une meilleure sensibilisation des jeunes contre la consommation du tabac. L'association nationale Nour Doha, comme à l'accoutumée, a organisé la semaine dernière la 12e journée de sensibilisation sur le cancer du poumon, organisée dans le cadre de «novembre bleu», le mois dédié au cancer du poumon. La problématique du cancer bronchique a été au centre des débats entre pneumologues, oncologues, anatomistes pathologistes et médecins généralistes, qui s'inquiètent du fait que les patients arrivent à des stades avancés. La problématique de la prise en charge du cancer bronchique se situe dans le fait que la majorité des cas arrivent à des stades tardifs, ont relevé les spécialistes. «Malgré une toux persistante, le malade ne consulte que lorsqu'il commence à cracher du sang. Il va perdre encore du temps en allant d'un service à un autre avant d'arriver à celui qui va diagnostiquer son cancer, à savoir le service pneumologie. A cela s'ajoutent les délais pris entre le diagnostic et le début de la prise en charge, qui est en moyenne 93 jours, avec les examens complémentaires, l'Anapat, etc., qui retadent le début du traitement», a indiqué le Pr Samia Taright Mahi, chef de service des maladies respiratoires au CHU Mustapha Bacha, tout en insistant sur la prévention. Elle appelle ainsi à la mise en place d'une stratégie nationale pour la lutte antitabac. «Les médecins des unités scolaires et universitaires doivent être orientés justement dans cette approche de la prévention contre ces maladies, en insistant sur les facteurs de risque, tels que le tabac, surtout que nous ne savons pas ce qu'il contient. La chicha est aussi un phénomène qui prend de l'ampleur en Algérie, avec des conséquences très fâcheuses. L'utilisation de la chicha doit être impérativement réglementée. Comme il est aussi impératif d'augmenter les taxes sur le tabac et sanctionner les contrevenants. Il est donc important de s'adresser aux jeunes par tous les moyens pour mieux les sensibiliser», a-t-elle souligné. Pour le Pr Malika Gamaz, oncologue au Centre Pierre et Marie Curie (CPMC), «les patients atteints de cancer meurent vite parce que la majorité, voire 75% des patients, arrivent à un stade tardif. Malheureusement, ils ne nécessitent que des soins de support. Améliorer la formation des médecins généralises et de certains spécialistes permettra de mieux capter les malades pour pouvoir établir le diagnostic de manière précoce pour une meilleure prise en charge», a-t-elle indiqué. elle estime qu'il est aujourd'hui essentiel de travailler sur la qualité et réduire les délais entre le diagnostic et la prise en charge «Ce qui permettra aux patients de bénéficier des traitements et avoir des années de survie importantes qui, parfois, vont au-delà de quatre ans et demi, et avec l'immunothérapie, on peut espérer plus». Le Pr Gamaz signale en outre que dans le cadre des réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) CHU Mustapha et CPMC, les délais se sont relativement améliorés. Outre le caractère scientifique qui caractérise cette journée, l'association Nour Doha a surtout voulu faire de cette événement une journée de sensibilisation envers les médecins généralistes, les fumeurs et les non-fumeurs à propos des dangers du tabac et ses conséquences, notamment le cancer du poumon, qui fait un ravage actuellement en Algérie. «Notre objectif principal est de sensibiliser les jeunes fumeurs à aller se faire prendre en charge, faire des examens médicaux, même s'ils n'ont aucun symptôme, puisque être fumeur suffit pour être un sujet à risque. Ce qui permet d'agir en amont et d'éviter la maladie», a lancé Mme Samia Gasmi, présidente de l'assoction Nour Doha, à l'ouverture des travaux de cette journée. Comme elle a mis en garde contre le tabagisme passif, dont de nombreux enfants et de personnes âgées souffrent aujourd'hui. «Nous avons eu des cas de femmes et de personnes âgées qui souffrent d'un cancer du poumon alors qu'ils n'ont jamais fumé. C'est à ce danger qu'il faut faire face également», a-t-elle indiqué. Et de préciser que l'action de sensibilisation de l'association est souvent dirigée vers les universités, où de nombreux étudiants fument, et vers les infirmiers et infirmières, qui sont exposés au danger du cancer du poumon. Elle a par ailleurs lancé un appel pour la mise à la disposition des patients algériens les traitements innovants «pour donner des chances de survie à nos patients, toutes localisations confondues, dont la majorité sont des jeunes, surtout que nous avons de par le passé l'expérience des traitements de certains cancers qui sont aujourd'hui guéris», a t-elle ajouté.