Une statue, sculptée par Walter Runeberg, lui est dressée en plein cœur de Helsinki à la place du Sénat. C'est lui qui, en 1863, a redonné vie à la langue finnoise, ordonnant qu'elle soit utilisée par l'administration. Jusque-là, le Suédois était dominant dans la vie publique. Réformateur, Alexandre II, qui a régné sur la Russie entre 1855 et 1881 avant d'être assassiné à Saint-Pétersbourg, a succédé à Nicolas I, son père, monarque porté sur les offensives militaires. Depuis 1809, la Finlande était «un grand-duché» annexé à l'Empire russe. Pendant longtemps, Russie et Suède se sont disputé la Finlande sur fond religieux. L'église catholique livrait bataille à l'église orthodoxe pour s'imposer en terre païenne. En 1154, la Suède occupait la Finlande forçant les Finnois à épouser la foi catholique romaine. Le modèle de vie européen fut adopté à cette époque. Le plus haut ordre social était occupé par des nobles d'origine suédoise ou allemande. La paysannerie était à majorité finnoise. Jusqu'au début du siècle dernier, la dominante agraire caractérisait le pays. A Turku, l'évêque Mikael Agricola a jeté les bases de ce que sera plus tard le finnois, écrit à partir de 1548. Le finnois compte parmi la famille des langues ouraliennes (du nom de la chaîne montagneuse Oural qui trace la frontière naturelle entre l'Europe et l'Asie en Russie). Le hongrois, réputé le plus proche du finnois, et l'estonien font partie de la même famille. Comme le basque, en Espagne, ces langues ne sont pas d'origine indo-européennes. D'où leur complexité et leur sonorité originale. «Notre langue est difficile et nous le savons», nous dit un universitaire finlandais. De longue présence suédoise, sept siècles, le pays a gardé en héritage la langue, dont l'officialisation est protégée par la Constitution. La Finlande est un pays bilingue : à titre d'égalité, le suédois et le finnois sont utilisés dans tous les aspects de la vie publique. A Helsinki, toutes les plaques de signalisation, fronton d'édifices publics ou enseignes commerciales sont doublement écrits en suomi (finnois) et svenska (suédois). Le suédois, en langue maternelle, est parlé par 6% des 5,2 millions de Finlandais. Plus de 90 % des habitants de l'archipel autonome de l'Âland, à l'ouest de la Finlande, parlent suédois comme seule langue. Cette particularité est couverte par des traités internationaux. Cela peut paraître étonnant : le parti du peuple suédois (Svenska Folkpartiet, RKP) est un parti finlandais ! De mouvance centriste, ce parti est souvent présent au valtioneuvosto (gouvernement). Les russophones sont peu nombreux en dépit de plusieurs occupations du pays par l'empire de l'Est. En 1710, l'armée russe a défait les forces militaires suédoises et le pays fut occupé pendant plus de 10 ans. Le Français Napoléon, en homme de guerre, conclut un pacte, en 1808, avec l'empereur de Russie Alexandre I (oncle de Alexandre II) pour envahir, une nouvelle fois, la Finlande. Affaiblie, la Suède cédait le pays sans aucune résistance. La religion luthérienne et les lois d'inspiration suédoises avaient été maintenues. Mais, à l'arrivée de Nicolas II, le dernier tsar et «autocrate de toutes les Russie» a amorcé le début d'une période sombre pour les Finnois avec la «russification». Une politique arbitraire qui touchait le Caucase également. La censure était instaurée et le russe imposé dans l'administration. La Finlande ne fut sauvée que par la Première Guerre mondiale et par la révolution bolchevique à Moscou. En décembre 1917, fut proclamée l'indépendance de la Finlande et la Constitution adoptée deux après. Le bonheur fut de courte durée puisque le pays tombait dans le piège de la guerre civile : les partisans de la gauche, favorables à «la révolution» en Russie, se rebellaient contre le Sénat. Soutenus par l'Allemagne, les sénateurs, ou les «Blancs», remportaient la victoire, une année plus tard. En 1918, le drapeau officiel de la Finlande, inspiré de l'emblème national du Danemark, fut adopté : fond blanc, symbolisant le sol enneigé, et une croix scandinave bleue, pour représenter les lacs. La croix est présente dans tous les drapeaux des pays nordiques. La Finlande a une tradition unique au monde : lorsque l'emblème national tombe par terre, il est tout de suite brûlé. En 1939, les troupes soviétiques tentaient de «reprendre» la Finlande. C'était sans compter sur la forte résistance de l'armée du pays envahi, encore naissante, qui livrait bataille au cours de ce qui est appelé «la guerre de l'hiver». «Cette guerre a marqué à tout jamais les Finlandais», nous dit un journaliste.