Les gravats amoncelés dans la plupart des ruelles de Souika ne laissent aucun doute sur l'urgence d'une thérapie de choc pour préserver ce qui peut l'être encore, sans attendre que le ministère de la Culture daigne autoriser des travaux sur un site classé patrimoine national. Les autorités locales ont donc décidé de renoncer à abattre des pans de murs et d'histoire pour se lancer dans la réhabilitation. Entamée au cœur de Souika, au niveau du poumon de la vieille ville, la rue Mellah Slimane, en l'occurrence, la réhabilitation gagne actuellement le pâté de maisons entourant Echatt, allant de la Medersa à la minoterie. Le bureau d'études de l'ingénieur polytechnicien, Ahmed Mezâache, chargé de cette tâche, est à pied d'œuvre depuis trois mois. Notre interlocuteur dira : « Le travail va durer au moins deux ans et concernera 17 immeubles. Pour le moment, nous œuvrons sur trois édifices et déjà nous constatons que l'état de dégradation des habitations est très avancé. Et malheureusement, la main de l'homme est le principal coupable de cet état de fait. ». Il n' y a qu'à jeter un œil sur l'immeuble 54 situé entre le café Nedjma et la Medersa pour se rendre compte que la réhabilitation ne sera pas une promenade de santé. Tout est à refaire. Les escaliers en bois sont actuellement surchargés par d'autres matériaux comme le fer et le granito, des poutres qui risquent de craquer à tout moment, alourdis par d'imposants … réservoirs d'eau, des murs qui s'inclinent dangereusement, et enfin une terrasse sur laquelle le propriétaire a bâti un « appartement » sur deux niveaux, bafouant toutes les lois de l'architecture et de la logique. La construction illicite, qui est un danger latent pour les habitants des lieux et les passants, a fini par être démolie, non sans peine, permettant aux maçons de passer à la phase de réhabilitation. Pour rappel, les gravats de la maison n° 54, dont la construction remonte à 1860, représentent, pour le moment, un poids approximatif de 100 t, ayant nécessité 5 semi-remorques pour les déplacer. Il faut savoir que le bureau d'études accueille chaque jour des élèves des différents centres de formation pour les initier au travail de la pierre, du revêtement, de la menuiserie et de la construction, toujours dans le cadre de la réhabilitation. « Il nous a fallu une phase de reconnaissance et de connaissance de matériaux avant de nous mettre à l'œuvre car il était primordial de cerner les composants anciens des constructions avant de songer à les réhabiliter. Dieu merci, nous avons presque à portée de main tout ce dont nous avons besoin, le mortier en terre comme la chaux ou les pierres issues du rocher sur lequel nous nous trouvons. Nous avons pour cela des professionnels de la construction et de la réhabilitation, en plus des élèves des centres que nous accueillons et formons avec plaisir », ajoutera notre interlocuteur. Il faut savoir aussi, et dans le même contexte, qu'il existe trois typologies concernant les immeubles ou constructions à réhabiliter. L'édifice traditionnel datant de la période ottomane, l'hybride qui est un composant de traditionnel et colonial représentant l'époque du traçage des avenues à travers la vieille ville, comme la rue nouvelle actuellement Ben M'hidi, ou la rue de France, rebaptisée rue du 19 Juin et Didouche Mourad, et enfin celui colonial qui a commencé à s'imposer à partir de la fin du XIXe siècle. Et pour tout ce genre d'habitats, il faut un savoir-faire particulier qui sera appliqué à chaque cas d'espèce. L'absence d'entretien et surtout le rôle destructif joué par l'homme, tout au long des siècles, ont été pour beaucoup dans la dégradation constatée. « Nous pouvons réhabiliter ce qui tient encore debout, nous pouvons encore ressusciter ce qui a été détruit à l'aide de photos d'époque et de l'analyse des gravats restés sur place ; rien que pour les portes des immeubles du XIXe siècle, par exemple, nous disposons de croquis anciens et de photos de ce qui subsiste pour nous aider à réinventer les motifs et les sculptures originaux. Même chose pour les fenêtres et pour toute la boiserie », précisera encore A. Mezâache. Il reste que si les 17 immeubles cités plus haut sont apparemment bien pris en charge, ce n'est pas le cas de plusieurs autres comme ceux qui ont été réhabilités sur le plateau du Coudiat, et dont le résultat a été plus que catastrophique.