La troisième étape annoncée par le président Bouteflika de la « réconciliation nationale » semble découler d'un deal avec les décideurs. Un deal vieux de 10 ans. Ce n'est pas par hasard si Abdelaziz Bouteflika, qui va succéder à lui-même à la tête de l'Etat, a annoncé, en pleine campagne électorale pour la présidentielle, l'idée de l'amnistie générale. Il a choisi un terrain plus ou moins « neutre », Illizi, au sud-ouest du pays, pour en parler une première fois. A Tamanrasset, autre région au Sud restée loin des violences du Nord, Bouteflika a parlé de dépôt « définitif et total » des armes et de repentance. A Alger, lieu par excellence de la décision, et pour son dernier meeting électoral, le président sortant est revenu à la charge. Et là, on comprend mieux ce qui est programmé dans les prochains mois. « Il n'y aura pas d'amnistie générale sans référendum », a lancé Bouteflika. C'est, à première vue, la matière essentielle du troisième mandat de Abdelaziz Bouteflika : obtenir le consensus avant de consacrer l'amnistié générale. Autrement dit, réaliser l'acte 3 de la réconciliation nationale. Le premier acte fut lancé en 1999 avec la Concorde civile accompagnée d'un texte, non prévu dans les accords élaborés par l'armée et les islamistes de l'ex-AIS, celui de « la grâce amnistiante ». Bouteflika, pour rappel, avait remplacé à la présidence de la République Liamine Zeroual qui avait refusé de donner une couverture politique à ce processus. Le deuxième acte fut mis en œuvre en 2005 avec la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Préparation psychologique Les deux projets avaient été approuvés par référendum. Même si les principes de vérité et de justice, nécessaires à tout processus sérieux de réconciliation nationale, ont été ignorés, la Concorde et la Charte devaient consacrer l'effacement de la mémoire de tout ce qui s'est passé entre 1992 et 1999. Imposé d'en haut, le pardon, érigé en acte collectif et officiel, n'a pas mis fin aux appels des familles victimes du terrorisme et celle des personnes disparues. Toutes exigent la vérité. Or, la Charte de 2005 devait fermer le débat sur « la tragédie nationale ». Elle a échoué. Il fallait donc au Président actuel, avec l'accord évident des décideurs, d'une autre étape qui se veut « un couronnement » d'une longue démarche politique. La conjoncture internationale, marquée par un retour en force du débat sur la lutte contre l'impunité et la consécration de la justice universelle, fait que les choses vont connaître une nouvelle vitesse après l'élection de Abdelaziz Bouteflika pour le troisième mandat. Le marketing politique fait durant la campagne électorale pour « l'amnistie générale » par le Président sortant répondait à un souci de préparation psychologique de l'opinion pour la mise en pratique de ce projet. Bouteflika a eu recours aux mêmes ingrédients utilisés lors de ses discours électoraux en 1999 et en 2004. Le candidat Djahid Younsi du mouvement El Islah est venu appuyer l'offre de Bouteflika en plaidant pour « l'amnistie générale ». Dans la foulée, Bouteflika a, dans un meeting à Tlemcen, rendu un hommage particulier à l'armée. « L'ANP a sauvé et protégé le pays et la République. Sans cette institution, nous ne serions pas ici aujourd'hui à parler d'élection », a-t-il dit. Reste une inconnue : comment les groupes armés, ceux affiliés à ce qui est appelé Al Qaïda au Maghreb notamment, vont-ils réagir à cette nouvelle offre qui ressemble à un dernier recours ? Al Qaïda a, dans un communiqué répercuté sur un site internet, appelé les Algériens « à ne pas réélire le président Bouteflika ». Les choses paraissent compliquées tant il est vrai que les retombées géostratégiques du projet algérien d'amnistie générale ne sont pas encore claires.