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Des cannes pour survivre
Aït Yahia Moussa (TIZI OUZOU)
Publié dans El Watan le 24 - 01 - 2005

Situé à plus de 4 km du chef-lieu de commune d'Aït Yahia Moussa (Draâ El Mizan), le hameau des Aït Oualhadj s'accroche au flanc de cette célèbre colline d'Ighil Vir qui abrite à son sommet le cimetière des 380 martyrs tombés au champ d'honneur lors de la bataille du 6 janvier 1959.
Par ailleurs, à un jet de pierre, se trouve la maison natale du héros de la révolution, Krim Belkacem, le signataire des accords d'Evian. Ainsi, le pain quotidien des villageois est gagné le plus souvent loin de la localité. Mais comme les salaires versés ne suffisent pas, les villageois se sont rabattus sur le métier de leurs aïeux qui n'est autre que celui de la fabrication de cannes, d'autant plus que la matière première est disponible et gratuite. « Il faut dire qu'ici, toutes les familles vivent de la fabrication de cannes, car nous n'avons pas d'autres ressources », nous confie Ahmed, qui ajoute : « Toutes les constructions que nous voyons ici sont le fruit de ce labeur ». Fabriquées à partir des tiges des oléastres, les cannes des Aït Oualhadj sont appréciées. « Nos produits sont dirigés principalement vers le marché de gros de Sidi Aïssa et Aïn Lahdjal, relevant de la wilaya de M'sila, ainsi que ceux de Bouira, Tiaret, Mascara, Saïda et bien d'autres, car nous recevons ici plusieurs commerçants de l'Ouest comme de l'Est », nous déclare ami Slimane, un ancien gardien d'une entreprise nationale dissoute. « Tout jeune, en gardant mes moutons, je taillais déjà des cannes, mais je ne pensais pas que j'en ferai un métier », nous confie-t-il, avant d'aborder les différentes étapes de fabrication. En effet, les artisans de ce hameau vont d'abord couper dans le maquis et les forêts environnants les tiges adéquates. Souvent, ils sont obligés, lorsque la matière vient à manquer, de se déplacer jusqu'à Takhoukht, soit à plus d'une quarantaine de kilomètres de Boghni ou dans n'importe quel lieu où existent ces oléacées. Sur place commence la première phase qui consiste à nettoyer les bâtons de toutes les petites tiges pour les dénuder. A la maison, les artisans font le tri par la qualité et la forme à donner aux tiges. « Les cannes sont différentes, cela dépend de leur utilisation. La canne du berger de nos steppes sont légères et fines tandis que celles des notables doivent être assez robustes, bien travaillées et souvent ornées », nous explique un jeune. L'étape qui était la plus difficile auparavant était celle de recourber le poignet. A présent, grâce à l'ingéniosité des artisans, cette opération est faite avec des appareils qu'ils ont conçus eux-mêmes. A la fin, les cannes sont vernies, décorées ou sculptées, d'autres sont blanchies pour celles destinées aux non-voyants. En ce qui concerne les prix, ils varient de 200 à 400 DA chacune, au détail. « La première fois que j'ai assisté, au marché hebdomadaire d'une grande ville, à une exhibition de combat avec des cannes, j'ai été émerveillé par la robustesse de ces armes que j'ai fini par demander leur provenance. J'ai été encore plus étonné lorsqu'on m'a répondu que toutes les cannes provenaient de Kabylie », nous raconte un commerçant de Tizi Gheniff qui aimerait que soit gravé, sur les cannes, au moins le lieu de leur fabrication. Il reste tout de même que la mini-canne est la favorite des chauffeurs de taxi qui la placent à portée de main, sous la banquette. Elle mesure une cinquantaine de centimètres et se termine par une bosse. C'est la seule qui est conçue comme une arme de défense.

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