La dernière épidémie de fièvre typhoïde qui a accablé la région de Harraten, à 5 km au sud-est de la ville de Jijel, remet sur le tapis, et avec acuité, les raisons ayant conduit à une telle catastrophe, principalement au chef-lieu de wilaya. Les chiffres communiqués en début de semaine, soit bien après que la courbe ascendante ait été dépassée, font état de la contamination de 117 personnes. Depuis, près d'une trentaine de patients ont quitté l'hôpital et suivent, à domicile, un traitement à base d'antibiotiques. Sur l'ensemble des personnes suspectées d'être atteintes par cette maladie, 55 cas ont été confirmés, ce qui conforte amplement la présence d'infection à la salmonella. A cet effet, une enquête a été diligentée la semaine écoulée à Jijel par le ministère de la Santé, devant faire la lumière sur l'apparition de la typhoïde dans la région. La visite au bidonville de Harraten a fini par faire comprendre qu'une telle catastrophe était prévisible au vu de la précarité dans laquelle vivent des dizaines de familles à l'intérieur de gourbis, sans réseau d'assainissement ni eau potable. Samedi dernier, c'était au tour du ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, Saïd Barkat, de venir au chevet des malades avant d'aller constater de visu l'état de la cité suspectée d'être à l'origine de cette épidémie. Là aussi le constat est formel : en de telles conditions, c'était prévisible. Rassuré par le fait qu'il n'y ait pas eu de décès, le ministre s'est avant tout félicité du travail effectué par le personnel médical et paramédical de l'hôpital Mohamed-Seddik Benyahia, qui avait fait face à un nombre considérable de malades. Il s'est par ailleurs assuré de l'approvisionnement de la population du bidonville en question en eau potable par des citernes de l'ADE. Pour venir à bout de cet « abcès » qu'est devenue, au quotidien, et depuis des années, la route nationale menant notamment à Kaous et Texenna, car traversée par les eaux usées, le ministre a déclaré que le bidonville sera rasé. Il annoncera également le lancement prochain d'un programme d'urgence pour reloger les habitants du bidonville, dont l'existence même est devenue un danger pour les cités environnantes, à l'exemple de la cité des 84 logements sociaux dont certaines familles ont été touchées par la maladie. La source de la contamination reste à déterminer A noter que plus de 1 500 logements sont en cours de finition dans cette zone du sud-est de la ville. Quant à l'épidémie, pour l'heure, aucune hypothèse n'a pu être avancée pour l'expliquer. Néanmoins, les enquêtes se poursuivent pour déterminer la source de la contamination. S'agit-il d'une cross-connexion, sachant qu'une canalisation d'eau a subi des branchements illicites au niveau du bidonville, ou est-ce le fait des vendeurs d'eau par citerne ? Nous saurons à ce propos que certains habitants des logements sociaux en avaient acheté après la suspension de la distribution d'eau suite à la rupture d'une canalisation. Un programme de rénovation des conduites d'alimentation en eau potable devrait être également lancé très prochainement. En attendant, la distribution d'eau est toujours suspendue et l'approvisionnement se fait par les citernes de l'ADE. Mais comment en est-on arrivé là ? Le terrorisme détient, dit-on, sa part de responsabilité. Les habitants de ce bidonville, dont certains y vivent depuis le début des années 1990, sont arrivés de diverses régions montagneuses comme Djimla, Beni Yadjis, Ouled Askeur et même des contrées reculées de la wilaya de Mila, pour fuir les hordes terroristes qui avaient transformé leur quotidien en cauchemar. Les grands centres urbains de la wilaya, plus sécurisés, étaient devenus les réceptacles de ce nouvel exode qui a concerné près de 125 personnes dans la wilaya de Jijel. Des bidonvilles ont vu le jour au chef-lieu de wilaya, notamment à Rabta, à l'ouest de la ville, Ouled Aïssa et bien sûr Harraten. Les années meurtrières du terrorisme continuent, indirectement, à nuire à une population déracinée, ayant rejoint un autre enfer.