L'Algérie d'avant le 9 avril 2009 et celle d'après ne seront pas les mêmes. Il est vrai que nul ne se faisait d'illusion sur la réélection de Abdelaziz Bouteflika. L'affaire a été scellée le 12 novembre 2008, lorsque le Parlement avait modifié la Constitution de 1996 en supprimant la disposition qui limitait le nombre de mandats présidentiels à deux seulement. Il y avait, en fait, une seule inconnue : le taux de participation. Celui-ci était, selon des chiffres officiels, de 44%, lors des dernières élections locales. Sources d'une grande inquiétude pour les partisans du troisième mandat de Bouteflika, l'abstention a constitué l'adversaire numéro un du candidat « indépendant ». Tous les moyens, financiers et médiatiques, ont été mis à sa disposition pour consolider son pouvoir lors d'une élection désertée, il faut bien le noter, par les partis de l'opposition et les personnalités de poids. On pensait, à tort d'ailleurs, que l'on pouvait compenser la crédibilité d'une élection plurielle, démocratique et libre par un raz-de-marée électoral. Tout a été échafaudé pour cette finalité. Résultat des courses, le président sortant s'est vu octroyer un score brejnévien, un taux de participation de 74,54% et, mieux, plus de 12 millions de voix, soit 90,24% des suffrages, que de larges pans de l'opposition contestent. Même ceux qui étaient dans la course, à l'instar de la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, parlent de « fraude massive ». La candidate du PT a fini par se rendre à l'évidence et dit à qui veut l'entendre que « le score obtenu par Bouteflika est digne des républiques bananières ». Aujourd'hui, hormis les partisans du président, le reste a de sérieux doutes sur la régularité du scrutin de jeudi dernier. Ce qui apporte de l'eau au moulin de l'opposition traditionnelle ou, à proprement parler, aux boycotteurs. Un scrutin à la régulière aurait pu être admis, même par les adversaires de Bouteflika. Ceux qui soutiennent, aujourd'hui, que les résultats du vote fragilisent plus ont raison. De l'avis des observateurs, « une élection désertée par l'opposition, parce que jouée d'avance, et dont la régularité est remise en cause par ceux-là mêmes qui ont tenté de lui donner du crédit en présentant leur candidature », met l'heureux élu en mauvaise posture. Finalement, le score à la soviétique le dessert davantage qu'il ne le sert. Souvenons-nous, lors de la campagne électorale, le candidat Bouteflika demandait aux Algériens de faire en sorte qu'il ne rougisse pas à l'étranger. C'était très important pour lui. Mais sa réélection, qui se trouve désormais au milieu de tirs croisés, pourrait constituer un handicap pour son action. L'autre point qui pourrait caractériser l'Algérie de l'après-9 avril, ce serait le réveil de l'opposition. Bien que plusieurs acteurs politiques ne se sont pas encore manifestés, on peut considérer, cependant, que la déclaration du leader du FFS, Hocine Aït Ahmed, qui appelait les démocrates « à mettre de côté leurs divergences pour construire une alternative pour le changement », qui a eu un bon écho du côté du RCD, est de bon augure. Il faut s'attendre aussi que le front social se réanime, surtout si les promesses du président ne sont pas tenues. L'avenir de l'échafaudage de Bouteflika ne tient pas qu'à cela uniquement, mais il sera aussi déterminé par les premiers signaux qu'il donnera sur la scène politique, même si personne n'est dupe ; la tendance vers plus de rétrécissement du champ politique et vers plus de fermeture du champ médiatique, donc des libertés, restera la même.