“Ouhda thalitha…” Troisième mandat. La phrase a fait, hier, son apparition en terres sétifiennes lors du deuxième jour de la visite d'inspection et de travail du président de la République dans la capitale des Hauts Plateaux. Remettant ainsi au goût du jour slogans de campagne et échéances politiques à très court terme. Loin des rumeurs algéroises sur l'état de santé de Abdelaziz Bouteflika et des discussions de salon sur une succession ouverte ou d'ores et déjà fermée, Béni Fouda et ses habitants, petite daïra de Sétif, ont préféré suivre l'animateur public et lancer l'appel pour une “ouhda thalitha”, un troisième mandat, une troisième mi-temps, alors que le chef de l'Etat y faisait une halte pour le lancement de la campagne 2006-2007 “moisson-battage”. Après des mois de spéculations, la chose a de quoi étonner. Prenant à contrepied l'habituel baromètre où chacun cherche à déchiffrer dans chaque apparition présidentielle, depuis novembre 2005, les signes d'un sujet tabou, les jeunes ont préféré laisser courir, en écho, le slogan et en lancer d'autres biens connus. “1, 2, 3, Viva l'Algérie… Bouteflika, El-Djeich, Echaâb… Bouteflika, Allah Akbar…” Pour autant, la phrase n'avait pas été prononcée lors des dernières sorties présidentielles à Annaba, Chlef ou Blida. Hasard, coïncidence ou zèle de comités de soutien ? On ne l'avait peut-être plus entendu depuis la campagne présidentielle de 2004 ou celle pour le référendum de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Et elle n'étonnera personne, du moins pas chez les membres de la délégation qui accompagne depuis deux jours Abdelaziz Bouteflika à Sétif. “C'est normal…”, diront plus d'un. Ou encore, “qui d'autres en 2009 ?” Certains estiment même que “la campagne est lancée” déjà. Le slogan sera scandé à maintes reprises durant les différentes étapes du 2e jour du périple présidentiel expliquant peut-être l'urgence d'une révision constitutionnelle que le Chef du gouvernement annonce pour très bientôt. Un troisième mandat de Abdelaziz Bouteflika étant conditionné, entre autres, par la levée de la disposition constitutionnelle fixant le nombre de mandats présidentiels à deux. La révision de la loi fondamentale n'est certes pas, elle, un sujet tabou, on l'évoque allègrement depuis avril 2004. Il est toutefois pour l'instant difficile d'en cerner les contours dans le détail. Si pour certains, la modification de la Constitution n'est pas encore à l'ordre du jour, trop de facteurs intervenant à ce sujet, d'autres la jugent incessante et reprendront les bruits qui courent actuellement dans la capitale. Ceux qui abordent le sujet n'y vont d'ailleurs pas par quatre chemins pour minimiser l'importance d'une révision de la Constitution. “Et puis ce sont juste quelques modifications, quelques articles qui ne nécessitent pas un référendum populaire”, avance-t-on. Une chose est, semble-t-il, assurée. Celle de la levée du nombre restreint de mandats présidentiels pour le ramener à trois ou le laisser “ouvert” sans “aucune restriction”. Avec une option supplémentaire, la prolongation peut-être de 5 à 7 ans. “La révision vise à instaurer un véritable régime présidentiel, avec un poste de vice-président et à supprimer la fonction de Chef du gouvernement pour le remplacer par un Premier ministre qui ne présenterait plus le programme du gouvernement à l'APN, mais exécuterait celui du Président”, tentera d'expliquer un ministre. La nuance étant que l'Exécutif applique actuellement dans les faits le programme du Président. Un autre dira que le poste de vice-président n'est pas une condition sine qua non à la révision, il s'agit plutôt, selon lui, de “clarifier la répartition des pouvoirs” et de définir le régime politique algérien jugé, semble-t-il, ambigu. “Il n'y aura pas forcément de poste de vice-président, ce n'est pas le but. Il s'agit plutôt d'instaurer un régime présidentiel. à l'américaine peut-être”, dira-t-il. Pour autant, nul ne se prononce sur la configuration des pouvoirs futurs entre le Président et le Parlement. L'avenir du Conseil de la nation n'est apparemment pas en jeu. Il est toutefois difficile de comprendre les mécanismes de contrôle. Ceux qui se prononcent sur le sujet sont catégoriques. Le texte n'est pas en circulation même si les spéculations sur sa teneur exacte vont bon train. “Seul le Président et son entourage immédiat ont actuellement le texte. Il ne s'agit pas de l'œuvre d'un parti ou d'un autre. Les modifications proposées seront présentées en temps utile”, affirme-t-on. On avance comme date probable à une révision “parlementaire” de la Constitution le mois de juillet prochain. “Le Président peut réunir les deux Chambres du Parlement comme il l'a fait pour l'amendement concernant l'officialisation de tamazight. Cela interviendra probablement courant juillet”, expliquera un membre de la délégation. Sachant que Abdelaziz Bouteflika est en tant que président de la République le seul en mesure de par ses prérogatives à réunir les deux Chambres du Parlement. Le cas échéant, seul un référendum populaire pourrait modifier la loi fondamentale. Le chef de l'Etat, lui, n'a plus abordé ce sujet depuis quelque temps déjà. Et il faudrait peut-être attendre qu'il se prononce pour connaître la réalité de la chose. S. S.