Je pense aussi bien que l'organisation des élections, le choix des candidats, la gestion de la campagne électorale et l'organisation du vote ont confirmé les appréhensions de tous ceux qui craignaient que ce ne serait que du faire semblant pour maintenir en place un système de gouvernance défaillant. » L'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, le premier à avoir claqué la porte au président Bouteflika, ne mâche pas ses mots en parlant de l'élection présidentielle qui s'est déroulée jeudi dernier. Dans une déclaration faite hier à El Watan, l'ancien responsable de l'Exécutif considère que « ces élections se sont déroulées dans un contexte de gouvernance qui allie l'autoritarisme dans l'exercice du pouvoir et la prédation dans l'allocation de la rente ». Autrement dit, précise-t-il, « fermeture de tous les canaux d'expression pour tous ceux qui appellent à une alternance au pouvoir, d'un côté, et dilapidation de fonds publics dans une campagne sans compétition, sans enjeu, si ce n'est l'enjeu de la perpétuation de la mauvaise gouvernance, de l'autre ». Ahmed Benbitour affirme que « la campagne a aussi été autour de promesses difficilement réalisables dans un futur proche ». Il s'interroge, en effet : « Comment un pouvoir caractérisé par une défaillance pendant dix ans alors qu'il bénéficiait d'une situation économique favorable au niveau mondial et d'une aisance financière confortable au niveau interne compte-t-il réaliser un miracle en cinq ans dans un contexte de crise économique mondiale de baisse des recettes fiscales et pétrolières ? » Plus que jamais, pense-t-il, « aujourd'hui, nous nous trouvons devant des défis énormes qui ne peuvent être résolus que par la responsabilisation de chacun individuellement et de tous collectivement ». L'ancien chef du gouvernement parle du rassemblement du camp démocratique. « Je soutiens avec force l'initiative et j'appelle au rassemblement de toutes les forces qui croient en une autre Algérie possible. Celle du progrès et de la prospérité pour aujourd'hui et pour demain », lance-t-il convaincu qu'« il y a un bienfait que nous pouvons dégager de cette régression du système de gouvernance en place ». Il s'agit, seulement, selon lui, de « mettre en évidence la nécessité d'un rassemblement pour le changement et l'éloignement de tout ce qui a caractérisé le système politique de l'indépendance à aujourd'hui ». Le projet l'intéresse et il s'engage clairement : « Je me mets à la disposition de tous ceux qui appellent à un rassemblement. » Quelles seront ses chances de réussite ? Ahmed Benbitour soutient que « la probabilité d'un échec d'un tel rassemblement viendrait plus d'une absence de volonté réelle de se départir d'une partie de ses prétentions politiques au profit d'une action collective que de la capacité du système en place à organiser une résistance au changement ». En réalité, ajoutera-t-il, « la transition vers un nouveau système de gouvernance devrait s'imposer assez rapidement, elle s'inscrit dans l'évolution du monde et de l'Algérie et dans l'accélération du changement à travers la planète ». Selon lui, « toute la question est de savoir si on est capable de prévenir ce changement et de le préparer ou de le subir dans un cycle de violences qui n'épargnera personne ». Pour l'ancien responsable de l'Exécutif, il y a, en fait, des scénarios pour l'Algérie de l'après-avril 2009 : « Le premier est celui d'une économie débarrassée de la rente pétrolière s'appuyant sur des revenus stables générée par ses compétences mobilisées dans le pays ou à l'étranger et qui aura réussi un intégration à une économie mondiale globalisée. L'autre scénario serait celui de la tendance actuelle. C'est-à-dire sans changement, à savoir une économie construite sur la rente avec de moins en moins de pétrole à exporter, un pays totalement marginalisé au niveau mondial ». « Une situation paradoxale, dit-il, car le pays dispose de potentialités énormes pour s'en sortir ». « Et nous ne réussirons, poursuit-il, à sortir de ce paradoxe que par l'adoption d'un système de gouvernance de qualité ». Et d'expliquer que « cette vision propose de mobiliser, à travers des instruments adéquats pour faire face aux défis et prendre en charge enfin les attentes des Algériens, entre autres pouvoir se projeter dans l'avenir avec une population remise en confiance (…) reconstituer la classe moyenne pour garantir un niveau de sécurité matérielle décent et un Etat de droit décidé à intervenir efficacement comme régulateur de la vie économique et sociale, disposant d'une justice égale pour tous et d'une administration réelle au service des citoyens ». Ahmed Benbitour, qui affirme qu'il est de son devoir d'œuvrer pour le changement et de faciliter la transition qui devra de toutes les façons intervenir, souligne que « tous les gens conscients de cette évolution nécessaire et salutaire vers le changement le comprennent une fois pour toutes, le pays ne peut plus se permettre cette descente aux enfers en victime fataliste ».