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Est-ce possible sous nos climats ?
Publié dans El Watan le 31 - 03 - 2007

Les différents bilans, établis en la matière par les institutions concernées, font apparaître que des sommes colossales ont été injectées durant la première phase (2001/2006). Leurs impacts et résultats sont divers et diversement appréciés. Cette contribution est une approche citoyenne, limitée à des questions d'autosuffisance alimentaire, dont le lait entre autres.
– I. Des chiffres
«On pénètre mieux l'âme d'une exploitation agricole, par l'observation pratique de terrain, que par des normes théorisées. Les deux, bien agencées, c'est le parfait.» Sans les aligner en détail, jusqu'à les faire parler, ou qu'ils se taisent (1), les principaux chiffres font ressortir, à ce jour, que des centaines de mille d'exploitations agricoles ont été créées et mises à niveau. Idem pour l'emploi agro-rural.
Plus d'un million d'hectares sont mis en valeur et protégés de la désertification dans les Hauts-Plateaux steppiques et sahariens. Les productions agricoles en général, dont le lait, ont sensiblement augmenté. La superficie agricole utilisable (SAU) s'est élargie. Celle irriguée se chiffre à des milliers d'hectares, par le biais de forages et de petits barrages.
Des dizaines de «bassins laitiers» partout, jusqu'à l'extrême sud du pays, paraît-il. Des centaines de milliers d'unités d'habitat rural construites, pour une population rurale, oscillante au gré des humeurs des statistiques locales, entre 12 à 18 millions d'âmes. Des milliers de kilomètres de voie d'accès et d'électrification, en milieu rural enclavé ; le tout, par des actions pluridisciplinaires de développement rural intégré, initiées avec les ruraux, etc.
Le taux de croissance de l'agriculture, jugé satisfaisant, vient juste derrière celui du secteur des services. Et son horizon 2012 sera conforté par une autosuffisance alimentaire.
Le directeur de la FAO, lui-même, l'a annoncée après sa dernière visite en Algérie, à Djelfa spécialement, région du mouton par excellence et du barrage vert.
– II. Des observations
«Une agriculture, par actions participatives, doit être basée sur la dynamique des viviers locaux avant tout soutien financier.» Beaucoup de nouveaux paysages agricoles sont là, devant nous. Ils existent bel et bien.
Mais cette aquarelle, ainsi affichée, ne manque-t-elle pas d'une critique pour qu'elle soit mieux corrigée et enrichie ? Si, bien sûr, diront ses auteurs. En ce qui nous concerne, nous relevons peu de blanc, un grain d'or mitadiné (rabougri) et rien de consistant dans l'ensemble.
– 2.1. Le blanc ou laitages(2)
En vérité, on a mis la charrue après le bœuf. En effet, on a lancé des dizaines de laiteries, sans de véritables assises d'élevage performant, en production laitière. Toutes transforment du blanc poudré issu de l'importation, ainsi mieux stockable et «moins cher», mais plus maintenant. En plus, il y a des grosses unités étrangères qui commencent à s'installer.
Elles peuvent même rafler la mise. Ce niveau ainsi dévoilé, notre blanc (lait) va faire souvent appel à notre noir (le pétrole). «Vache ou pas vache.» Politique oblige.
Du moment où on est arrivé à ce point, il serait judicieux, à notre sens, d'importer plus de lait en poudre déjà manufacturé en paquets modulés, le soutenir efficacement, jusqu'au consommateur qui «l'hydrolysera» lui-même, au lieu de cet imbroglio agro-industriel, dont les tenants et aboutissements sont de moins en moins maîtrisables.
Des laiteries sont en train de fermer boutiques. Pour assainir cette situation, on compte instaurer un office, à l'image de celui des céréales pour réguler l'importation de la poudre de lait. Quelle idée céréalière ! Facile. En 1965, à Médéa, on a eu le privilège de consulter des «archives poussiéreuses» établi par un groupe d'ingénieurs principaux et de vétérinaires en chef.
Ce travail porte sur un projet de création de véritables bassins laitiers, intégrés dans 8 régions du pays : Bel Abbès, Ghriss et Miliana à l'ouest, Beni Slimane et la plaine des Aribs (Aïn Bessem) au centre, Soummam, El Eulma et Guelma-Souk Ahras, à l'est. Ces régions se situent dans l'isohyète de plus de 500 mm/an. Des possibilités d'eaux souterraines avérées, des sols légers, propices aux luzernières, tubercules fourragers et autres pâturages naturels.
Des espèces bovines bien adaptées à ces milieux (tarentaise, frisonne, montbéliarde et autres variétés locales beurrières, aujourd'hui disparues). Le tout, en paramètres figuratifs y compris des approches du mode d'accès à l'exploitation des terres et de financements, en forme de coopératives (ex-Caper entre autres). Celui de Médéa, étant plus détaillé, il comporte même l'extension viti-vinicole et agrumicole, au profit de certains colons de la Mitidja, dont les sols sont devenus lourds, sur un tiers de la superficie totale, qui dépasse les 250 000 ha.
Ce projet datait de 1953. On parlait déjà d'une 2e Mitidja d'arrière-littoral algérois. Au total des 8 bassins, la superficie visée à être mise en exploitation culmine les 800 000 ha, en irriguée, semi-irriguée et en sec.
Une surface jugée suffisante pour affourager plus de 220 000 têtes, soit une production laitière estimée à 3 000 000 l/j en moyenne, pour une population globale de moins 10 millions d'habitants, soit un grand verre de lait/jour/personne. Il est utile de savoir qu'à cette période et même après, la plupart des ménages algériens buvaient du «blanc» (leben notamment) comme de l'eau. Et ce n'est pas exagéré de le formuler ainsi. Parmi la panoplie de plans de développement agricole, lancés depuis l'indépendance, aucun n'a pris le taureau par les cornes des deux mains, avec en plus, un esprit fort et imaginatif. Bien que ce ne soit pas ma spécialité et retraité depuis bientôt 10 ans, j'étais un moment ou un autre, certes, responsable ; mais ceci ne nous empêche pas de déplorer les euphories entêtées et toutes ces improvisations liées aux conjonctures, jamais osées auparavant dans notre système rentier. Il faut reconnaître et accepter les évidences. En noir et blanc.
De toutes les façons, ce n'est pas la fin des vaches et de leurs bassins laitiers. Notre beau pays en possède de véritables encore disponibles. 2012, c'est juste le temps qu'il faut, pour confirmer les dires de la FAO. (A suivre)
– Notes de renvoi :
– 1) Le sens de l'humour est une culture des peuples gais et intelligents. Plus bénéfique que les humeurs autoritaires. Ce sens de sagacité populaire, sincère et de bonne trempe, est souvent édifiant et constructif.
– 2) le lait et le petit lait sont qualifiés de blanc (se nourrir de biadh, dit-on chez nous). Dans les année 1960, dans toutes les grandes villes d'Algérie, il y avait autant de crémeries que de restaurants. En été, on allait manger et se désaltérer à 1,20 DA par service. Petit beurre y compris. Naturel.
L'auteur est ingérnieur agronome à la retraite


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