Les Etats-Unis ont adopté une démarche spécifique pour l'application du ratio de Bâle. Ils ont choisi de ne l'appliquer qu'aux banques ayant une activité internationale, comme l'avait conçu le Comité de Bâle. Sur le plan interne, ils ont élaboré une méthode intermédiaire – Bâle 1A – qui a des exigences moindres, puisqu'elle ne comporte pas la dimension du risque opérationnel. L'entrée en vigueur aura lieu au plus tôt en 2009, voire en 2010-2011. Dans les pays du Maghreb, la Tunisie et le Maroc qui ont entamé le processus de préparation depuis quelques années appliqueront courant 2007, la nouvelle réglementation issue de Bâle 2, c'est ce qui est ressorti des communications présentées lors de la tenue d'un séminaire organisé à Tunis par l'Union des banques maghrébines au mois de Mars 2007. . La mise en place du nouveau ratio constitue un chantier considérable dans la mesure ou la validation par les autorités de supervision des systèmes de mesure interne des risques prend beaucoup de temps. L'accord de Bâle 2 qui remplace le ratio Cooke entré en vigueur en 1988 doit permettre une meilleure adéquation du niveau des fonds propres avec les risques réellement assumés par les banques. Il conserve le même objectif de renforcer la solidité et la stabilité du système bancaire international. Le développement de certaines techniques financières, la sophistication des pratiques développées par les banques pour mesurer les risques rendaient nécessaire la mise en place d'un nouveau dispositif, plus adapté au contexte des marchés internationaux. En réalité, Tout comme en 1988 , Il s'est agi de corriger les distorsions de concurrence apparues entre les grandes banques des Etat Unis, du Japon et de l'Europe. En 2000, d'autres considérations liées au développement, à la sophistication des marchés de capitaux et les dommages collatéraux de la crise asiatique ont conduit les pays du G1O à proposer une nouvelle instrumentation prudentielle pour faire face encore une fois aux crises et distorsions des années quatre vingt dix. Aussi bien Bâle 1 que Bâle 2 ne sont en fait que des compromis entre grands. Quoiqu'il en soit et pour rester au niveau des apparences, il convient de rappeler qu'officiellement, la réforme de Bâle 1 vise : – une mesure plus fine des risques, la prise en compte de l'ensemble des risques auxquels les banques peuvent être exposées et l'incitation à adopter des systèmes de gestion les plus sophistiqués ; – le renforcement de la surveillance prudentielle ; – une plus grande transparence financière. Entre autres avantages, le nouveau ratio raccorde le capital réglementaire au capital économique. Dans cet ordre d'idées, il convient e rappeler que le rapprochement entre ces deux notions se justifie par le fait que les banques qui avaient mis en place leurs propres moyens d'évaluation des risques avaient constaté un écart entre leurs estimations de fonds propres pour couvrir le risque réel de leurs opérations de crédit et les exigences réglementaires telles qu'elles découlaient du ratio Cooke. – 1- La structure du ratio Avant de voir en détail la structure de ce ratio, il nous paraît utile de revenir sur certaines notions et principalement la notion de fonds propres autour de laquelle est construit ce ratio. Pour ce faire, nous partons du bilan simplifié d'une entreprise pour arriver ensuite à celui d'une banque afin de montrer l'importance de la notion de fonds propres. Le bilan se décompose schématiquement en actif et passif. A l'actif, figure tout ce que l'entreprise a réalisé grâce aux financements apportés, en d'autres termes tout ce qu'elle possède : Les investissements (terrains, bâtiments, machines..), Les stocks et les créances. Au passif, figurent les sources de financement, c'est-à-dire les capitaux (capital social, réserves… ) et les dettes à plus ou moins long terme . Le bilan est toujours présenté avec un total Actif = total Passif. Les capitaux propres sont conventionnellement compris comme l'ensemble des ressources ” assumant le risque” de l'entreprise, c'est-à-dire celles qui ne seront en principe remboursées qu'avec la liquidation de l'entité (fonds propres), ou celles qui ne doivent être remboursées qu'à très longue échéance (quasi-fonds propres). L'actif net est quant à lui égal à l'ensemble des avoirs de l'entreprise diminué de l'ensemble de ses engagements réels ou potentiels : Actif net = Actif immobilisé + Actif circulant et financier – ensemble des dettes La solvabilité d'une entreprise se mesure par sa capacité à rembourser l'intégralité de ses engagements en cas de liquidation totale. Elle dépend donc de la qualité de ses actifs, et plus particulièrement de la rapidité ou de la facilité avec laquelle ceux-ci peuvent être liquidés, et du montant de ses engagements (dettes) Comme l'actif est égal au passif, on peut écrire la relation suivante : Capitaux propres + Dettes = Actif immobilisé + Actif circulant et financier , ce qui revient à dire : Capitaux propres = Actif net Ainsi, la solvabilité, qui correspond au rapport Dettes / Actif net, peut également s'apprécier par le rapport Dettes / Capitaux propres. Si on transpose maintenant cet exercice au niveau d'une banque, on peut dire alors pour simplifier que les dettes sont essentiellement constituées des dépôts à vue et des dépôts à terme. Les actifs financiers quant à eux sont constitués des concours accordés. Dans la situation d'une banque, la solvabilité s'apprécie à travers sa capacité à faire face aux demandes de retrait de ses déposants. Les banques sont ainsi tenues impérativement de faire face à leurs obligations. Il y va en effet de la stabilité de l'économie tout entière d'un pays. Pour pouvoir distribuer davantage de crédit, la banque doit soit collecter davantage de dépôts, au risque de ne pas pouvoir rembourser ceux-ci, soit renforcer ses capitaux propres. Or une entreprise se trouve davantage en sécurité si une partie de son actif circulant n'est pas financée par des ressources qui viendront à échéance dans l'année. L'actif présente toujours un caractère aléatoire et donc risqué (en particulier quand il est constitué essentiellement de créances qui ne sont pas liquides comme pour les banques!), alors que les dettes, elles, sont inévitables, c'est-à-dire restituables obligatoirement! C'est pourquoi pour les banques, une partie de l'actif doit être financé non pas par des dettes mais par du capital. Et c'est là, ou l'on voit l'importance des fonds propres pour les banques. Ces fonds propres sont donc garants de la solvabilité de la banque face aux pertes que les risques pris à l'actif (c'est-à-dire en cas de non remboursement des crédits octroyés) sont susceptibles d'engendrer. Pour toutes ces raisons, le ratio de solvabilité, dans le cas des banques, s'exprimait initialement (ratio Cooke) par le rapport du montant des fonds propres au montant des crédits distribués, ceux-ci étant pondérés par leur caractère plus ou moins risqué. Dans sa nouvelle version, le ratio prend en compte d'autres catégories de risque que le risque de crédit, à savoir le risque de marché et le risque opérationnel et s'exprime de la façon suivante : – 2- Définition des fonds propres réglementaires Le dispositif intègre dans les fonds propres les éléments suivants du bilan(ne sont énumérés que les éléments les plus significatifs. – 2.1 Fonds propres : Ils sont constitués par : Le capital social et assimilé (actions ordinaires, actions à dividendes prioritaires, certificats d'investissements, et actions de préférences perpétuelles à dividende non cumulatif), les primes d'émission ou de fusion, le résultat non distribué de l'exercice (y compris intermédiaire), les fonds pour risques bancaires généraux. – Eléments à déduire – La fraction non libérée du capital, les actions propres détenues (à leur valeur comptable) – Le report à nouveau débiteur, les frais d'établissement, les immobilisations incorporelles hors droit au bail, – Les fonds propres complémentaires (ou ” Tier 2 “) On distingue, à l'intérieur de cette catégorie, les fonds propres complémentaires de premier niveau ou ” upper tier 2 ” et les fonds propres complémentaires de deuxième niveau ou ” lower tier 2 “. – Fonds propres complémentaire de premier niveau (Upper tier 2) Ces fonds propres sont constitués des éléments suivants : – Les réserves et écarts de réévaluation, les plus values latentes sur titres de placement après décote, Les provisions générales, les fonds de garantie intégralement mutualisés, les fonds de garantie à caractère mutuel ou public , – Les titres hybrides vérifiant certaines conditions :subordination en capital et intérêt, durée indéterminée, remboursable par anticipation sur initiative de l'émetteur et après accord de la commission bancaire , paiement des intérêts différable en cas de pertes, disponibilités pour couvrir les pertes éventuelles, sans cessation de l'activité. Cette catégorie comprend les titres participatifs, les titres subordonnés à durée indéterminée, les titres subordonnés à intérêts progressifs, les Capital notes, les actions de préférences cumulatives hors échéance fixe, les obligations subordonnées convertibles ou remboursables uniquement en actions. – Fonds propres complémentaires de deuxième niveau (Lower tier 2) Ce sont les autres instruments de dette subordonnée à terme, dont la durée initiale est supérieure à 5 ans ou remboursables avec un délai de 5 ans. Cette catégorie comprend notamment les actions de préférence cumulative à échéance fixe, les obligations subordonnées convertibles en action ou en espèces, les titres subordonnés à durée indéterminée synthétiques. – Les fonds propres sur complémentaires (Tier 3) – La part décotée des dettes subordonnées à terme non incluse dans les fonds propres complémentaires de deuxième niveau, – Les bénéfices intermédiaires tirés du portefeuille de négociation, – Les fonds propres sur complémentaires proprement dit constitués des instruments de dette subordonnées à terme ayant une durée initiale d'au moins deux ans, sous certaines conditions dont : Le remboursement par anticipation après accord de la commission bancaire. Dans la directive européenne, les fonds propres de base doivent représenter au minimum 50% du total des fonds propres requis pour couvrir le risque de crédit de l'établissement, le reste ne pouvant être assuré que par des fonds propres complémentaires et sur complémentaires. 3 – Les risques pris au dénominateur du ratio – 3.1 Mesure du risque de crédit Le risque de crédit est le risque qu'un débiteur fasse défaut ou que sa situation économique se dégrade au point de déprécier la créance que l'établissement détient sur lui. Pour mesurer le risque de crédit, il convient de pondérer le montant total de la créance, c'est à dire l'encours, par la qualité du débiteur. Le comité de Bâle définit donc plusieurs catégories d'expositions au risque de crédit, avec pour chaque catégorie une pondération à appliquer à l'encours prêté. Cette pondération va de 0% pour les Etats souverains, ce qui revient à dire qu'on considère que les créances sur les Etats souverains sont sans risque, à 150% pour les contreparties les moins bien notées. En effet dans l'approche standard , les pondérations à appliquer dépendent des notes attribuées à la contrepartie par les agences de notation (Moody's, Standard & Poors…). – 3.2 Mesure du risque de marché Le risque de marché est le risque de perte ou de dévaluation sur les positions prises suite à des variations des prix (cours, taux) sur le marché. Ce risque s'applique aux instruments suivants : produits de taux (obligations, dérivés de taux), actions, change, matières premières. Le risque sur produits de taux et actions se mesure sur la base du ” portefeuille de négociation “, c'est-à-dire des positions détenues par la banque pour son propre compte dans un objectif de gain à court terme, par opposition aux activités ” normales ” de financement et d'investissement. Par contre le capital requis pour la couverture des positions en change et matières premières s'applique sur la totalité de ces positions. Chaque catégorie d'instrument nécessite une méthode de calcul différente, qui consiste toujours à évaluer d'abord une position, puis à calculer le capital requis en appliquant une pondération de 0 à 8% sur cette position. – 3.3 Mesure du risque opérationnel Le risque opérationnel est le risque de perte liée à des processus opérationnels, des personnes ou des systèmes inadéquats ou défaillants ou à des événements externes. Dans l'approche standard, l'activité des banques est répartie entre plusieurs domaines ou ” lignes métiers ” . A chaque ligne métier , les autorités de régulation attribueront un facteur de pondération sur le revenu brut ” moyen ” censé refléter le risque opérationnel objectif encouru par chaque activité. 4 -Calcul du ratio final Pour préserver la cohérence du calcul, les montants de fonds propres requis au titre du risque de marché et du risque opérationnel doivent être multipliés par 12.5 (l'inverse de 8% !) avant des les incorporer au calcul final. Risque de crédit = Actifs pondérés en fonction de leur risque ; Risque de marché = Capital requis pour la couverture du risque de marché x 12.5 ; Risque opérationnel = Capital requis pour la couverture du risque opérationnel x 12.5 Ratio. 5 -Les multiples approches du calcul des risques Pour chaque catégorie de risque (risque de crédit, risque de marché, risque opérationnel), les banques ont le choix entre l'approche standard ( c'est cette approche qui a été adoptée par les banques françaises, marocaines et tunisiennes) ou d'utiliser des méthodes plus élaborées basées sur leurs propres données et procédures ( prévue pour 2008 dans la plupart des pays du G10). Pour le risque de crédit, il existe 3 approches possibles : l'approche standard, l'approche IRB (Internal Ratings Based) fondation ou l'approche IRB avancée. Dans l'approche standard, la fiabilité des contreparties est mesurée par les notes allouées par les agences de notation ( ce qui suppose une cotation des entreprises) . Dans les approches IRB, c'est le propre système interne de notation de la banque qui peut être utilisé. Les banques sont encouragées à avoir leur propre système interne de notation car l'exigence en fonds propres est diminuée en cas d'utilisation de celui-ci. Pour le risque de marché l'utilisation d'une méthode interne est également possible Pour le risque opérationnel, 3 méthodes sont utilisables : l'approche ” indicateur de base “, fondée unique sur le produit net bancaire de l'établissement, l'approche standard et l'approche mesures avancées basée sur les données historiques ( statistiques) de l'établissement. Pour chaque catégorie de risque l'utilisation d'une méthode avancée est encouragée mais soumise à l'autorisation des autorités de régulation. Et surtout, il n'est pas possible pour un établissement qui a choisi une méthode avancée de revenir en arrière à la méthode standard… 6- Les 3 piliers du nouvel accord de Bâle Au-delà de l'approche ” mécanique ” du calcul des fonds propres, le comité de Bâle a souhaité définir plus précisément les conditions de fonctionnement adéquates du marché bancaire. C'est pourquoi le nouvel accord de Bâle repose en fait sur 3 ” piliers ” : – une exigence minimale en fonds propres rénovée : c'est le calcul du ratio proprement dit : la logique reste la même, c'est-à-dire un rapport entre des fonds propres et un encours de risques. L'appréciation des risques de crédit est cependant profondément modifiée, notamment par une plus grande sophistication et une plus grande reconnaissance des techniques de réduction des risques. En complément des risques déjà couverts (crédit et marché), on voit apparaître une troisième catégorie : le risque opérationnel. – Le processus de surveillance prudentielle renforce le pouvoir des autorités de régulation et leur donne latitude entre autres de majorer les exigences capital réglementaires en cas de nécessité. La discipline de marché décrit l'ensemble des documents que les banques doivent rendre publics afin de se conformer à la réglementation. Ces documents concernent principalement le calcul des fonds propres et l'exposition aux risques de l'établissement. L'utilisation de méthodes avancées sera conditionnée par la publication de ces informations.