En 2010, le ministère de l'Enseignement supérieur envisage d'atteindre le chiffre d'un million d'étudiants. Un million d'esprits constituant ou supposant constituer la base de l'intelligentsia du pays. Alors, quelle place occupe, aujourd'hui, la littérature dans l'université algérienne? Et quelles sont ses perspectives? Souvent, les conférences données par les enseignants, l'interaction avec les étudiants, les débats et les tables rondes organisés occasionnellement par certaines facultés de lettres ont, bel et bien, contribué à enrichir la littérature, introduisant de nouveaux concepts appliqués ailleurs, surtout dans le domaine de la critique littéraire et de la didactique. Par ailleurs, grâce au remarquable développement des nouvelles technologies, l'enseignant universitaire algérien peut aisément se documenter, avoir accès aux archives de certaines institutions étrangères spécialisées pour mettre à la disposition de l'étudiant une matière riche et des informations fraîches. Concernant la recherche méthodologique dans la littérature, on peut affirmer que l'université est, aujourd'hui, la seule institution en Algérie qui fournit des études et des critiques littéraires basées sur les critères de la recherche objective. Or, en dépit de ces atouts, plusieurs obstacles viennent s'opposer à la diffusion et à la recherche en matière de littérature à l'université algérienne. Primo : l'obstacle linguistique. Aujourd'hui, la faculté linguistique chez l'étudiant algérien pose maintes questions. A vrai dire, il se retrouve dans l'impasse, comme privé de sa propre identité. Il communique en plusieurs langues mais n'en maîtrise aucune. C'est un étudiant qui n'est pas vraiment arabophone, ni francophone, ni amazighophone. Un professeur à l'université de Tizi Ouzou, commentant cet aspect linguistique de l'étudiant algérien, dit en ironisant, mais le cœur gros : «C'est un étudiant zérolingue.» Cette barrière linguistique a considérablement limité le champ de recherche de l'étudiant et son aptitude à saisir de nouvelles connaissances qui exigent une richesse linguistique dans le nombre de langues et leur niveau de maîtrise. A la suite de la rupture qu'on remarque entre l'école fondamentale, qui impose un enseignement en une seule langue, l'arabe, et l'université, qui encourage le bilinguisme — surtout avec des enseignants dont la plupart sont encadrés à l'étranger — l'étudiant algérien se retrouve incapable de s'exprimer ni avec sa langue maternelle ni avec une langue secondaire. Secundo : le lectorat, dans l'université algérienne, est en nette diminution. L'actuel aspect linguistique de l'étudiant algérien a entraîné un autre inconvénient qui se représente dans la sous-estimation du livre et de la lecture. L'étudiant algérien d'aujourd'hui ne lit pas beaucoup — pour ne pas dire guère. Il y a deux mois, un sondage, mené au niveau de la bibliothèque centrale de l'université de M'sila, a montré que la majorité des étudiants ne s'intéressent qu'aux ouvrages qui touchent directement et explicitement leurs filières et, dans ceux-là, ceux qui répondent à des travaux ou examens. Ils ne cherchent pas à se cultiver, se contentant d'une lecture fonctionnelle ou utilitaire. Il y a des romans, des récits, des recueils de poésie et des essais qui, durant toute l'année universitaire, n'ont jamais été demandés. Il existe même des étudiants qui, poursuivant un cursus littéraire, n'ont jamais lu un roman en entier ! «On lit beaucoup pour écrire peu», dit-on. Alors, quand on ne lit pas, que peut-on écrire ? L'écriture, comme tout le monde le sait, demeure un élément indispensable dans tout échange ou acte de communication. Face à ce bref et décourageant constat sur la place actuelle de la littérature dans l'université algérienne, il est indispensable de concevoir une véritable démarche pour sensibiliser tous les acteurs de cette institution (administrateurs, enseignants et étudiants), sur l'importance vitale de la lecture, en général, et de la littérature et ses rapports à l'université.