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Abdelmadjid Sillini. Président de l'Union des barreaux d'Algérie
Publié dans El Watan le 21 - 06 - 2007

– La contestation entre déjà dans sa troisième semaine, du moins pour les avocats du barreau d'Alger. Quels sont les motifs de cette colère et quel bilan faites-vous des actions engagées ?
– Comme l'affirment tous mes confrères au niveau national, les droits des avocats rétrécissent comme une peau de chagrin et la situation va de mal en pis. C'est le ras-le-bol général.
Aucun avocat ne peut prétendre aujourd'hui le contraire.
La démarche actuelle de la chancellerie est l'exclusion de la corporation du secteur de la justice. La preuve la plus flagrante est la modification du plan de la nouvelle cour d'Alger pour supprimer les espaces prévus pour le barreau, en l'occurrence des bureaux, une salle de conférence et une bibliothèque, et qui sont nécessaires pour l'exercice de la profession. La défense fait partie de la justice et ne peut être à ce titre écartée.
– Certains de vos confrères estiment que les problèmes que rencontre la profession dépassent de loin les histoires de parking et de bureaux. Qu'en pensez-vous ?
– Je suis entièrement d'accord avec eux. Le mal est beaucoup plus profond.
J'estime que l'avocat ne peut plus assumer sa mission dans les conditions actuelles. Il est carrément privé de son droit de plaider…
– Comment ?
– A travers le fait que l'on oblige les juges à ne pas dépasser trois audiences. Ce qui se fait au détriment de la défense, laquelle se retrouve empêchée de plaider. Le juge doit être un arbitre dans un procès et doit contribuer pour préserver l'équilibre dans le débat. Or l'approche actuelle viole ce principe. On veut donner l'impression qu'il n'y a plus de retard dans le jugement des affaires. Mais la réalité est tout autre. Plus de 80% des jugements et arrêts sont rendus par défaut, c'est-à-dire en l'absence des parties. La justice de célérité est rendue au détriment des justiciables. Les magistrats n'ont pas suffisamment de temps pour juger sérieusement une affaire. Ils obéissent à des instructions et par conséquent, ils n'assument pas leur mission d'arbitrage dans un procès.Je peux vous dire sans me tromper que 90% des avocats sont empêchés de plaider convenablement. Les codes de procédures sont quotidiennement violés. De ce fait, les barreaux ne peuvent peuvent cautionner une telle démarche qui est l'antinomie même d'un procès équitable. Il faut revenir au respect des parties et garantir l'équilibre dans un jugement.
– Est-ce que les actions menées jusqu'ici ont abouti à un résultat ?
– Elles ont abouti au moins à l'ouverture d'un dialogue avec la chancellerie.
Nos interlocuteurs ont compris qu'ils ne peuvent continuer à fonctionner en excluant une partie importante dans la justice. Nos actions nous ont permis de pousser à l'ouverture du dialogue avec la chancellerie, laquelle s'est engagée à prendre en charge les revendications. Ce qui a permis de renvoyer la réunion extraordinaire du conseil national pour aujourd'hui et demain.
– Pourquoi, selon vous, certains bâtonniers se sont démarqués de vos actions, dont ceux de Constantine et de Batna ?
– Je ne peux commenter leur décision. Mais je tiens à préciser que notre réunion d'hier a regroupé les 13 bâtonniers des barreaux composant l'union nationale. Ce qui veut-dire que finalement, ils se sont tous inscrits dans la démarche et ne peuvent être à contre-courant de la plateforme de revendications remise au mois de février dernier au ministre de la Justice et dont le contenu n'a pas changé. Il s'agit, entre autres, de faire cesser rapidement les poursuites engagées contre les avocats dans le cadre de l'exercice de leur profession, juste parce que la corporation ne veut pas céder au sujet du projet de statut des avocats. Certains cercles de la chancellerie, qui voient les avocats comme des ennemis des magistrats, veulent un texte selon leur vision.
Ils veulent, et pour ne citer que cet exemple, changer la composante de la chambre mixte (quatre avocats et trois magistrats) pour que les magistrats soient plus nombreux. Cette chambre, qui est une voie de recours pour les confrères traduits devant le conseil de discipline, a été qualifiée de modèle par la commission des droits de l'homme européenne. Elle a toujours fonctionné sans provoquer un quelconque incident. Ce sont les quelques points refusés et que certains cercles de la chancellerie veulent faire aboutir à tout prix. De plus, nous nous sommes rendu compte qu'à chaque fois que les avocats acceptent un point de ce statut ou en proposent un autre, le ministère refuse. L'esprit de confiance ne règne plus. Ce qui est inacceptable.Mais les engagements de la chancellerie me permettent d'être satisfait.


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