Le cèdre des Aurès se dresse, l'un à l'ouest, près de Batna, au niveau de la forêt domaniale de Belezma, l'autre à l'est de Khenchela dans le massif du mont Chelia ; entre ces deux ensembles, soit au niveau de Segag, Djebel Lazreg, Ichemou et Djebel Getiane, se trouvent des cédraies beaucoup moins importantes. Aussi bien au sommet culminant du Chelia (Ras Keltoum) qui est à 2328m d'altitude, qu'au pied du même mont, le cèdre, depuis plus d'une décennie, souffre «en silence» d'un mal étrange, qui le ronge, telle une gangrène, sans parler de la main sauvage de l'homme qui ne l'épargne point par des coupes illicites. Conscients du danger et de cette catastrophe écologique dont le cèdre (agdhel en chaoui) semble être la première victime, les jeunes membres de l'association Les amis du cèdre, installée dans les deux agglomérations Bouhmama et Lamsara, c'est-à-dire au chevet du «malade», réclament et préconisent les grands moyens. «Ce ne sont surtout pas les quelques dépliants ou prospectus distribués à différentes occasions, où l'on exhibe de beaux spécimens séculaires, qui vont éradiquer le mal ou le faire disparaître», nous dit ironiquement le président de cette association, M. Smaïl. Au niveau de la conservation des Forêts de la wilaya de Batna, «l'heure est grave et la menace est prise très au sérieux», selon M. Briki, chef de service de la protection de la faune et de la flore, pour qui la cédraie aurésienne constitue un dernier rempart face au fléau de la désertification. M. Briki avait fait, lors de la journée de lutte contre la désertification, une intervention qui plaide pour la protection du cèdre dans les plus laconiques délais. A ce sujet, il nous dira : «L'étude du phénomène du dépérissement est activement menée depuis plusieurs années déjà. Nous devons insister sur le fait que l'explication des phénomènes constatés reste pour le moment assez hypothétique et que, si l'on parle le plus souvent du changement climatique et d'effet de sécheresse, il n'existe toujours pas de preuves formelles que ces phénomènes soient déterminants.» Il ajoutera : «D'autres causes peuvent être avancées, les attaques parasitaires, les agents cryptogamiques, mais pour chaque explication nous devons avancer des arguments ou des observations, pour ou contre. Aucune hypothèse ne peut résister totalement à toutes les critiques. Pour conclure, le plus probable et peut-être le plus plausible, on se trouve en présence d'interaction entre divers facteurs d'origines anthropiques et naturelles.» La liste des ennemis de cet arbre endémique semble ne pas avoir de fin et, pour cause, le remède tarde à venir. Dans les Aurès, le milieu naturel est trop hostile pour que les arbres âgés de 300 ou 400 ans se régénèrent normalement. Aussi, l'abattage clandestin de cet arbre à des fins commerciales a pris ces derniers temps une tournure dangereuse et risque à moyen terme de provoquer un désastre écologique. La conclusion de notre interlocuteur n'est pas sans une touche d'optimisme. Il nous dira pour la circonstance : «Il s'agit d'un phénomène que le forestier ne peut maîtriser seul, même si des mesures préventives ou curatives sont à même d'atténuer les effets. La sauvegarde d'un tel patrimoine traduit la conscience d'un intérêt commun. C'est une œuvre difficile, mais magnifique qui est à entreprendre d'urgence, si l'on ne veut pas voir disparaître totalement une essence endémique, qui est non seulement un arbre symbolique, un bastion à l'avancée du désert, mais également une source extrêmement précieuse de produit ligneux de très haute qualité.»