Voilà un conflit, celui du Sri Lanka, qui n'a jamais emprunté d'autre voie que celle des armes. Il est difficile d'oublier la médiation norvégienne pour avoir suscité de réels espoirs de règlement pacifique. Mais tout compte fait, la communauté internationale donne la fâcheuse impression de s'être tenue à l'écart, et ce n'est que depuis peu, soit depuis que l'armée régulière sri lankaise annonce la fin prochaine de cette guerre pour que des voix s'élèvent pour un cessez-le-feu, ce qui semble hautement improbable pour un pouvoir sûr de sa victoire. Le chef des rebelles tamouls est acculé par l'armée dans le nord-est de l'île. Les rebelles des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) sont acculés par l'armée dans le nord du Sri Lanka. Un dernier carré des Tigres sous le commandement de Velupillai Prabhakaran sont coincés sur une bande côtière de 10 km2, a annoncé le général Shavendra Silva, lors d'un voyage de presse organisé à la lisière de la zone du conflit. Un porte-parole du LTTE, qui s'était rendu mercredi aux militaires, leur a confirmé que « Prabhakaran vivait à l'intérieur (du périmètre où les Tigres sont retranchés) et qu'il y resterait jusqu'à la dernière minute », a expliqué le général. Mais l'officier pense, lui, que le chef séparatiste « tentera de s'échapper à n'importe quel moment ». Invisible depuis 18 mois, Tigre numéro un, comme on le surnomme, est depuis 37 ans à la tête d'une guérilla sanglante et jusqu'au-boutiste. Comme leur chef, les Tigres, préférant mourir plutôt que de déposer les armes, portent une pastille de cyanure. Le Sri Lanka est convaincu qu'après des mois d'offensive contre les derniers fiefs du nord-est, l'insurrection séparatiste ne tient plus qu'à un fil. Elle régnait jusqu'en 2007 sur 18 000 km2 dans le nord et l'est, où elle voulait fonder un Etat tamoul indépendant. « La plupart des cadres du LTTE veulent se rendre et ne veulent plus se battre », a assuré le général Silva, qui s'exprimait depuis Kilinochchi, qui était jusqu'en janvier la « capitale » politique des Tigres. Là, l'armée a exposé devant la presse un char, des mortiers, fusils automatiques et mitrailleuses saisis lors de terribles combats ces quatre derniers mois. Colombo ne fournit plus de ses pertes et les chiffres sur les victimes dans les rangs des insurgés sont sujet à caution. Mais plus de 6500 civils ont probablement été tués et 14 000 blessés depuis le début de l'année, selon des estimations de l'ONU. Et alors que 95 000 habitants tamouls ont fui la zone de guerre depuis qu'a commencé, lundi dernier, un exode massif, il en reste 50 000 coincés avec les Tigres, a indiqué Catherine Bragg, sous-secrétaire générale de l'ONU pour les affaires humanitaires. L'armée les évalue à 15 000 personnes, servant de « boucliers humains » aux Tigres, et dit poursuivre « la plus grande opération au monde de libération d'otages ». Mais le sort de ces civils qui se sont échappés et de ceux encore pris au piège alarme la communauté internationale. Ainsi, le responsable des questions humanitaires à l'ONU, John Holmes, était attendu, hier, au Sri Lanka pour trois jours. « Il discutera avec le gouvernement de questions de la plus haute importance, y compris sur la nécessité de faciliter (...) les missions humanitaires cruciales dans cette zone, selon une porte-parole des Nations unies à New York. C'est maintenant que Colombo entend porter le coup décisif à une rébellion séparatiste, même, pense-t-on de plus en plus, au prix de centaines de milliers de morts civils. Une population prise en otage qui n'a même plus la possibilité de fuir face à l'intensité des combats. Les autorités sri lankaises en sont d'ailleurs parfaitement conscientes, en restant sourdes aux appels visant à préserver les populations civiles et en faisant le dos rond à toutes les accusations que leur refus ne manquera pas d'engendrer. Une guerre aveugle et une victoire à n'importe quel prix.