On a passé en revue le retour de l'inflation, l'érosion du pouvoir d'achat, le rattrapage salarial, le statut de la future classe moyenne, l'atonie de la productivité, l'inconséquence de la compétitivité, l'ignorance de la connaissance, la politique du logement, le modèle de consommation, la gestion du crédit… sans trop froisser les responsables en charge de l'économie, ce qui revient à dire que c'est une fausse alerte. Il faut donc attendre patiemment et religieusement les prochaines pluies et applaudir les chocs pétroliers, il y va de notre survie. A qui la faute ? Aux décideurs, aux acteurs, aux ménages, aux bureaucrates, au système, à la rente qui rend aveugle, au matelas des réserves de changes qu'on exhibe à tout bout de champ et qui gonfle sans effort ou tout simplement à l'absence d'une culture économique et financière des politiques englués dans une gestion du quotidien ? Le colloque international sur la prospective qui se tiendra prochainement à Alger permettra peut être de lever le voile sur les avatars de la gouvernance. Mais en attendant, il faut bien expliquer pourquoi malgré des taux de croissance de 5%, un PIB en hausse d'année en année, des excédents de liquidités au niveau des banques qui dépasseraient l'équivalent de 15 milliards de dollars, des IDE en progrès, la machine est toujours grippée. C'est parce qu'on ne travaille pas assez (productivité faible) et on ne travaille pas bien (compétitivité aléatoire). Le dernier rapport du Bureau International du Travail (BIT) sur la productivité du travail qui a attribué la palme aux Etats-Unis nous situe parmi les derniers avec le groupe des pays d'Afrique du nord. Encore un mauvais classement. Il fût un temps ou l'accent et les synergies étaient concentrés sur le développement, on parlait peu de la croissance et pourtant on affichait des niveaux appréciables parce qu'on investissait beaucoup dans la création de richesses. Après un effort d'investissement sans précédent dans le contexte de l'époque bien sûr, on commençait à produire puis on s'est aperçu qu'il fallait gérer toute cette mécanique, c'est alors qu'apparaissait alors le concept de la productivité qu'on avait rapidement transformé en slogan creux et vite enterré parce qu'il fallait restructurer, c'est à dire découper et atomiser les grandes entités pendant que les autres faisaient des regroupements et recherchaient les effets de taille. On est toujours à contre courant de ce qui se fait dans le monde comme si on habitait une autre planète alors que nous dépendons du reste du monde pour presque tous ce que nous avalons .Chemin faisant, on s'est égaré entre le développement et la croissance et on est resté coincé entre ces deux concepts jusqu'à perdre le sens des mots. Il faut donc repositionner ces deux grands objectifs dans le contexte de l'économie de marché ou mieux de l'économie d'endettement. De manière simple, On peut dire que la croissance économique est l'accroissement sur une longue période des quantités de biens et services produits dans un pays. Cette quantité de biens et services est mesurée chaque année par le PIB (produit intérieur brut), indicateur que tout le monde connaît bien, il représente schématiquement, la somme des valeurs ajoutées. Pour l'économiste français François Perroux, le développement est la combinaison des changements sociaux et mentaux d'une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement, son produit réel global*. En d'autres termes, le développement représente l'ensemble des changements sociaux et culturels qui rendent possible l'accroissement des quantités produites sur le long terme (c'est-à-dire la croissance économique). Le développement est donc une notion moins quantifiable que la croissance économique. Parler de développement, c'est se poser des questions sur ce que l'on fait des richesses produites grâce à la croissance : la santé de la population s'améliore t-elle, par exemple (ce qui permettra à long terme d'avoir une main d'œuvre plus productive afin de renforcer la croissance), Mesurer le développement reste un exercice difficile. L'IDH (indicateur de développement humain), construit par l'ONU prend en compte le niveau de vie (mesuré par le PIB réel par habitant), la durée de vie (mesurée par l'espérance de vie à la naissance), le niveau de scolarisation (mesuré par deux indicateurs : le taux brut de scolarisation des jeunes et le taux d'alphabétisation des adultes de plus de 15 ans). L'IPH (indicateur de pauvreté humaine), intègre davantage d'éléments que l'IDH (accès à l'eau potable, part des enfants de 5 ans victimes de malnutrition, etc.), etc. Finalement, que doit on comptabiliser en croissance et que doit on comptabiliser en développement et quels sont les écarts. A écouter les experts, les écarts sont tellement importants qu'ils deviennent socialement inquiétants. Si la croissance ne génère pas le développement et vice versa, c'est qu'il y a quelque part un grave problème de fond dans la définition des objectifs, le reste est une querelle d'économistes pour orienter dans un sens ou dans un autre, le débat. * in L'économie du XXe siècle, PUG, 1991.