Nous publions l'intégralité du rapport national sur le développement humain en Algérie pour l'année 2008, rendu public par le Conseil national économique et social (Cnes). À l'instar des RNDH 2006 et 2007, le Rapport national sur le développement humain 2008 est construit sur le modèle onusien et constitue, de ce fait, la troisième opportunité pour le Cnes de produire un document élaboré dans le respect des niveaux d'exigence requis pour ce type d'exercice, c'est-à-dire d'institution internationale compétente. C'est à ce motif, d'ailleurs, que le professeur Jacques Charmes, expert consultant senior, a été mandaté par le PNUD, en vertu de l'accord de coopération qui lie cette institution au Cnes, pour suivre l'élaboration dudit rapport jusqu'à l'ultime validation d'étape, et dont il est rappelé qu'elle ne s'attache qu'aux seuls aspects de méthodologie et de protocoles de calcul, aspects évidemment décisifs quant à l'intégrité scientifique et, donc, à la crédibilité de l'exercice dans son ensemble. Il convient de signaler que si le RNDH 2007 portait son regard sur l'exercice 2006, ce qui est au demeurant conforme à l'agenda orthodoxe usuel, le RNDH 2008 enregistre une avancée exceptionnelle, puisqu'il présente cette double particularité de porter son regard analytique et évaluateur sur deux années successives, soit 2007 et 2008, et de le faire en outre de façon updatée, puisque l'effort a été accompli de traiter l'année 2008 jusqu'à son terme ultime. 1. La production de ce rapport en temps réel traduit un effort absolument inédit, du moins à l'échelle des pays à développement humain moyen. À vrai dire, une telle performance a été rendue possible en grande partie grâce à une participation active aux travaux de l'ensemble des secteurs impliqués dans la conduite des politiques et programmes dédiés au développement humain, des segments de la société civile traditionnellement engagés dans le travail de proximité en matière de développement humain, des institutions productrices des statistiques et données pertinentes ainsi que des chercheurs et experts nationaux, aux côtés des spécialistes relevant de l'ingénierie interne du Cnes. 2. En plus de porter sur une période de deux années et de traiter des données réelles actualisées, le RNDH introduit une évolution majeure cette année, à travers l'exploitation des résultats comparés des deux derniers travaux portant “Recensement général de la population et de l'habitat” (RGPH) et ce, aux deux bornes de leur production respective, soit 1998 et 2008. Cette exploitation a permis de dresser une rétrospective sur la période intercensitaire (1998-2008), offrant ainsi la possibilité d'apprécier les évolutions intervenues dans le domaine du développement humain sur cette période et, de ce fait, d'inscrire le regard évaluateur dans une typologie de tendance lourde et de portée structurante. Il est à noter, à cet égard, que les travaux de rétropolation, sur la période considérée, s'est faite sur la base des données réelles annuelles. 3. La présente synthèse du RNDH 2008 se focalisera donc sur la présentation des résultats globaux en matière d'IDH national pour les années 2007 et 2008, tout en opérant une rétrospective de l'évolution de cet indice sur la période intercensitaire 1998-2008, sachant que la validation de l'expert du PNUD est déjà intervenue sur ces deux versants majeurs. 4. Quant à la restitution exhaustive du RNDH 2008, elle interviendra incessamment, soit en tout état de cause dès que l'expert du PNUD aura émis son ultime validation sur l'ensemble des protocoles concernés, incluant évidemment les résultats des travaux issus de la désagrégation territoriale, dont le format est autrement plus sophistiqué que celui retenu pour le RNDH 2007. 5. Autre innovation annoncée pour cette année, la publicisation du RNDH se fera au niveau d'un certain nombre de campus universitaires à travers le pays. Cela aura le triple avantage a) de disséminer les avancées cognitives construites à la faveur de cet exercice majeur et d'en débattre avec, tout à la fois, les enseignants chercheurs concernés, les étudiants et particulièrement ceux engagés dans la post-graduation ; b) d'impliquer les parties prenantes les plus directement concernées par les champs de pratique spécifiques au “développement humain”, tels que les professionnels de la santé et de l'éducation, ainsi que tout le mouvement associatif qui s'y greffe et, enfin, c) de rendre justice aux travaux de désagrégation territoriale de l'Indice de Développement Humain (IDH), en les offrant à lire et à en débattre à toutes celles et à tous ceux qui, sur le terrain, ont la charge de vivre les impacts des politiques publiques dédiées à ces mêmes champs de pratique. 1) PROGRESSION DE L'IDH NATIONAL SUR LES ANNEES 2007 ET 2008 L'IDH national a progressé de plus de 1% sur une année, en passant de 0.767 en 2007 à 0.778 en 2008, pour une augmentation de près de 1% entre 2006 et 2007. Cette évolution a été portée, entre 2006 et 2008, par une progression importante de l'indice du PIB, supérieure à 1% entre 2006 et 2007, et de près de 2.5% entre 2007 et 2008, ainsi que par l'amélioration de l'indice du niveau d'instruction, qui s'est consolidé entre 2006 et 2007 en augmentant de près de 2%, et qui a poursuivi une augmentation du même ordre entre 2007 et 2008. L'indice d'espérance de vie à la naissance, quant à lui, poursuit sa tendance haussière et atteint 0.847 en 2008 contre 0.845 en 2007, ce qui correspond à une espérance de vie globale à la naissance en 2008 de 76 ans. Le rythme de progression de cet indice est nécessairement plus lent que celui des autres composantes de l'IDH, du fait des plages de valeurs particulièrement élevées dans lesquelles il s'inscrit depuis déjà quelques années. 2) RESTITUTION DE L'IDH NATIONAL ET DES INDICES ASSOCIES EN DECLINAISON INTERCENSITAIRE 1998/2008 Les résultats obtenus sur la base des statistiques nationales traitées selon la méthodologie du PNUD, traduisent de 1998 à 2008, une progression soutenue du développement humain et la réduction des déficits sociaux, dans une dynamique de consolidation de l'IDH en tendance haussière supérieure à 1 %, en moyenne annuelle, entre 1998 et 2008. L'IDH est passé de 0,689 en 1998 à 0,778 en 2008 soit une augmentation de 13%. Cette augmentation rend compte à la fois d'une puissante dynamique de progrès social, et d'une amélioration du niveau de développement humain des populations, en termes de santé, d'éducation, de longévité et d'accès aux ressources (voir tableau). 2.2. 2e COMPOSANTE DE L'IDH : L'INDICE DU NIVEAU D'INSTRUCTION L'indice du niveau d'instruction est passé de 0,643 en 1998 à 0, 740 en 2008 soit un accroissement de 17% et une croissance moyenne annuelle de 2 %. Ces chiffres traduisent une progression significative et rendent compte d'un effort intense en direction de l'accès à l'éducation des populations, à travers les différentes régions du pays. Le taux de scolarisation des 6- 24 ans est ainsi passé de 59 % en 1998 à 72 % en 2008, soit un gain de 13 points, ce qui se traduit par une évolution des effectifs scolarisés passant de 8 200 000 en 1998 à 9 300 000 en 2008. L'enseignement supérieur est le secteur qui connaît la plus forte progression, puisque les effectifs d'étudiants sont passés de 430 000 en 1998 à 1 160 000 en 2008. 2.3. 3e COMPOSANTE DE L'IDH : L'INDICE DU PRODUIT INTERIEUR BRUT EN PARITE DE POUVOIR D'ACHAT (PIB/PPA) Le PIB/habitant est passé de 1 555 dollars US en 1998 à 5 034 dollars US en 2008, soit une progression supérieure à 12 % en moyenne annuelle. Quant à l'indice du PIB en Parité de pouvoir d'achat, il a connu une progression de 14 % sur la période 1998 – 2008. Dans un contexte d'inflation modérée, la consommation des ménages a suivi un trend haussier de moyenne annuelle supérieure à la croissance démographique. Ces données illustrent les impacts d'une action forte traduisant les choix stratégiques de l'Etat, à travers la mise en œuvre d'importants programmes de développement économique et social durant cette période. De fait, grâce au retour de la croissance, combiné avec des transferts sociaux massifs, -les dépenses sociales de l'Etat ayant enregistré un taux de croissance de l'ordre de 18% en moyenne annuelle sur la période- et résultant en une amélioration des revenus, la situation économique des ménages s'est fortement améliorée. Dans le même temps, le taux de pauvreté générale connaît un recul continu depuis 1998. Nombre de facteurs illustrent éloquemment cette tendance générale à l'amélioration des conditions sociales, parmi lesquels l'augmentation du nombre de mariages, passé de 158 000 en 1998 à 332 000 en 2008, se traduisant par un taux de nuptialité de 9.55 pour mille, alors que même au plus fort du pic démographique, survenu en 1977, ce taux n'a pas dépassé 7,29 pour mille. Il ne fait pas de doute que ceci traduit un renforcement de la confiance en l'avenir des populations de façon générale, et des jeunes en âge de se marier en particulier. De même, la consommation des ménages s'est accrue à un rythme annuel moyen de près de 8% sur la période, tandis que le taux d'épargne des ménages est passé dans le même intervalle de 5.3% en 1998 à plus de 35% en 2008, d'autant que le modèle de consommation du pays a tendance à opérer des translations le rapprochant graduellement de celui des pays développés. 3) LES INDICES ASSOCIES (ISDH, IPF et IPH) L'accroissement de l'ISDH, de l'ordre de 8% entre 1998 et 2008, traduit une tendance nette à la réduction des disparités entre les hommes et les femmes dans les trois dimensions du développement humain. L'indice d'égalité pour l'espérance de vie à la naissance a connu une augmentation de 9% sur la période intercensitaire. L'espérance de vie des femmes est ainsi passée de 72,8 à 75,8 ans sur la période, soit un gain de 3 ans ; il convient de préciser que l'écart en matière d'espérance de vie entre les hommes et les femmes se réduit de manière sensible, passant de 2,4 en 1998 à 1,8 en 2008 (voir tableau 1). La progression simultanée des taux et la réduction continuelle des écarts met en évidence la prévalence du facteur génétique comme facteur explicatif des disparités entre hommes et femmes, ce qui rapproche, en la matière, l'Algérie du modèle des pays les plus avancés. L'indice d'égalité de la répartition pour le revenu a connu une augmentation de 20% sur la période intercensitaire, traduisant un accès plus large des femmes à l'emploi et au revenu. Le revenu estimé du travail des femmes est passé de 1365 dollars PPA en 1998 à 2317 dollars PPA en 2008, soit une hausse significative d'environ 70%. (Cf. encadré 3). Sur la période intercensitaire 1998-2008, le nombre de filles pour 100 garçons est passé de 87 à 90 dans l'enseignement primaire, de 89 filles à 97 filles dans l'enseignement moyen, de 121 à 141 dans l'enseignement secondaire et de 96 à 140 dans le supérieur. L'évolution est encore nettement plus marquée dans le cycle post-gradué avec 93 filles pour 100 garçons en 2008 contre 49 en 1998. Cette irruption massive de l'élément féminin dans le système éducatif, en particulier dans l'enseignement supérieur, est annonciatrice de profondes recompositions sociales. L'indice de pauvreté humaine (IPH) a reculé de près de 1/3 sur la période intercensitaire, ce qui traduit une amélioration des 4 indicateurs de mesure correspondants : probabilité de décéder avant 40 ans, insuffisance pondérale chez l'enfant de 0 à 5 ans, analphabétisme des adultes, et accès à l'eau potable. La probabilité de décéder avant 40 ans est passée de 9% en 1998 à 6% en 2008, d'où une baisse de plus d'un tiers sur la période intercensitaire (voir tableau 2). Cette évolution conforte celle de l'espérance de vie à la naissance, en précisant par ailleurs que cette probabilité connaît une baisse plus importante chez les femmes, reflétant pour partie la baisse de la mortalité maternelle. Le taux d'analphabétisme des 15 ans et plus a enregistré un recul de 1/3 sur la période. Sa répartition par tranches d'âge indique une réduction considérable pour la tranche 15-24 ans, résultat incontestable des progrès substantiels enregistrés dans la scolarisation massive des jeunes générations. Ceci contraste singulièrement avec des taux d'analphabétisme beaucoup plus élevés chez les personnes âgées de plus de 50 ans, reflet du stock résiduel provenant des déficits de scolarisation enregistrés durant la période pré-indépendance. La proportion de la population privée d'accès à l'eau potable a diminué de plus de 2/3 entre 1998 et 2008, passant de 17% à 5%. Cette baisse drastique est le résultat d'un programme particulièrement intensif de valorisation des ressources en eau initié par l'Etat, incluant la réalisation de barrages dans toutes les régions du pays, les transferts d'eau potable, la réalisation de stations de dessalement d'eau de mer et autres extensions de réseau d'alimentation en eau potable. La proportion des enfants souffrant d'insuffisance pondérale a reculé de 3/4, passant de 13% à 4%. Dans le même temps, le pourcentage d'enfants souffrant de surpoids a atteint environ 10% en 2008, ce qui traduit une modification notable des régimes alimentaires et un déséquilibre de la ration alimentaire. Ceci est de nature à rapprocher la situation de l'Algérie de celle existant au niveau de pays plus avancés, et peut constituer à terme un véritable problème de santé publique. Dans l'attente de la publication du Rapport national sur le développement humain 2008 dans son exhaustivité, nombre d'enseignements peuvent d'ores et déjà être tirés de cette rétrospective inédite portant sur la période intercensitaire 1998-2008, menée par le Conseil national économique et social. De fait, les constats s'imposent autour de la progression de l'Indice de développement humain dans la totalité de ses composantes, de façon inégale, certes, mais concourant toutes à mettre en évidence des avancées significatives sur cette période. C'est ainsi que l'espérance de vie à la naissance, déjà élevée depuis quelques années, comparativement aux pays de niveau de développement humain moyen, s'établit à présent à un niveau comparable à celui de pays à développement humain élevé, y compris membres de l'Union européenne. C'est là un signe indubitablement significatif d'un progrès général d'importance et qui, assurément, est à interpréter comme un indice fort préludant à la consécration de notre pays parmi les sociétés émergentes. Il en est de même pour l'indice du niveau d'instruction qui traduit une réalité palpable, résultat d'un acquis consacré à travers la démocratisation de l'enseignement, dont ont massivement profité les jeunes Algériennes et Algériens dès l'indépendance, et qui, au plus fort des crises que notre pays a eu à traverser, n'a jamais souffert la moindre remise en question. Autre élément susceptible de fonder la légitime prétention de l'économie algérienne à l'émergence, l'accroissement continu du PIB per capita connaît une progression soutenue et constante. Rapproché du recul significatif de l'indice de pauvreté humaine, ceci est fortement illustratif d'une amélioration générale du niveau de vie des populations, et traduit sans conteste l'évolution du modèle de consommation, qui tend à approcher celui des pays développés. Enfin, notre pays ne manquera pas de connaître, dans les années à venir, des mutations sociétales d'importance en rapport avec le genre. L'ensemble des indices traitant de la question est en effet en progression remarquable. À cet égard, l'Indice sexo-spécifique de développement humain a augmenté dans toutes ses dimensions, les statistiques y afférentes traduisant une véritable dynamique de changement, à la fois ample dans sa portée et accélérée dans son rythme, qui s'opère en faveur des femmes.