Le régime nationaliste sri lankais, excédé par les pays occidentaux qui lui réclament un cessez-le-feu humanitaire avec la rébellion tamoule, mise sur ses alliés chinois et japonais, voire sur l'Iran ou la Libye. Convaincu d'avoir gagné la guerre et sourcilleux sur sa souveraineté, Colombo est ulcéré par les exhortations de l'ONU, des Etats-Unis et de l'Union européenne à épargner 50 000 civils retenus par les insurgés dans le nord-est. « Jamais l'histoire n'a révélé autant d'hypocrisie et de faux semblant des puissances occidentales à l'égard du Sri Lanka », a brocardé, hier, le ministère de la Défense. Jeudi, le président Mahinda Rajapakse avait fustigé « ceux qui nous font la leçon sur le sauvetage de civils et auxquels je réponds d'aller voir ce qu'ils font en Irak et en Afghanistan ». Marqué par 443 ans de colonisations portugaise, hollandaise et britannique jusqu'à son indépendance en 1948, « le Sri Lanka a eu les relations les plus étroites avec l'Occident », décrypte Nanda Godage, ancien secrétaire adjoint aux Affaires étrangères. Mais « nous sommes déçus par l'hostilité de l'Occident », lâche-t-il, même si « nous comprenons sa compassion à l'égard de la minorité tamoule », vu les 1,5 million de Tamouls en Europe ou Amérique du Nord. Elu en 2005, M. Rajapakse et son frère Gotabhaya, secrétaire à la Défense, sont les artisans d'une guerre à outrance et populaire contre les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE). Avouant que « le régime est un peu paranoïaque », M. Godage explique que Colombo était furieux que les chefs de la diplomatie britannique et française, David Miliband et Bernard Kouchner, réclament, mercredi, « un cessez-le-feu et non la reddition des Tigres ». La communauté internationale somme régulièrement le LTTE, groupe « terroriste » selon Washington et l'UE, de déposer les armes. Irrité par l'Occident, « le peuple sri lankais est reconnaissant du soutien de l'Inde, du Pakistan, de la Chine, de la Russie, du Japon, de l'Iran, de la Libye et du Proche-Orient, de l'Afrique et de l'Asie du Sud-Est », a égrené le ministère de la Défense. Le Japon fournit plus de 50% de l'aide bilatérale étrangère au Sri Lanka et détient les deux tiers de sa dette extérieure, selon la Banque centrale. « Certes, la mauvaise politique des dirigeants entrave la paix, mais pourquoi pénaliser le peuple ? », a déclaré, samedi, l'émissaire Yasushi Akashi, alors que des organisations des droits de l'homme pressent Tokyo de limiter son assistance. La Chine prête beaucoup à l'île, lui vend des armes et construit un port en eau profonde dans l'extrême sud, à Hambantota, la circonscription du chef de l'Etat. « L'ancrage du Sri Lanka à l'Asie est une tendance profonde », rappelle l'historien Eric Meyer de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). « La Chine a empêché que l'affaire soit internationalisée » en bloquant fin avril une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU, note-t-il. Fort du soutien des Asiatiques, Colombo « regarde même vers l'Iran », selon le diplomate M. Godage. Téhéran s'est engagé en 2008 à lui prêter un milliard de dollars pour une centrale hydroélectrique et la rénovation d'une raffinerie. Le Sri Lanka discute aussi, dans un climat tendu, d'un prêt du Fonds monétaire international de 1,9 milliard de dollars. Et « les négociations pour un prêt de 500 millions de dollars du gouvernement libyen sont aussi à un stade avancé », a annoncé fin avril la Banque centrale.