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Algérien par passion
Jean-Jacques Deluz. Architecte et humaniste
Publié dans El Watan le 07 - 05 - 2009

Voici les quelques lignes qu'il consacra à lui-même dans son ouvrage Alger, chronique urbaine : « Je suis né à Lausanne en 1930, un 8 avril, sous le signe du Bélier. Arrivé au monde avec une jaunisse, j'ai fait peur à ma mère ; ensuite, j'ai été un joli petit garçon insupportable. Au collège, je marchais sur les mains et faisais des sauts périlleux. Hésitant entre les mathématiques et l'architecture, je choisis celle-ci. A l'école d'architecture, Alva Aalto fait une conférence que je n'oublierais pas.
1953 année de stage à Paris, j'y suis un inlassable piéton, un habitué de la Cinémathèque. Je passe mon diplôme en 1956, sous la direction de Jean Tschumy, et je débarque à Alger qui restera, envers et contre tout, mon port d'attache. Je collabore au bureau d'études Daure et Béri, je découvre Pouillon, puis je me forme à l'urbanisme à l'Agence du plan d'Alger avec Gérard Hanning, auquel je succède en 1959. 1962, l'indépendance. 1963, j'ouvre mon bureau d'architecte et je m'établis rue des Bananiers ; naissance de mon fils. (…). De 1964 à 1988, j'enseigne l'architecture. L'urbanisme et l'architecture d'Alger paraissent en 1988. En 1970, la vénéneuse Polly Hartritt s'installe dans mes articulations. En 1993, après une dernière visite de chantier à Constantine, je suis contraint de quitter l'Algérie. En 1997, c'est le retour : je travaille avec le Gouvernorat d'Alger et je projette la ville nouvelle de Sidi Abdellah. Je peins lorsque l'architecture me laisse respirer : ma peinture est confidentielle, seuls quelques amis la connaissent. Les phares qui ont éclairé ma navigation sont, parmi d'autres : Breughel le Vieux, Bosch, Carpaccio, Max Ernst, Diderot, Jarry, Breton, Chopin, Murnau, Buñuel, Aalto, Gaudi, l'Alhambra de Grenade, et… Et survivre encore, dans cette société du spectacle qu'on mythifie sous couvert de virtualité. »
Bibliographie :
L'urbanisme et l'architecture d'Alger, Mardaga/OPU, Bruxelles/Alger, 1988. Alger, chronique urbaine, Bouchène, Paris, 2001. Les voies de l'imagination, Bouchène, Paris, 2003. Fantasmes et réalités (réflexions sur l'architecture), Barzakh, Alger, 2008. Le tout et le fragment (textes 1956-2007), à paraître, 2009.
« Dans l'impeccable naiveté »
Toujours ce plaisir !
Quelques jours avant la disparition physique de Jean-Jacques, je m'étais rendu chez lui et terriblement inquiet, j'essayai de ne rien lui montrer. Et c'est dans un des rares moments de répit qu'il arrivait à arracher de haute lutte à sa maladie, que je lui ai lu un passage d'un texte de Baudelaire qui m'avait extrêmement touché : « … J'ai essayé plus d'une fois, comme tous mes amis, de m'enfermer dans un système pour y prêcher à mon aise. Mais un système est une espèce de damnation qui nous pousse à une abjuration perpétuelle ; il en faut toujours inventer un autre, et cette fatigue est un cruel châtiment. Et toujours mon système était beau, vaste, spacieux, commode, propre et lisse surtout ; du moins il me paraissait tel. (…) Pour échapper à l'horreur de ces apostasies philosophiques, je me suis orgueilleusement résigné à la modestie : Je me suis contenté de sentir. Je suis revenu chercher un asile dans l'impeccable naïveté. J'en demande humblement pardon aux esprits académiques de tout genre qui habitent les différents ateliers de notre fabrique artistique. C'est là que ma conscience philosophique a trouvé le repos ; et, au moins, je puis affirmer, autant qu'un homme peut répondre de ses vertus, que mon esprit jouit maintenant d'une plus abondante impartialité… »
Je me suis contenté de sentir…. un asile dans l'impeccable naïveté ! Nous eûmes un très long silence où seules nos âmes d'enfants existèrent ! Pur moment de Plaisir ! Car pour moi, il a su, malgré tout et tous, garder cette partie de lui intacte. Combien d'entre nous ont été ulcérés, après de fiévreuses esquisses, de mesurer la distance du premier jet avec le projet enfin dessiné. Chez lui, cette distance était réduite à presque rien ! J'avais hâte, à chaque esquisse reçue de sa part, de vérifier la musicalité et la justesse de ses partitions et cela, à quelque échelle que cela soit. D'un simple détail de clôture au Sud, clin d'œil à Ravéreau, au master-plan d'une ville, cela ne fut jamais démenti. Toujours ce plaisir ! Et aussi les écrits ! Toujours ce plaisir ! Et quel plaisir ! Nous l'avons accompagné comme un des nôtres, par une belle journée, au pied d'un arbre et le soir venu, se sont réunis chez Magda, sa compagne, et Christophe, son fils, des amis, Karim, Sofiane, Selma, Akli, Halim, Larbi et Myriam. Un repas fut improvisé, des souvenirs évoqués, et nous avons ri. Et à un moment, autour de Magda et Jean-Jacques (car il était là), j'ai fermé les yeux et je me suis contenté de sentir ce lieu, une véritable présence de personnes les plus talentueuses de leur génération, avec leurs affections, leurs espoirs, leurs angoisses, leurs naïvetés, mais aussi avec leur détermination affirmée de gérer et expliquer un héritage ! Toujours ce plaisir !…
Younès Maiza
Architecte
Le métier d'architecte
Enfin tranquille ?
« Larbi, Jean Jacques, dayem Allah ! ». C'était le Jeudi 30 avril 2009. Je dois avouer que j'ai accueilli cette triste nouvelle avec soulagement… Je savais que ses derniers jours n'étaient pas enviables. Avec un Smig en guise de retraite du ministère de l'Enseignement supérieur, son dernier combat aura été, sans doute de préserver sa liberté de parole et sa dignité d'homme. Ce combat-là, il l'a gagné. Il fait partie de ceux pour qui l'Algérie était un choix conscient, et non pas ce simple hasard de l'histoire ou de la géographie qui vous donne tous les droits et vous absout de tous les devoirs. Il a aimé ce pays comme il a pu. Il aura été, pour bon nombre d'architectes, qui l'ont côtoyé de près ou de loin, une balise, celle qui vous fait douter de la plus simple des évidences. Mon premier contact fut avec l'enseignant. Il avait, en 1985, initié avec ses deux compères, Mme Dekhli Boutella et M. Kanayan, une option de diplôme qu'il avait intitulée « Qualité architecturale ». Cela avait soulevé un tollé général à l'école (l'EPAU, ndlr). Force est de constater que 24 ans après, le problème de l'architecture posé en termes de qualité est d'une actualité dramatique, à l'école comme ailleurs.
Un peu agitateurs, certainement grisés par la polémique (enfin une !), nous étions quelques-uns, sans rien connaître du « vieux Suisse » mystérieux et taciturne, à nous y être inscrits. Je garde le souvenir d'un enseignant disponible, pas forcément présent, qui se mettait au niveau des étudiants pour les aider à faire leurs premiers pas. Il n'avait rien à prouver, son ego d'architecte bâtisseur disparaissait pour laisser place à un discours plus suggestif que directif. Il était autant intéressant par ce qu'il disait que par ce qu'il taisait. Tout était question d'oreille, d'ultrasons, de Bluetooth, dirions-nous aujourd'hui ! Un semestre durant, nous nous sommes croisés deux ou trois fois, la dernière le jour de l'affichage final. Dans une école vide, fermée depuis une semaine déjà, nous devions, Youcef, Katia et moi-même, affreux, sales et pas du tout méchants, à peine sortis de 30 jours de charrette, exposer chacun son projet de diplôme…
Nous avions tout de suite senti que l'intérêt qu'il portait à notre maigre travail était ailleurs. Balayant de son autorité de professeur principal les tergiversations légitimes des ses collaborateurs, nous avions à peine effleuré le sujet de notre présence pour parler longuement des petites constructions maraboutiques de l'Oranie et leur similitude avec les petits temples nichés dans les collines de l'Inde… Je retiens de lui cette facilité qu'il avait de nous apporter, quand il les avait, les mots qui nous manquaient, et l'humilité de partager avec nous toutes les autres incertitudes… Un professeur qui disait « je ne sais pas » c'était inouï. La dernière fois où je l'ai revu, sa douce voix, son regard profond et ses questions « naïves » sur l'état de la profession trahissaient mal une blessure béante qu'il voulait garder pour lui. De peur de nous gêner. Quand il a finit de m'écrire « Pour Larbi Merhoum, pour l'architecture. En toute amitié, Deluz » sur la première page de son ouvrage Les voies de l'imagination, il me posa la question Comment faites-vous pour faire de l'architecture à Alger ? Je suis resté un bon moment sans voix… Je compris plus tard, par quelques indiscrétions de ses proches, qu'il était peiné de s'être vu refuser des permis de construire ! Pire même, il s'était vu infliger une « correction » de sa façade par l'administration… Lui ne critiquait jamais personne.
Il s'évertuait même à trouver, chez ceux-là mêmes (ses faux amis) qui l'ont utilisé, usé, trahi, une once d'humanité que les circonstances du pays auraient pervertie. Dans cette Algérie aveugle et amnésique qui a fini par faire de nous les meilleurs borgnes qui soient, ces quelques moments volés à Jean-Jacques me faisaient entrouvrir les yeux sur l'immensité de ce qu'il reste à accomplir, mais surtout sur l'immensité de l'amour qu'il me faut trouver pour continuer à croire, à avoir envie de faire… Deluz est parti tranquille. Il nous laisse « mariner » dans une conscience trouble de tout ce que nous aurions pu faire et que nous n'avons pas fait, de tout ce que nous aurions pu dire et que nous avons tu… Pour lui… Pour ce pays… Alors tranquilles ? J'en doute. Adieu Jean Jacques. Pardon Jean Jacques.
Mohamed Larbi Merhoum
Architecte


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