Plus de 20 000 personnes ont participé hier à Sétif au défilé du 8 Mai 1945, une « marche de la fidélité » qui aura emprunté exactement le même itinéraire que la fameuse procession pacifique férocement réprimée par les forces coloniales, il y a 64 ans. Le ministre des Moudjahidine, Mohamed Cherif Abbas, les autorités de la wilaya de Sétif, les secrétaires généraux des organisations des moudjahidine, des enfants de chouhada et des enfants de moudjahidine, précédés d'un carré de jeunes scouts, étaient en avant de cette impressionnante marche. Brandissant des centaines de drapeaux algériens, des banderoles à la mémoire des dizaines de milliers d'Algériens tués le 8 mai 1945 ainsi que les portraits de certains martyrs, dont celui de Bouzid Saâl, premier à tomber sous les balles des policiers français, les Sétifiens et leurs nombreux invités ont montré une ferveur à la mesure de l'atrocité de la tuerie collective perpétrée par les troupes coloniales. Les participants à cette marche de la fidélité ont scandé des slogans appelant notamment la France à demander pardon pour les crimes commis en Algérie durant la période coloniale. Les massacres du 8 Mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata ont fait plus de 45 000 morts parmi les Algériens. Cette manifestation, qui prouve le fort attachement des Algériens à leur histoire, est la première d'une telle ampleur depuis de nombreuses années, rappelle l'APS, qui a rapporté l'information. Elle intervient au lendemain d'un message dans lequel le président Abdelaziz Bouteflika a relancé le débat sur la question de la réconciliation avec la France. Jeudi, dans un message lu en son nom à Sétif, le chef de l'Etat a prôné une « voie originale » pour tourner « la page noire » de l'histoire avec la France et « surmonter les traumatismes causés au peuple algérien par l'Etat colonial français ». Pour lui, cette « voie originale » permettra d'établir « entre l'Algérie et la France, entre le peuple algérien et le peuple français des rapports authentiques d'amitié sincère et véritable dans une coopération où chacun trouvera son intérêt et des raisons d'espérer dans l'avenir ». De la mosquée de la Gare (aujourd'hui Abi Dher El Ghaffari), d'où l'imposant défilé s'est ébranlé, jusqu'au centre de l'avenue du 8-Mai 1945, théâtre des premiers coups de feu de la police, en passant par la l'avenue du 1er-Novembre, les participants ont tous appelé en chœur à la promotion et à la protection de l'histoire de la révolution. Interviewé par l'APS, Kamel Bouchama, ancien ministre, a indiqué que « cette journée est exceptionnelle à plus d'un titre » et rappelle surtout que la France, « pays des droits de l'homme », a perpétré un génocide il y 64 ans. Elle rappelle aussi, selon lui, « la nécessité d'enseigner ce pan de notre histoire à nos enfants qui doivent savoir que l'Algérie n'est pas un pays issu du néant, mais une nation qui a ses racines et qui s'est forgée au prix de sacrifices incommensurables », poursuit l'ancien responsable. L'autre moment fort de la commémoration de cette journée historique sera la superbe production de la chorale formée d'écoliers vêtus de costumes traditionnels symbolisant toutes les régions du pays. Impeccablement alignés sur plusieurs rangs, place de l'Indépendance, à gauche de la fontaine mythique de Aïn Fouara et à l'ombre du minaret de la mosquée El Atiq, un millier d'élèves a interprété des chants patriotiques, dont Aoufia du regretté Abdelwahab Sellami, et le célèbre Hayyou chamal ifriqia, dans un silence impressionnant malgré la foule. La délégation officielle, qui avait auparavant inauguré non loin de là, face au musée du Moudjahid, une belle fresque érigée pour le souvenir de cette journée historique, s'est ensuite rendue dans la localité de Ksar El Abtal (30 km au sud de Sétif) où devait être inauguré un musée construit au niveau du site de l'ex-camp de « transit » où activaient des tortionnaires de l'armée coloniale française.