Afin de pérenniser la marche du « mardi noir », des dizaines de milliers de personnes ont, pour la deuxième année consécutive, emprunté hier le même chemin parcouru 65 ans auparavant par des milliers d'« indigènes » sortis fêter la victoire des Alliés contre le nazisme. Le ministre des Moudjahidine, Mohamed Cherif Abbas, le secrétaire d'Etat chargé de la Communication auprès du Premier ministre, Azzedine Mihoubi, les autorités de wilaya, précédés d'un carré de jeunes scouts, étaient en avant de cette impressionnante et émouvante marche. Ils brandissaient des centaines de drapeaux et des banderoles à la mémoire des dizaines de milliers d'Algériens massacrés le 8 mai 1945. Les participants ont une nouvelle fois interpellé la France pour qu'elle reconnaisse ses crimes et demande pardon. Abdelhamid Salakdji, président de la fondation du 8 Mai 1945 (section de Sétif), dira : « Pour que ce crime contre l'humanité ne se reproduise plus, la France coloniale doit faire son mea-culpa. Tant que l'ex-puissance coloniale n'a pas reconnu son entière responsabilité dans cette tuerie, les relations entre les deux pays seront toujours marquées par des tumultes. Pour éviter le banc des accusés, la France fait de la résistance. » Adeptes de l'histoire à sens unique, secoués par la vérité crue du dernier film de Rachid Bouchareb, certains milieux montent au créneau. Cette position est appuyée par une déclaration de Azzouz Begag, l'ex-ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances sous le gouvernement Villepin ayant, à l'instar de la grande amie de l'Algérie, Annie Steiner, tenu à participer à La marche du souvenir. Celui-ci dira : « Cet événement a marqué l'histoire des deux pays. Le 8 mai est le début de la concrétisation de l'autodétermination de l'Algérie. Je me souviens de Kateb Yacine qui avait dit que ce fait était la première journée de la cimentation du nationalisme algérien. En 2010, il est temps pour l'Algérie et la France de prendre conscience de la nécessité de réconcilier leurs mémoires. Il faut admettre les crimes et massacres perpétrés par l'armée française en Algérie. La France doit reconnaître, pas forcément pour s'excuser mais au moins pour faire entrer dans les consciences que des milliers de paysans ont été massacrés en Algérie, le pays de mes parents qui m'ont beaucoup parlé des souffrances endurées à cette époque. » La déclaration de l'ex-ministre du gouvernement français ne passera certainement pas inaperçue de l'autre rive de la Méditerranée.