Dans le box des accusés du tribunal criminel d'Alger, en ce 30 mars 2008, deux jeunes hommes, âgés d'environ 25 ans. Accusés de meurtre. Le père de l'un d'eux, la cinquantaine bien remplie et un homme d'environ 35 ans, sont poursuivis pour avoir tenté d'inciter les jeunes du quartier à «décharger» l'un des deux agresseurs. Le crime a été commis en mai 2006 à Birkhadem. L'âme de la victime, décédée suite à une agression par arme blanche, plane toutefois dans la grande salle numéro 1 de la chambre criminelle, située au premier étage de l'imposant bâtiment de la cour d'Alger sis quartier des Fusillés. Le malheureux, originaire d'une contrée perdue dans les fins fonds des Hauts-Plateaux, entre Sétif et Batna, était établi à Birkhadem où il exerçait comme tailleur de pierres. Un métier d'artiste dans la mesure où le défunt était sollicité par des connaisseurs. Des gens qui construisent de «belles villas». Des gens qui ne sont pas près à confier la décoration de leurs façades au premier venu. La pierre bleue taillée, un matériau très prisé de nos jours, est le violon d'Ingres de cet homme, la victime, tué pour un portable près de la mosquée où il venait d'accomplir la prière du maghreb. En quittant le lieu du culte, l'homme de 27 ans était loin de se douter qu'il vivait ses derniers instants. En se dirigeant vers la chambre où il était colocataire en compagnie d'amis originaires du même village que lui, la victime est soudain interpellée par deux jeunes gens. «Le portable ou la vie !», sommèrent les deux délinquants à l'adresse de l'homme. Ce dernier jugeait bon de ne pas «obtempérer». Il a dit «niet». «C'est mon bien, et je ne suis pas près à vous en faire cadeau», avait-il signifié à ses deux agresseurs. Il sera bousculé. L'un d'eux lui planta violemment un couteau au niveau de l'aine. Les organes vitaux tels l'estomac et une partie du poumon sont gravement atteints. Une hémorragie interne s'ensuivit. L'homme, ingénieur d'Etat en chômage, rendra l'âme quelques instants plus tard tandis que ses agresseurs avaient pris la poudre d'escampette. Ils seront néanmoins arrêtés quelques jours après et déférés devant le magistrat instructeur qui les fera écrouer. Affable, les yeux rieurs, la victime était estimée de tous. «J'étais choqué lorsque je l'ai vu étendu, inerte, sans vie, par terre», déclare un témoin. Un autre témoin, qui a tenu à éclairer le tribunal, «Chahadatane lillah» (Dieu m'en est témoin), abonde dans le même sens. «Je n'ai jamais vu al marhoum (le défunt) commettre le moindre impair. Sa conduite était irréprochable.» D'autres témoins défilèrent à la barre. Sous serment, ils devaient évoquer le fait que le père de l'un des deux prévenus faisait tout pour «extirper» son fils de cette malheureuse affaire. «Il nous envoyait constamment des émissaires pour nous inciter, contre une forte somme d'argent, à faire un faux témoignage. Il voulait que nous disions à la police que son fils n'était pas impliqué», souligne un témoin. Après le réquisitoire du procureur et les plaidoiries des avocats, la cour rend son verdict : 15 ans de réclusion criminelle pour le jeune homme qui a planté le couteau, 3 ans ferme pour son complice. Le père de ce dernier, accusé d'avoir tenté de soudoyer des témoins, écopera d'un an de prison. Quant à l'homme qui a servi d'intermédiaire, il sera condamné à un an avec sursis.