Au départ, une altercation oppose Samir à Abdelkader dans une salle de musculation d'El-Kerma, commune située à la sortie est d'Oran. A l'arrivée, le premier a quitté ce monde de mort violente et le second vient d'être condamné à 10 ans de réclusion criminelle. Que s'est-il passé cette soirée de juin 2016, entre le moment où des jeunes de la localité ont séparé les deux antagonistes dans la salle de sport et celui où Samir a été évacué en urgence à la polyclinique d'El-Kerma, la poitrine et le dos percés de coups de couteau ? C'est ce que le tribunal criminel d'Oran a tenté de déterminer mardi 25 avril au cours du procès dans lequel S. Abdelkader, jeune homme de 20 ans, était poursuivi d'homicide volontaire avec préméditation. A la lecture de l'arrêt de renvoi, il est apparu que l'accusé et H. Samir, de cinq ans son aîné, avaient eu quatre altercations : la première dans la salle de sport, la deuxième en dehors, environ une demi-heure plus tard, la troisième, devant son domicile et la dernière, fatale pour Samir, aux environs de 20h00. Parmi les témoins cités dans l'arrêt de renvoi, K. Khelil rapporte qu'au retour du travail, des voisins lui avaient appris que son ami Abdelkader s'était battu avec H. Samir et qu'il se trouvait en compagnie de son père à proximité du stade du quartier des 100 logements. Khelil ajoute s'être rendu sur place pour s'enquérir de la situation et que Lakhdar, le père d'Abdelkader, lui avait demandé d'emmener son fils chez lui, loin du tumulte. Selon le témoin, en cours de route, son ami a reçu un coup de téléphone d'une personne qui l'avertissait que son père se faisait insulter par Samir et ses amis. Khelil raconte qu'Abdelkader a immédiatement rebroussé chemin pendant que lui a continué jusque chez lui pour déposer ses affaires et revenir près de son ami. Quelques instants après être arrivé sur le lieu de la dispute, près du marché couvert de fruits et légumes, il a entendu Samir s'exclamer : «Il m'a frappé avec un couteau, il m'a frappé avec un couteau». Interpellé et interrogé, Abdelkader ne cherche pas à nier les faits, mais il précise : «Dans la salle de musculation, Samir et moi avons eu une altercation verbale parce qu'il s'était moqué de moi et n'avait pas arrêté de me provoquer. Je suis parti, mais une demi-heure plus tard, nous nous sommes croisés dehors et nous nous sommes battus et les gens nous ont séparés mais il m'a menacé. 15 minutes après, il est venu me relancer près de chez moi et, là aussi, nous nous sommes battus et on nous a séparés. Je suis parti avec Khelil mais quand on m'a appelé pour me dire qu'on s'en prenait à mon père, je suis revenu et j'ai entendu Samir et ses amis insulter mon père. J'étais furieux. Je suis rentré à la maison, pris un couteau et je suis ressorti. Ils se sont mis à me frapper, alors j'ai frappé à mon tour » Abdelkader frappe Samir et, selon le rapport du médecin légiste, le touche dans la région du cœur et provoque une lésion au poumon gauche, ce qui entraînera la mort du blessé quelques jours plus tard. Dans sa déposition devant le tribunal criminel le 25 avril dernier, Abdelkader maintient ses déclarations mais insiste sur le fait que ce sont la victime et ses amis qui l'ont agressé les premiers. «Ils m'ont entouré et commencé à me battre. Alors, je me suis défendu», a-t-il assuré à la barre. Quatre témoins ont été appelés à déposer. Outre K. Khelil, qui a réitéré les mêmes déclarations faites à la police, M. Mustapha, le présumé «lanceur d'alerte» ayant averti Abdelkader que son père se faisait insulter. Il niera cependant avoir composé le numéro de l'accusé. «C'est lui qui m'a appelé et je n'étais pas sur les lieux. Quand je suis arrivé, la victime était déjà à terre», soutient-il. S. Ilyès, troisième témoin et ami du frère du défunt, témoigne : «Je me trouvais au café avec Houari, le frère à Samir quand celui-ci a appelé pour dire qu'il s'était battu avec Abdelkader. Nous sommes partis voir, nous avons trouvé Lakhdar, le père d'Abdelkader, et avons commencé à discuter. A un moment donné, j'ai entendu Samir crier «Il m'a frappé avec un couteau». Il gisait par terre et nous l'avons vite évacué aux urgences». Ilyès nie que quiconque ait insulté le père de l'accusé. Si personne n'a vu Abdelkader frapper le défunt, C. Houari, dernier à comparaître, dit avoir assisté à la scène : «J'ai vu Abdelkader donner deux coups de couteau à Samir», affirme-t-il. S. Lakhdar, père de l'accusé, 53 ans, témoigne aussi, à décharge. «Mon fils n'a fait que se défendre Ils m'ont insulté Samir m'a insulté», déclare-t-il en colère. Dans sa brève plaidoirie, l'avocat de la partie civile, représentant le père de la victime, affirme qu'Abdelkader avait frappé avec l'intention de tuer. «Il a frappé dans la région la plus sensible du corps, celle du cœur, à la poitrine et dans le dos. C'est la preuve qu'il voulait tuer», soutient-il en déplorant toutefois les insuffisances de l'enquête. «Un listing des appels téléphoniques échangés aurait permis d'établir qui a provoqué qui». Sans se donner la peine d'argumenter, le représentant du ministère public se contente de requérir 20 ans de réclusion criminelle. La défense, elle, plus prolixe, accuse d'abord les témoins qui, dit-elle, sont partis prenant de la tragédie. «Ces faux témoins et le défunt ont poursuivi mon client jusque devant chez lui, ont insulté son père et ont porté atteinte à l'honneur de sa mère. Si mon Abdelkader a cherché le couteau, c'était pour se défendre et il n'a frappé qu'après avoir été agressé», tempête l'avocat en tentant de plaider la légitime défense. Pour lui, le fait que Abdelkader ait «été agressé devant chez lui», qu'il se soit défendu «seul contre quatre» pour «défendre l'honneur de ses parents insultés» constitue la preuve qu'il a agi en légitime défense. Pour finir, l'avocat réclame les plus larges circonstances atténuantes. Après une brève délibération, la cour déclarera S. Abdelkader, 20 ans, coupable et le condamnera à dix années de réclusion criminelle et 300 millions à titre de dédommagement.