La localité de Sidi Salem de la commune d'El Bouni, distante de 5 km du chef-lieu de wilaya de Annaba, a vécu hier au rythme de graves incidents assortis d'une importante manifestation animée par des dizaines de jeunes chômeurs. Ces derniers ont pris d'assaut, la matinée, le secteur communal de la cité, interdisant aux employés de rejoindre leurs postes de travail. Ils ont même saccagé partiellement le siège communal avant qu'une dizaine d'entre eux ne montent sur la terrasse de l'édifice et tentent de se suicider en se tailladant le corps à l'aide de couteaux à cran d'arrêt et même de coutelas. Les corps de ces jeunes étaient ensanglantés, montrant une scène choquante, surtout lorsqu'ils se sont arrosés de benzène, exigeant la présence du wali de Annaba. « Le wali de Annaba est le premier responsable de la wilaya. Il est seul habilité à nous libérer du chômage », ont crié les jeunes manifestants, torses nus, du haut de l'édifice communal. La situation s'est aggravée davantage lorsque les éléments d'intervention rapide antiémeute de la police ont accompagné le P/APC de la commune d'El Bouni pour entrer en contact avec les auteurs de cet acte désespéré. Dès leur apparition, ils ont failli être lapidés par les manifestants. D'ailleurs, le P/APC a été grièvement atteint à la tête. Ce qui a nécessité son transfert au service des urgences de l'hôpital Ibn Rochd. C'est la multitude de demandes d'emploi entassées sur les bureaux du secteur communal, tout autant que sur ceux de la direction de l'emploi qui, sans réponse, semble être à l'origine de la colère des jeunes manifestants. « Sans travail depuis des années, nous n'avons que deux issues. Soit c'est la mer (harga), soit le suicide. Les services communaux tout autant que ceux de l'Anem El Bouni n'ont jamais réglé le problème de la jeunesse en nombre dans notre localité. Nos actes sont synonymes de désespoir », justifient d'autres chômeurs leur acte de vandalisme perpétré sur la représentation communale. D'autres, plus instruits, ont tenu à préciser que « d'un côté, l'Etat criminalise l'acte de l'émigration clandestine, d'un autre, les Européens nous refusent les visas pour espérer une vie meilleure chez eux et par-dessus tout l'Etat ne nous assure pas un poste de travail encore moins un logement. Quelle est la solution d'après vous ? » Après le siège de l'APC, les protestataires se sont regroupés pour sillonner la cité Sidi Salem forte de 150 000 habitants en majorité au chômage. Ce qui a bloqué toute circulation motorisée depuis et vers cette localité coloniale, réputée pour être le fief des réseaux de harraga et de la petite criminalité. A l'heure ou nous mettons sous presse, les manifestants occupent toujours la rue. Pour le P/APC d'El Bouni blessé, ses jours ne sont pas en danger. « Je suis choqué par l'attitude avec laquelle ces jeunes vandales m'ont traité. Je voulais entrer en discussion avec eux pour aboutir à une solution. J'ai risqué ma vie », a-t-il déclaré dans son lit d'hôpital au service des urgences. Rappelons que la longue plage de Sidi Salem a été choisie pour abriter deux importants projets de tourisme – un complexe hôtelier et un village touristique. L'enveloppe que comptait investir le groupe saoudien Sidar s'élève à 50 millions de dollars. Sa mise en exploitation permettra la création de plus de 3000 postes d'emploi directs et indirects. Générateur de stabilité sociale, cet important projet avait même fait l'objet d'une visite par le président Bouteflika en 2006 et plusieurs fois par Abdelhamid Temmar, ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements. Mais la bureaucratie algérienne a voulu que le projet soit érigé uniquement sur les plans architecturaux.