Les arabophones cassent les barrières linguistiques et consacrent l'expression linguistique plurielle.Les trois journées qu'a duré le colloque sur la littérature maghrébine à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, qui a eu lieu cette semaine, fera date, du moins en un aspect : il a consacré l'expression linguistique plurielle. Des conférences ont été présentées en trois : langues : arabe, français et anglais. Et les débats en quatre langues : tamazight en plus. Les responsables du Département des lettres arabes, ont, dans ce sens, montré la voie. La question de la langue est bien résolue. Aussi, les intervenants des universités algériennes des quatre coins de l'Algérie, de Tunisie et du Maroc ont exposé leurs travaux sur l'analyse du discours dans le roman maghrébin dans un contexte linguistique complètement décomplexé. La quarantaine de communications présentées par des universitaires du Maghreb ont été des moments d'analyse des contenus des productions littéraires d'auteurs maghrébins de renom, comme Wassiny Laaredj, Assia Djebar, Mouloud Feraoun ou encore les marocains Mohamed Choukri et Tahar Benjelloun. Selon Mme Amina Bélaïd, enseignante et auteure de nombreux ouvrages, le colloque a été une réussite. Elle s'explique avec modestie : « Ce qui caractérise le succès de notre rencontre, c'est l'épaisseur des débats et la diversité des textes littéraires objets d'études et qui sont produits par des romanciers libyens, marocains, tunisiens et algériens. Ceci nous conforte dans notre approche de confronter les différentes visions des écrivains dans un espace maghrébin commun. » L'autre singularité des interventions des participants au colloque a trait à la rupture avec les crispations relevées au sein des critiques et des analystes littéraires. Des sujets tabous, comme le sexe, l'érotisme et l'importance du corps en général dans la pensée et l'écrit arabes ont été débattus sans aucune gène. Et, c'est autour de ce sujet que Hacène Mouaden, chercheur marocain, a axé son intervention en présentant une lecture du roman de l'auteur algérien Rachid Mefti, Les arbres de l'enfer. Pour sa part, le romancier Brahim Saadi, enseignant au département des lettres arabes de la même université, a témoigné sur l'écriture romanesque en sa qualité d'écrivain. Les universitaires, dans leur ensemble, lors de cette cinquième édition de l'analyse du discours dans le roman maghrébin, ont convergé sur de nombreux points que la présidente du comité scientifique Amina Bélaïd a résumé dans son intervention de clôture : « La problématique principale qui ressort de notre colloque est incontestablement celle relative à l'authenticité, le patrimoine et le modernisme. » Plusieurs points de divergences ont été toutefois relevés et ont permis d'animer les débats. Tel est le cas de la polémique provoquée par l'intervention de Habib Mounsi, de l'Université de Sidi Bel Abbès, sur la « littérature sandwich » dont serait auteur Wassiny Laaredj. A Brahim Saadi est reproché son détachement de ses personnages, lesquels sont moins engagés dans des causes humaines, comme la lutte contre la barbarie terroriste, ont souligné les intervenants. Le romancier expliquera qu'un roman est une création artistique, et que, de ce fait, un auteur se réserve la liberté de donner une personnalité à son personnage, sans altérer les visions réelles de son créateur. Devant la réussite de ce colloque, les organisateurs ont adopté la résolution de donner une dimension arabe à cette rencontre pour la sixième édition et universelle durant la septième, a indiqué le professeur Salah Belaïd, enseignant à l'université. Un autre problème, et non des moindres, a été remarqué lors de ce colloque ; la maigre affluence. Les cours se sont poursuivis normalement au sein des départements de la faculté des lettres. Résultat : pendant les travaux de la matinée de lundi, par exemple, il y avait seulement 70 personnes dans la salle, les conférenciers compris, quand l'auditorium dispose de 600 places ! Autrement dit, un colloque international sans assistance est possible. Mais cette possibilité est problématique quand on peut constater que les étudiants notamment, n'en profitent pas, plus amplement, alors qu'il aurait éminemment été profitable pour leur formation d'entendre et de rencontrer des écrivains, des critiques et des chercheurs en littérature. Les autorités universitaires devraient trouver une solution à ce paradoxe.