Tokyo (Japon). De notre envoyé spécial En plus d'avoir arraché des autorités japonaises l'«engagement ferme» de consacrer un plus gros budget pour le financement des programmes de soutien au développement du continent, ils ont pu convaincre de la pertinence de leur demande consistant à doter la TICAD d'un mécanisme de suivi, une doléance soutenue d'ailleurs par de nombreux pays dont l'Algérie.Voté à l'unanimité, ce nouvel instrument — que les dirigeants africains ont appelé de leurs vœux, il y a cinq ans, — permettra de donner plus de visibilité à l'initiative japonaise et d'apprécier son impact réel sur le terrain. Son rôle sera de veiller, du moins, à la «transparence» et à la «responsabilité» des activités de la TICAD. Le mécanisme de suivi en question présente aussi l'intérêt de maintenir un échange régulier de haut niveau entre les autorités japonaises et les Etats africains. Il est à rappeler que jusque-là, les aides de la TICAD étaient accordées selon la règle peu appréciée du «premier arrivé, premier servi». La déclaration finale (dite Déclaration de Yokohama) adoptée, hier, à la clôture des travaux de cette quatrième TICAD, par les 51 représentants du continent, dont 40 chefs d'Etat et de gouvernement, constituera, quant à elle, «la feuille de route» des actions qui seront entreprises dans le cadre du TICAD pour soutenir le développement en Afrique durant les cinq prochaines années. Ce texte de 6 pages, structuré en autant de chapitres, met l'accent ainsi, tel que l'avait annoncé le Premier ministre japonais dans son discours d'ouverture de la conférence, sur la nécessité d'accélérer la croissance économique, d'accomplir les objectifs du millénaire pour le développement et de s'attaquer aux problèmes de l'environnement. Si les deux premiers axes définis par la Déclaration de Yokohama ont pu requérir sans grande peine l'assentiment des leaders africains, il est à signaler que les aspects liés à l'environnement ont été trouvés quelque peu «incongrus» par certaines délégations. Celles-ci ont, à cet effet, expliqué simplement qu'«il n'est pas évident de réussir à convaincre, dans un contexte de crise alimentaire aiguë, des populations tiraillées quotidiennement par la faim de se concentrer sur un tel débat». Les dirigeants africains ont, à l'occasion, tenu à rappeler qu'ils n'étaient pas venus au Japon pour demander la charité, mais plutôt pour attirer l'attention de Tokyo et des autres grandes capitales occidentales sur le fait qu'ils avaient beaucoup plus besoin d'investissement massifs que d'autre chose. «La TICAD est une initiative louable et pertinente. Nous la saluons et nous la soutenons. Cela dit, nos partenaires doivent se mettre à l'idée que nous savons ce que nous devons faire pour sortir du tunnel. Et ce dont nous avons besoin, ce sont des investissements directs», ont fait remarquer de nombreux chefs d'Etat lors des débats en plénières. Des débats tenus loin des regards de la presse en raison, a-t-on dit, d'impératifs liés à la sécurité. Le Japon et la TICAD insistent sur la réforme de l'ONU L'autre «point» pouvant revêtir un caractère important dans la Déclaration de Yokohama est celui relatif à l'appel lancé par les participants pour «l'accélération d'une réforme des principaux organes des Nations unies, y compris celui du Conseil de sécurité au cours de la présente session de l'Assemblée générale de l'ONU». Une «demande» justifiée, entre autres, par l'idée que «le développement et la paix doivent aller en tandem» et la nécessité d'avoir des nouvelles voix favorables à l'Afrique au sein de l'ONU. Et parmi elles, il y aurait, bien entendu, celle du Japon, un pays dont le Premier ministre a réitéré, hier, l'intention de briguer un poste de membre permanent au Conseil de sécurité. C'est ainsi que durant les plénières, mentionnent des sources proches de la TICAD, les autorités japonaises ont «longuement travaillé au corps» les dirigeants africains pour les persuader de soutenir sa candidature. Fait inévitable, la Déclaration de Yokohama intitulée «L'Afrique qui gagne» n'a pas omis aussi de mettre en exergue les fortes préoccupations de l'Afrique quant aux dangers que fait courir la flambée des produits agricoles sur la sécurité alimentaire déjà très précaire de la majorité des pays du continent. La question a même dominé les débats. Malheureusement, aucun des quatre documents adoptés lors de la TICAD IV (la Déclaration de Yokohama, le Mécanisme de suivi de la TICAD, le Plan d'action de Yokohama et le Résumé du président de la TICAD IV) ne propose de réponses immédiates aux préoccupations de l'Afrique. Cela alors que les responsables de la FAO ont annoncé sur place même que «les prix agricoles vont demeurer à des niveaux très élevés au cours de la prochaine décennie». Le Japon, qui a tout de même pris la décision d'accorder une aide d'urgence de 100 millions de dollars aux pays les plus en difficulté et promis de contribuer, à l'avenir, à doubler la production de riz de l'Afrique, a préféré laisser le soin à la réunion du prochain sommet du G8 de Hokkaïdo, en juillet prochain, de plancher sur la question. Pour Tokyo, «la réponse qui doit être apportée à la problématique de la flambée des prix des produits alimentaire doit être globale, car dépassant le cadre d'un seul pays». Le Premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, a toutefois assuré qu'il sera le plus fervent défenseur de la cause de l'Afrique à ce sommet. Rencontre de laquelle dépend, comme toujours, le sort des pays les plus pauvres d'Afrique.