La promotion des investissements en Afrique reste le principal cheval de bataille dans la politique du Japon d'aide au continent noir. Le Premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, a dévoilé, hier, à Yokohama, dans un discours prononcé à l'ouverture des travaux de la 4e Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique (TICAD IV) les détails d'une stratégie devant permettre, selon lui, aux pays les plus pauvres du continent africain, de s'inscrire dans une croissance durable. Yokohama (Japon) : De notre envoyé spécial Ce plan qui bénéficiera, durant les cinq prochaines années, d'une enveloppe globale de 7,2 milliards de dollars US consigne les quatre principales actions sur lesquelles le Japon – en partenariat avec les organismes des Nations unies et les 23 pays donateurs – compte dorénavant mettre l'accent sur son soutien apporté au développement en Afrique. L'accomplissement des objectifs du millénaire (OMD), l'accélération de la croissance économique, l'établissement de la sécurité humaine et la prise en charge des problématiques liées à l'environnement et aux changements climatiques sont les principaux chantiers auxquels s'attaquera en priorité le gouvernement japonais. D'ores et déjà, M. Fukuda a déclaré que le Japon fera de la promotion des investissements, de l'augmentation de la production agricole et du développement des infrastructures (routes et autoroutes), le principal cheval de bataille dans sa politique d'aide destinée à l'Afrique. Il est prévu d'ailleurs que ces secteurs prennent la part du lion dans le budget des aides allouées au continent africain puisqu'il leur sera consacré pas moins de 4 milliards de dollars au cours des cinq années à venir. « Afin que la croissance en Afrique prenne de la vitesse, il est crucial d'améliorer les infrastructures. Et les expériences du Japon et d'autres pays asiatiques nous indiquent que pour attirer les investissements privés, il est indispensable d'améliorer les infrastructures de transport », a déclaré Yasuo Fokuda dont le staff n'a pas caché hier sa satisfaction d'avoir réussi à réunir plus de dirigeants africains que n'ont pu le faire la Chine et l'Inde lors de leurs sommets respectifs avec l'Afrique. Le Japon nargue la Chine Le constat a d'ailleurs amené Kazuo Kodama, le secrétaire pour la presse du ministère japonais des Affaires étrangères (MOFA), à déclarer, plein d'orgueil, lors d'un briefing animé en soirée, que « la TICAD est la réunion au sommet la plus importante qui se tient hors d'Afrique. » Cette déclaration proclamée sur un air de victoire confirme, de l'avis des nombreux observateurs présents sur place, l'intensité de la rivalité sino-japonaise et les enjeux que représente l'Afrique. Des enjeux qui, s'ils sont bien négociés, susurrent les mauvaises langues à Yokohama, peuvent permettre au Japon d'arracher en bout de course le fauteuil tant convoité de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et s'assurer une position de choix sur l'échiquier africain. Pour beaucoup, ce n'est pas le fait du hasard si Yasuao Fokuda a évoqué, dans son discours d'ouverture, la nécessité de réformer le Conseil de sécurité des Nations unies. En tout cas, le Premier ministre n'a pas caché le souhait de son pays d'« (…) en faire plus pour la consolidation et le maintien de la paix en Afrique, car convaincu que la croissance et le développement ne peuvent être atteints que si la paix et la sécurité règnent ». En réponse aux « lectures tendancieuses » de leurs actions menées en Afrique, les responsables nippons invoquent simplement leur propre expérience tout en soutenant toutefois mordicus que l'« approche fondamentale du Japon à l'égard du développement en Afrique pourrait se résumer en une seule action : indépendance et coopération mutuelle ». En crise, l'Afrique veut du concret Pour parvenir justement à réaliser les ambitions du Japon en Afrique, M. Fukuda a confirmé son engagement consistant à doubler l'aide publique destinée à l'Afrique et à mettre en place un fonds de garantie doté d'une enveloppe de 2,5 milliards de dollars pour soutenir les opérations d'investissements des entreprises japonaises dans les pays africains. Si les représentants des pays africains présents à cette conférence de Yokohama, organisée dans des conditions de sécurité très strictes, n'ont pas manqué de « rendre hommage à tous les efforts méritoires et pertinents consentis par le Japon ces 15 dernières années pour le développement de l'Afrique », ceux-ci ont cependant affiché leur crainte que le remède apporté aux problèmes du continent ne puisse pas produire son effet sans un engagement réel des entreprises étrangères et un apport massif d'investissements directs. A ce propos, comme pour bien mettre en exergue les écarts qui existent encore entre les discours des grandes puissances et la réalité du terrain en Afrique, le président tanzanien, Jakaya Mrisho Kikwete, n'a pas manqué de souligner le caractère dérisoire des investissements nippons et occidentaux dont les pays africains bénéficient chaque année. En ce sens, nombreuses ont été les interventions ayant souhaité à ce que les « bonnes intentions » affichées à l'égard de l'Afrique lors de cette quatrième rencontre de la TICAD ne restent pas lettre morte. Des dirigeants africains, dont les pays sont actuellement frappés de plein fouet par la flambée des prix des produits alimentaires, ont espéré que leurs travaux, au-delà de l'étage de chiffres, débouchent sur du « concret » eu égard aux graves crises endurées par les populations. Face à cette situation inquiétante, le représentant du président Bouteflika à la TICAD IV, Ahmed Ouyahia, a d'ailleurs saisi l'opportunité pour « lancer un appel à la mobilisation internationale urgente et à des mesures opérationnelles pour répondre aux besoins de plus en plus pressants de l'Afrique ». Il a, en outre, réitéré le soutien de l'Algérie à la proposition du secrétaire général de l'ONU relative à la nécessité d'un « New Deal de la politique alimentaire mondiale. Proposition qu'il espère qu'elle sera défendue lors du sommet du G8 qui se tiendra en juillet prochain à Hokkaido au Japon. Un pays qui, de l'avis de nombreux observateurs présents à Yokohama, est tenu plus que jamais de prouver que ses engagements envers l'Afrique ne sont pas des paroles jetées en l'air.