La cellule de communication de la sûreté de wilaya de Tizi Ouzou inonde les bureaux de presse de communiqués portant l'objet : « Lutte contre la prolifération des lieux de débauche et de prostitution ». Le dernier communiqué, transmis jeudi, nous apprend que les « services de la brigade de recherche et d'investigation ont effectué une opération de police dans un débit de boissons servant de lieu de débauche au lieu-dit Gare Maâtkas ». Soit. La sûreté de wilaya de Tizi Ouzou a l'initiative méritoire de vouloir cacher cette vieille activité qu'on ne saurait voir. Sauf qu'elle utilise un marteau pour écraser une mouche. C'est la « brigade de recherche et d'investigation » qui a été mobilisée pour fermer un troquet. L'élite de la police a été mise en branle pour jeter en prison des femmes déguenillées, déjà laminées par la vie. Est-ce que, pour autant, la sécurité est rétablie dans la région ? Cette descente de police à Maâtkas, où une dizaine de kidnappings ont été commis depuis deux ans sans qu'il y ait la moindre arrestation, a eu lieu lundi dernier. Deux jours plus tard, un commerçant a été enlevé à Boghni, à une dizaine de kilomètres à vol d'oiseau de Maâtkas. Les prostituées partent, les kidnappeurs restent. La wilaya enregistre son quarantième kidnapping. A partir de quel seuil la brigade de recherche et d'investigation de la sûreté de wilaya va-t-elle consacrer ses énergies à démanteler ou affaiblir les réseaux du kidnapping ? Pour l'heure, les commerçants et les entrepreneurs de la région comptent sur eux-mêmes pour déjouer les guet-apens, ainsi que sur les capacités de la famille et du village à ramasser un milliard de centimes en quelques jours. L'annonce faite par le ministre de l'Intérieur au sujet de la mise en place d'unités spéciales contre le crime organisé et les kidnappings remonte à juillet 2007. Deux ans plus tard, la Kabylie, prise en otage par le GSPC et les réseaux apparentés, attend toujours. Sans aller sur les chemins périlleux du sud de la wilaya, le travail ne manque pas au chef-lieu de Tizi Ouzou. Des nouvelles inquiétantes provenant notamment de la Nouvelle-Ville font état de la constitution de groupes de nature maffieuse. Des commerçants sont tenus de payer une dîme mensuelle pour que, semble-t-il, des jeunes assurent le gardiennage des rues pendant la nuit. Si le commerçant ne s'acquitte pas de la rançon, c'est la bagarre ou le saccage de la devanture du magasin. Les commerçants de Palerme, en Sicile, ont vaincu la peur il y a quelques années, en brisant l'omerta sur le racket maffieux. Chez nous, les commerçants ont trop peur, et la police poursuit courageusement sa campagne contre les « lieux de débauche ».