C'est connu, l'histoire ne s'accommode pas de demi-vérités. Lorsqu'un pays entreprend d'écrire la sienne, il va sans dire que tout, absolument tout, doit être dit. Si des nations sont devenues grandes, c'est parce qu'elles ont eu, à un moment ou à un autre, le courage et l'intelligence de tout mettre à plat.Elles ont surtout accepté, pour avancer et embrayer sur l'avenir, le principe cardinal d'assumer leur passé dans tout ce que celui-ci pouvait avoir, certes, de glorieux, mais aussi de honteux ou de sordide. Lors de cet exercice périlleux, il est inutile de vouloir essayer de ruser avec l'histoire. Les imposteurs et les fossoyeurs, morts ou vifs, finissent toujours par être rattrapés par leurs mensonges ou leurs crimes. Ce ne sont pas les exemples qui manquent. Il est possible de citer à profusion des cas de figure qui ont terminé des guerres en héros, mais qui cependant ont fini leurs jours en traîtres et vice-versa. La délivrance, car c'en est une aussi d'une certaine manière, ne saurait s'obtenir si l'on encombre également l'histoire de parasitages politiques ou de lectures au présent. Les enjeux du présent ou du futur ne doivent pas avoir les mains libres pour commettre des hold-up à répétition contre le passé et la vérité. Seuls les historiens ont le droit d'avoir carte blanche. Et n'en déplaise à certains, ce sont d'abord les historiens — dont beaucoup d'ailleurs sont Français — qui, en premier, ont crié au scandale lorsque les nostalgiques de «l'Algérie française» ont opéré à Paris, en février 2005, un coup de force pour faire subir une seconde fois au peuple algérien la gégène et décréter que la colonisation a des bienfaits. Il s'agit là d'un fait qu'il est difficile d'occulter.Comme il est inadmissible d'occulter le fait que notre révolution, la révolution algérienne, s'est abreuvée sans compter, outre du sang d'Algériens, de celui de Marocains, de Tunisiens, d'Egyptiens et de beaucoup d'autres hommes libres dont l'histoire ne retient même pas les noms. L'ignoble massacre de Sakiet Sidi Youcef est là pour le prouver.Chercher à nier de telles pages d'histoire serait faire preuve d'une inqualifiable ingratitude envers ces peuples et prendre le risque de se voir maudire à jamais. Non, les Algériens ne sont pas ingrats. Ils seront reconnaissants à jamais envers ces peuples et personne ne leur imposera de vivre leurs nuits et leur avenir dans le tourment et le regret. De tels sacrifices requièrent de rendre plutôt hommage aux Justes et de les laisser reposer en paix. C'est humblement le meilleur que nous puissions faire. Pour le reste, c'est l'histoire qui jugera.