Les Tigres tamouls du Sri Lanka, qui ont admis leur défaite militaire, forment la guérilla la mieux organisée au monde et se battaient, depuis 37 ans, pour un Etat tamoul indépendant dans le nord et l'est. Les séparatistes des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), jugés indestructibles, se sont effondrés sous les coups d'une guerre conventionnelle orchestrée depuis trois ans par le régime nationaliste du président Mahinda Rajapakse. La rébellion contrôlait en 2006 un tiers des 65 000 km2 du territoire srilankais, dans le nord et l'est, où elle voulait fonder un Etat séparé. « Leur chute a été aussi spectaculaire que leurs attaques », résumait récemment le général en retraite, Vipul Boteju, se disant surpris par une « débâcle si rapide ». Le LTTE, acculé sur un rectangle de jungle de 400 m sur 600 m dans le nord-est, a annoncé dimanche avoir cessé le combat, admettant ainsi sa défaite militaire. Les Tigres avaient été éjectés en été 2007 de leurs bastions de l'est. Ils avaient perdu, en janvier dernier, leurs fiefs du nord, notamment leur « capitale » politique Kilinochchi et leur dernière ville Mullaittivu. En accumulant les déroutes, les insurgés ont perdu leurs infrastructures militaires : leurs bases terrestres, leur marine les « Tigres des mers » et leur mini-armée de l'air, les « Tigres volants ». En mars 2007, ils avaient fait sensation en envoyant deux avions de fabrication tchèque bombarder une base de l'armée de l'air à Colombo. Ces missions audacieuses se sont répétées jusqu'en février dernier. Créés en 1972 par un Tamoul radical, Velupillaï Prabhakaran, les Nouveaux tigres tamouls rebaptisés LTTE en mai 1976 ont perpétré le plus d'attaques suicide au monde. La guérilla, qui a compté 20 000 combattants, est tristement célèbre pour ses commandos suicide les « Tigres noirs », dont un tiers de femmes multipliant les attentats dès 1987. En mai 1975, Prabhakaran avait commis le premier assassinat politique en tuant le maire de Jaffna (nord). Les Tigres avaient assassiné en mai 1991 le Premier ministre indien, Rajiv Gandhi, et le président srilankais, Ranasinghe Premadasa, en mai 1993. Pour ces crimes, le LTTE est inscrit, depuis le 29 mai 2006, sur la liste d'organisations « terroristes » de l'Union européenne et figure depuis 1997 dans un classement identique du département d'Etat américain. En outre, les Tigres disposent de réseaux de collecte de fonds, grâce à la diaspora tamoule en Europe, Amérique du Nord ou Australie. Ils sont également accusés, comme l'armée, d'avoir enrôlé des enfants comme soldats. Pourtant, dans leur fief du nord avec ses tribunaux, police et banques, les rebelles accueillaient des dignitaires et médiateurs étrangers. Leur mouvement avait été interdit par Colombo en janvier 1998, puis légalisé en septembre 2002, après un cessez-le-feu. Mais cette trêve fut rompue en janvier 2008 par le président Rajapakse, épaulé par son frère Gotabhaya à la tête du ministère de la Défense. Les deux hommes ont choisi la guerre à outrance pour achever un conflit qui a fait plus de 70 000 morts. Le budget de la Défense atteint 1,6 milliard de dollars en 2009, un record. Colombo a acheté des armes dernier cri, élargi le recrutement de soldats et modifié les stratégies et tactiques militaires. Les Tigres « semblaient invincibles. Mais ils ont sous-estimé la puissance de l'armée », a analysé M. Boteju. Les insurgés « n'ont pas réussi à être une grande force armée conventionnelle. Ils ont duré longtemps car aucun gouvernement précédent n'avait vraiment voulu aller à la confrontation », commente le co-fondateur du LTTE devenu un homme politique tamoul modéré, Dharmalingam Sithadthan.