Une nouvelle page s'ouvre dans l'histoire du Sri Lanka, cette petite île de l'océan Indien, secouée depuis trois décennies par une guerre civile fratricide. Les 20 millions d'habitants de ce petit paradis touristique fêteront aujourd'hui l'élimination du groupe armé qui a ensanglanté leur pays et la voisine Inde. Colombo : De notre envoyée spéciale Le président Rajapaksa en a décidé ainsi, proclamant la journée d'aujourd'hui fête de la Victoire. L'organisation clandestine armée des Tigres de Libération de l'Eelam Tamoul, fondée en 1976, a été décapitée par l'armée sri-lankais qui a réussi à extirper cette guérilla de la région du Nord-Est, où elle s'était retranchée, après avoir perdu le contrôle de territoires plus vastes, dont l'île de Jaffna. Mais tout les Sri-Lankais n'ont pas le cœur à fêter cette fin tragique des Tigres tamouls et la mort annoncée de leur chef, Vellupilai Prabha-Karan, dont le cadavre a été montré à la télévision, alors que les rebelles tamouls affirment que l'homme le plus recherché au Sri-Lanka est bien vivant. Certains Sri-Lankais, surtout tamouls, qui se considèrent victimes d'une intolérable discrimination dans leur pays à majorité cingalaise, se montrent amers face au ton triomphaliste affiché par le chef de l'Etat. Selon eux, l'opération militaire qui a mené à cette reddition des Tigres tamouls a eu un coût trop élevé en termes de pertes humaines. Plus de 6500 civils sont morts, 12 000 ont été blessés et 200 000 déplacés de leurs villages à cause des combats. Une jeune commerçante rencontrée dans le quartier tamil de Colombo, appelée la petite Jaffna, estime que « ce n'est pas le moment des célébrations, mais plutôt celui d'une profonde réflexion ». Dans son discours à la nation sri-lankaise, prononcé hier devant le Parlement, le chef de l'Etat a promis d'œuvrer à une solution au conflit entre les deux ethnies, promettant plus de droits aux Tamouls. Condamnés à vivre ensemble, Sri-Lankais, Tamouls et Cingalais, hindous, bouddhistes, musulmans et chrétiens, devront se pencher sur cette page sanglante de l'histoire de la petite ex-colonie britannique. On compte plus de 70 000 victimes de cette guerre civile, qui a duré 30 ans, sans que la minorité tamoule puisse voir se réaliser le rêve de ses leaders politiques d'une séparation de l'Etat central de Colombo. L'Inde non plus, pays où vit la plus grande communauté de Tamouls, n'aurait jamais permis que ce projet d'indépendance puisse voir le jour. Le sort des Tamouls du subcontinent indien rappelle celui des Kurdes à bien des égards.