Istanbul (Turquie) : Correspondance particulière Réélu l'an dernier avec près de 47% du suffrage, la formation politique du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, n'échappe cependant pas à une sanction qui sera économique, puisque l'AKP sera privé de la moitié de son financement public. Une décision à priori modérée, mais qui ne reflète en réalité qu'un équilibre dans la balance des votes. Six juges contre un ont voté en faveur de l'interdiction de l'AKP. Les cinq voix restantes se sont prononcées pour une sanction à valeur d'avertissement, soit économique. La majorité absolue de 7 voix était nécessaire pour prononcer l'interdiction du parti politique mais n'a ainsi pas été atteinte. Si le président de la Cour constitutionnelle, Hasim Kiliç, a déclaré que les juges n'avaient «à aucun moment cédé aux pressions», pour Mustafa özyürek, un responsable de la principale formation d'opposition, celle du Parti républicain du peuple (CHP) «une majorité des juges est tombée d'accord sur la position anti-laïque de l'AKP. Interpréter cette décision en occultant cela serait faux». Le président du Parlement, Köksal Toptan, a pour sa part prédit «un sérieux apaisement», dans une Turquie nettement divisée entre les camps laïc et conservateur. L'AKP, pour sa part, s'est toujours défendu de vouloir imposer la charia, dans ce régime laïc, selon sa constitution et fondé par Mustafa Kemal Atatürk en 1923. Hasim Kiliç a justifié la rapidité du délibéré en expliquant que «70 millions de Turcs avaient les yeux rivés vers la Cour constitutionnelle et sur sa décision, il était de notre devoir de le faire rapidement». Un record dans l'histoire de la Turquie, confrontée à 24 interdictions de partis politiques depuis les années 1960, principalement des formations d'extrême gauche, kurde, et islamiste. La Cour d'Etat a attendu la clôture de la Bourse pour annoncer sa décision en fin de journée, afin de ne pas affecter davantage l'économie du pays, déjà en proie à l'inquiétude des investisseurs étrangers depuis plusieurs mois. L'Union européenne, dont la Turquie vise l'adhésion, ainsi que les Etats-Unis, grand allié de toujours, avaient fait part de leur inquiétude quant à une éventuelle interdiction de l'AKP, pro-européen et important soutien géostratégique du gouvernement Bush dans sa lutte contre le terrorisme.