La tentation des « quotas » en ce qui concerne l'immigration active semble contagieuse. Qu'on en juge. « La France doit se doter d'une politique cohérente si elle veut tenir son rang dans l'enseignement supérieur, et par voie de conséquence, dans la recherche. Et si elle veut entretenir et développer, dans le monde, une influence intellectuelle et politique aujourd'hui incertaine », souligne une note confidentielle d'une trentaine de pages rédigée par Josy Reiffers, ancien directeur adjoint de cabinet de Luc Ferry et que publie le quotidien Le Monde (édition du 29 janvier). M. Reiffers s'interroge sur la capacité de la France à attirer les élites d'autres pays. Sur le plan quantitatif, la situation semble s'être améliorée : après plusieurs années de diminution, entre 1990 et 1998, le pays a réussi à inverser la tendance. Grâce notamment à l'assouplissement des conditions d'obtention des visas, leur nombre est passé de 149 000 en 1998 à un peu plus de 240 000 aujourd'hui. Sur les 240 000 étudiants étrangers qu'accueille la France, 50% viennent d'Afrique subsaharienne et du Maghreb. Le rapport signale que, en termes de part de marché, la France (9% du total mondial des étudiants effectuant leurs études supérieures en dehors de leur pays) se situe après les Etats-Unis (30 %), le Royaume-Uni (14 %), l'Allemagne (12%) et l'Australie (10%). Selon le rapport, une partie importante des 240 000 étudiants recensés comme étrangers sont en réalité des bacheliers issus de l'immigration, qui ont accompli leurs études secondaires en France (plus de 50 000). Une majorité des étrangers (environ 135 000) viennent en France sans avoir obtenu de bourses de mobilité, contrairement à ce qui se passe dans les grandes écoles. Une partie des étudiants étrangers inscrits en France ont, par ailleurs, été recrutés pour des motifs purement budgétaires, souligne M. Reiffers. Comme les dotations des universités sont calculées en fonction du nombre d'étudiants, certains établissements ont parfois eu tendance à faire appel à des étrangers pour compenser la diminution de leurs effectifs (notamment dans les disciplines scientifiques). Le rapport parle, à ce propos, de « politique de bourrage d'amphis ». « Le rayonnement de la France, qui repose sur l'hypothèse que les anciens étudiants étrangers deviennent des ambassadeurs de la France dans le monde, pourrait être mis à mal par les conditions d'accueil actuelles », note l'auteur du rapport. Au pire, ces carences pourraient poser un problème d'ordre public. « Le risque d'explosion sociale n'est pas à sous-estimer, relève M. Reiffers. Les résidences ghettos où sont hébergées de fortes proportions d'étrangers, parfois d'une même communauté, peuvent constituer des foyers de contestation et un terreau du communautarisme. Une telle situation peut évidemment être instrumentalisée à des fins politiques. » M. Reiffers signale qu'il n'existe aucune donnée sur le retour de ces étudiants dans leur pays et leur insertion professionnelle. Le rapport cite une étude de la direction de l'évaluation et de la prospective (DEP) selon laquelle le taux de réussite des étudiants étrangers est inférieur à 40% à celui des étudiants français. Face à cette situation, le rapport présente deux solutions. La première consiste à augmenter très fortement le budget de l'enseignement supérieur pour parvenir à accueillir convenablement les étudiants étrangers (accroissement du parc de logements publics, création d'emplois, etc.). La seconde passe par la sélection des étudiants avant leur arrivée. Dans cette logique, le rapport plaide pour la mise en place d'une sélection plus drastique des étudiants étrangers. Le ministère de l'Education nationale ne conteste pas le bilan sur les conditions d'accueil des étudiants étrangers, indique Le Monde. Mais François Fillon réfute, selon son entourage, l'hypothèse de la mise en place de « quotas », jugée « contraire à la tradition française » comme semble le suggérer le rapport. Estimant « inacceptable » l'arrivée d' « étudiants n'ayant pas le niveau », le ministère plaide pour la mise en place de tests linguistiques et un examen des dossiers scolaires pour améliorer les recrutements.