La bureaucratie n'épargne personne. Dans sa première sortie médiatique depuis son installation en juin 2008, David D. Pearce, ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en Algérie en parle. « Nous souffrons de problèmes bureaucratiques », a-t-il souligné hier au cours d'une rencontre au siège de l'ambassade américaine à Alger avec des journalistes des quotidiens El Watan, El Khabar, Liberté , L'Expression et de l'APS, l'agence de presse officielle. M. Pearce a évoqué, entre autres, la lenteur du dédouanement de « marchandises ». Mais il n'y a pas que cela. Il a également relevé le problème du « manque de transparence quand les règles (économiques) changent ». A la fois mesuré et percutant, l'ambassadeur, qui a fait plusieurs capitales arabes avant d'arriver à Alger, estime cependant que « les choses évoluent dans le bon sens » et que le gouvernement algérien « œuvre » pour la modernisation de l'administration. Cela, admet-il, nécessite du temps, comme aussi l'aboutissement des différentes réformes entreprises par l'Etat algérien. L'ambassadeur américain dit ainsi croire en la bonne volonté du gouvernement algérien d'aplanir ces « problèmes » et d'encourager les investissements étrangers. Il se félicite à l'occasion de l'« excellence » des relations bilatérales, marquées par une intense coopération dans divers domaines. « Nos deux pays partagent une longue histoire de coopération bilatérale, de commerce et d'échanges qui ont évolué et se sont développés durant les dernières années au-delà des hydrocarbures et de la lutte antiterroriste », a-t-il indiqué. Les échanges commerciaux ont dépassé, selon lui, 22 milliards de dollars cette année. « L'Algérie est notre deuxième plus grand partenaire commercial dans le monde arabe et nous sommes le premier partenaire commercial de l'Algérie dans le monde », s'est-il félicité. Mais ces échanges restent dominés par les hydrocarbures. L'ambassadeur tente de rassurer dans ce sillage que les sociétés américaines cherchent activement à augmenter l'investissement en Algérie en dehors du secteur des hydrocarbures. Mais la question de l'investissement n'est pas « une décision politique », a-t-il précisé. « Les compagnies sont attirées par le profit. Lorsque le climat des affaires est jugé bon, elles investissent, et dans le cas contraire, elles hésitent », a-t-il souligné, tout en attestant de l'existence de « beaucoup d'opportunités d'investissement en Algérie ». Il demande un peu de « patience ». La frilosité des entreprises américaines à investir en dehors des hydrocarbures en Algérie peut s'expliquer aussi par la situation sécuritaire, même si celle-ci, affirme-t-il, a connu « beaucoup de progrès ». Interrogé sur le dernier texte de loi obligeant les sociétés étrangères d'ouvrir leur capital aux nationaux à hauteur de 30%, il estime que ce texte ne préoccupe pas particulièrement les Américains. Il reconnaît qu'il y a eu confusion. « Mais je crois que le gouvernement algérien fait le nécessaire. Il est difficile de changer tout rapidement », a-t-il attesté, exprimant la disponibilité de son pays à coopérer dans tous les domaines. Les Etats-Unis, comme il l'a indiqué, vont participer à la Foire internationale d'Alger avec 21 grandes entreprises. Vol direct Alger-New York L'ambassadeur revient sur l'ensemble des dossiers de coopération bilatérale. « Nous travaillons avec le gouvernement afin de conclure un accord Open Sky qui ouvrira la voie à des vols directs à destination de New York avec Air Algérie. Nous nous rapprochons également de la conclusion d'un accord douanier bilatéral, ainsi que d'un accord d'assistance juridique. » Il a parlé également de l'organisation de missions spécialisées, dont une mission agroalimentaire algérienne aux Etats-Unis, un séminaire sur le matériel médical à Alger et une mission algérienne qui était la première de son genre à la Offshore Technology Conference (première foire du pétrole/gaz en Amérique). Toujours dans le domaine de la coopération, il a annoncé la tenue d'un événement en juin sur les technologies pour sauvegarder l'environnement aux Etats-Unis. Outre l'investissement, les deux gouvernements travaillent, selon lui, en étroite collaboration sur une grande gamme de programmes et d'échanges pour améliorer les opportunités pour la jeunesse algérienne dans l'économie mondiale. L'ambassadeur cite parmi « ces priorités » l'élargissement de l'enseignement de la langue anglaise, notamment dans le cycle secondaire. « A travers notre programme dénommé Access, mené en coopération avec le ministère de l'Education nationale, j'espère que nous aurons un groupe d'étudiants avec un niveau d'anglais suffisamment élevé pour réussir leurs études universitaires aux Etats-Unis. J'espère également que ces étudiants obtiendront des bourses du secteur public ou privé, liées aux offres d'emploi afin qu'ils puissent continuer cette réussite, poursuivre leurs études aux Etats-Unis puis retourner dans leur pays pour le servir », a-t-il indiqué. Outre l'encouragement de l'investissement en dehors des hydrocarbures, M. Pearce dit espérer travailler avec le gouvernement algérien sur d'autres dossiers aussi « prioritaires », comme « la liberté d'association, la diffamation et la presse, le renforcement du rôle de la femme (chose à laquelle la secrétaire d'Etat s'intéresse personnellement), la protection des droits de propriété intellectuelle comme moyen d'encourager la créativité ». Une coopération militaire « assez modeste » Dans le domaine militaire, l'ambassadeur estime que la coopération est « assez modeste ». Il espère ainsi « pouvoir continuer » à une collaboration plus intense entre les deux gouvernements pour combattre le terrorisme et garantir la stabilité aussi bien dans la région qu'à travers le monde. Car, pour lui, la coopération militaire reste un élément important dans cette bataille. M. Pearce a néanmoins précisé que « la coopération sécuritaire n'est pas seulement une question de contacts entre les forces armées ». Il explique que la coopération militaire concerne la formation notamment d'officiers algériens dans les écoles militaires américaines. Quant aux équipements militaires et armements, l'ambassadeur affirme qu'il n'y a eu aucune restriction du côté américain. « La vente d'armes est codifiée par des règles qui s'appliquent à tous les pays qui voudraient acheter des armes auprès des Etats-Unis, des règles qui consistent à vérifier l'existence réelle du besoin exprimé », a-t-il souligné, affirmant qu'il y a eu « hésitation du côté algérien ». Et d'ajouter : « Nous sommes disposés à discuter. » Questionné sur la situation dans le Sahel devenu une zone de repli des groupes terroristes, notamment au nord du Mali, l'ambassadeur a indiqué que cela relève, en premier lieu, de la responsabilité des pays de cette région. « La situation au Sahel est préoccupante. Notre coopération se limite aux échanges d'informations et d'analyses sur la situation. Si un pays le demande, nous pouvons l'assister », a-t-il assuré. Sahara occidental L'ambassadeur affirme que les deux pays collaborent et se « consultent » mutuellement sur plusieurs questions d'intérêt régional et international comme celle du Sahara occidental, le Sahel et autres questions relatives au Moyen-Orient et à l'Afrique. Concernant le conflit sahraoui, M. Pearce affirme que le gouvernement américain est confiant en les capacités de l'envoyé spécial des Nations unies, Christopher Ross, à faire avancer le dossier. « Trouver une solution à ce conflit n'est pas facile. Je pense que le mieux que l'on puisse faire est d'éviter des déclarations qui peuvent compliquer le travail de Christopher Ross qui connaît bien la région », a-t-il souligné. « Nous demandons la dépénalisation du délit de presse » Ancien journaliste, l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger, David D. Pearce, a déclaré hier avoir eu des « différends » avec le gouvernement algérien sur certains dossiers dont celui de la presse. « J'ai demandé la dépénalisation du délit de presse. Cela m'intéresse parce que j'étais moi-même journaliste. J'ai parlé avec les responsables concernés, car ma philosophie ne consiste pas à critiquer dans la presse, mais à discuter directement avec le gouvernement », a-t-il précisé, espérant que des changements vont intervenir dans ce secteur. Pour illustrer le degré de l'importance de l'information pour l'opinion publique dans une démocratie, M. Pearce cite Thomas Jefferson, un des plus illustres présidents américains, qui avait déclaré une fois que s'il avait à choisir entre un gouvernement sans journaux et des journaux sans gouvernement, il aurait opté sans hésitation pour le deuxième.